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HE

TRAITÉ

DE

L'AME DES BETES.

AVEC

DES RÉFLEXIONS

PHYSIQUES ET MORALES.

ARTICLE PREMIER. De l'incertitude de la plupart des connoiffances humaines.

N ne fçauroit trop s'étonner de l'orgueil & de la vaine préfomption de l'Homme.Rien n'est plus borné que ses connoiffances, & cependant il s'imagine que ce qu'il a devant les yeux, n'eft pas capable de remplir la capacité de son esprit. Il

A

entreprend de franchir l'efpace immenfe, qui eft entre fon Créateur & lui il aspire à fa plus étroite confidence: il veut difcourir de fa nature & de fon effence, tantôt avec l'ennuyeux jargon de la Philosophie, tantôt avec un ftile enflé, & des exprefsions pleines d'emphase ; * tandis que parmi tout ce qui l'environne, la moindre chose eft pour lui un abîme où fon efprit fe perd & fe confond. Il n'a nulle notion certaine de ce qu'il eft luimême, & il ne connoît nullement ce qui le compofe. Il dit De l'ef- qu'il eft un compofé d'efprit & de prit & de matiere,&ilnefçait ce que c'eft

la matiere.

*Je ne fçaurois fouffrir que lorsqu'il s'agit de prouver l'existence ou la providence de Dieu, on fe ferve d'expreffions brillantes & recherchées, qui font plus propres à éblouir qu'à perfuader. Ce font des vérités que la nature elle-même prêche à tous les Hommes. Il me femble qu'on devroit des traiter avec la même fimplicité. Il s'agit de convaincre par des preuves fenfibles, & non de flater l'oreille par l'harmonie des fons.

qu'efprit & matiere; car qu'on demande ce que c'est qu'un efprit? c'eft, dira-t'on, une fubftance immatérielle, ou qui n'a point de parties. Ce que c'eft que la matiere ? C'eft un être compofé de parties. En vérité, fontce là des définitions? C'eft,com- me fi l'on difoit; un Esprit eft ce que n'eft pas la Matiere, & la Matiere eft ce que n'eft pas l'Efprit: c'eft-à-dire,qu'elle n'eft pas indivisible, parce qu'elle a des parties,& que l'Esprit eft indivifible, parce qu'il n'a pas de parties. Si l'on demande ce que c'eft que ces parties? Auffitôt l'Esprit fe perd dans l'infini; car enfin ces parties n'ont aucunes qualités par lefquelles on puiffe les définir. Il est même impoffible de concevoir une de ces parties; puifque, quelqu'effort que l'on faffe, ce que l'on concevra fera toujours un tout compofé d'une infinité de parties, lefquelles

parties feront auffi compofées d'une infinité d'autres parties. Revenons à l'Esprit. D'autres croyent raisonner plus jufte, en disant qu'un Esprit est une fubftance penfante. Mais je demande fi l'on conçoit bien ce que c'est que penfer? Penfer, dirat'on, c'est concevoir des objets : mais ces objets font ou matériels ou fpirituels; s'ils font matériels, comment l'Esprit peut-il les concevoir, ou fe les repréfenter? Quel rapport peut-il y avoir entre une fubftance qui n'a point de parties, & qui ne peut être dans un lieu, & une autre qui n'eft qu'un compofé de parties, & qui par conféquent ne peut être représentée que dans un lieu ? On ne conçoit pas plus quel rapport il peut y avoir d'Efprit à Efprit: car toute relation doit avoir un fondement, ce qu'on ne fçauroit concevoir dans des chofes qui n'ont point de

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