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loifir, je lui avois donné lieu de s'appercevoir de mes négligences & des défauts de ma mémoire ?

Le détail que je vous fais dans cet Ecrit de la premiére Converfation que nous avons euë avec Mr de Rintail, vous paroitra peut être affes bien circonftancié pour vous faire juger qu'il demandoit plus de tems qu'il n'en faut pour une fimple Lettre de civilité. Quant à la fidelité que j'ai tâché d'y apporter, je la crois fi bien garantie par la bonne opinion que vous avés de ma fincerité, que je la mettrois volontiers à l'épreuve de tous les foupçons. En cas de fcrupule, je fuis prêt à produire Mr de Brillat pour mon garant. Comme il a eu grande part à cette Converfation & à toutes les fuivantes; &comme il m'a beaucoup aidé à rappeller les chofes dans l'ordre, & même dans les termes qu'elles ont été dites, c'est à fon témoignage que vous pouvés vous en rapporter.

Sa mémoire feule étoit capable de me fournir tout ce que j'aurois pû fouhaiter pour mon deffein, & j'aurois toujours pû me contenter de ce qu'il m'auroit dicté fans préparation. Mais pour ne rien omettre de ce qui pourroit rendre votre fatisfaction & celle de vos Amis plus entiere, j'ai obtenu de Mr de Rintail qu'il me préteroit fes cahiers, afin de ne me point écarter de la fuite qu'il a gardée, & de ne laisser échapper aucun des ANTI dont il a fait le dénombrement.

Il faut, s'il vous plaît, que vous me paffiés le mot d'Anti,& que vous accoutumiés votre oreille, toute délicate qu'elle eft, à le fouffrir. Il vous fera aifé de juger que je ne voudrois pas l'employer, fi j'avois trouvé quelque chofe de plus court & de plus propre pour marquer en un feul mot tout ce que j'ai deffein de vous faire favoir dans le récit de cette premiére Converfation, dans celui des trois fuivantes que j'efpere vous envoyer au plutôt.

On peut dire que ce terme d'Anti eft l'ame de tout l'ouvrage dont il eft queftion, & que vous prétendés publier fous le titre de SATIRES PERSONNELLES: On peut dire qu'il en fait toute l'effence. Enfin c'eft affes qu'il ferve à le caractériser & à le faire diftinguer de tous les ouvrages qui ont paru jufqu'ici dans le monde, pour me donner la liberté d'en ufer.

Je confens que vous le faffiés confacrer, en telle forte qu'il ne foit permis à perfonne de l'employer à d'autres ufages.

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On n'accufera pas au refte Mr de Rintail de l'avoir fait. Aussi, quand le Public feroit tenté de l'adopter ou de fe l'approprier, Mr de Rintail n'auroit rien à y revendiquer: il feroit peut-être auffi mal reçu dans fes oppofitions, qu'un homme qui dans une Supplique réguliére oferoit propofer un pareil mot à l'Assemblée de Meffieurs de l'Académie Françoise pour lui

Vous verrés donc, Monfear, dans ce que je vous envoye aujourd'hui, dans ce que je vous prépare pour la femaine prochaine, une fuite affés nombreuse d'Anti, ou de pieces, fatiriques pour la plupart, dont les titres font affes fauvent monstrueux, & presque toujours offenfans. Vous n'en trou- verés pas devant les Anti-Catons, ni après l'Anti-Baillet. Ce font les deux termes que Mr de Rintail a mis à fon Recueil des Anti, quelque recherche qu'il ait pu faire pour tacher d'en faire remonter l'origine & l'usage jufqu'à la plus haute antiquité.

Mais vous me permettrés de vous dire que je ne vois point par quel titre ce Recueil pourroit avoir merité le nom que vous voudries lui donner de Prodrome ou Précurseur de l'Anti-Menage, ou même de Premier Anti-Menage, comme s'il devoit être fuivi d'un fecond & d'un troifiéme.

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Je ne voudrois pas nier que l'Anti-Baillet de Mr Menage eut donné occafion à ce Recueil. Mais que doit on raifonnablement conclure de-là, finon, que c'eft indirectement à Mr Menage que le Public aura obligation de l'utilité ou du divertiffement qu'il pourra trouver dans cet Ecrit que je vous adreffe pour lui?

S'il falloit appeller Anti-Menage un Ecrit hiftorique comme eft ce Recueil, parce qu'il ne s'eft point prefenté de prétexte affés honnête pour louer ou congratuler Mr Menage lorfqu'on s'eft trouvé engagé à rapporter en fon rang la Satire ou l'invective qu'il vient de publier fous le nom d'AntiBaillet: n'auroit-on pas autant de raifon de lui donner auffi le nom d'AntiCéfar, d'Anti-Cardan, d'Anti Coignet, d'Anti-Scherzer, d'AntiHotman, d'Anti-Beni, &c.? Il n'y a pas un de ces titres qui ne fe fút trouvé pour le moins auffi propre & auffi jufte pour cet Ouvrage, que d' Anti-Menage, puifqu'on n'a pas cru devoir y épargner Cefar pour fes Anti Catons, ni Cardan pour fon Anti-Gorgias, ni Du Coignet pour fon Anti-Coton, ni Scherzer pour fon Anti-Bellarmin, ni Hotman pour fon Anti-Choppin, ni Beni pour fon Anti-Crufca &c. On n'a pas même eu pour la plus grande partie de ces Auteurs l'indulgence dont on a bien voulu ufer à l'égard de Mr Menage par rapport à fon Anti-Baillet.

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D'ailleurs je fai de Mr de Rintail que ce feroit caufer à Mr Baillet un chagrin tres-fenfible de faire porter à mon Ecrit le titre furprenant de Prodrome à l'Anti-Menage. Cette conduite pourroit déterminer le Public à croire que Mr Baillet fe prépareroit à faire porter la peine du Talion à Mr Menage: penfee qui ne feroit pas moins injurieufe aux inclinations de Mr Baillet & aux difpofitions préfentes de fon ame,qu'elle paroit contraire aux maximes du Chriftianifme, & peu conforme même à la politesse du fiécle

♦ù nous vivons.

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Je veux croire qu'on ne s'aviferoit pas d'attribuer à Mr Baillet un Ecrit qui porte mon nom. Cependant les habitudes qui me tiennent auffi étroitement uni avec lui qu'avec Meffieurs de Rintail & de Brillat pourroient bien rendre nos correfpondances fufpectes d'un peu trop d'intelligence mutuelle dans mon Ecrit, pour empêcher le monde de penfer qu'il auroit confenti qu'on lui laifsat porter le titre de Prodrome à l'Anti-Menage.

Ainfi, Monfieur, j'ai tout fujet d'efperer que vous & vos amis voudrés bien travailler avec moi pour épargner à Mr Baillet le déplaifir qu'il pourroit avoir dans la fuite de fe voir compté pour un mot parmi les Auteurs Satiriques pour ôter à Mr Menage la confolation d'avoir pû trouver un compagnon dans l'art de dire de gros mots, & le plaifir d'avoir sû attirer un Anti-Menage contre fon Anti-Baillet.

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Toutes les converfations que nous avons euës fur ce fujet, fe réduisent à quatre Entretiens dont je vous ai promis autant de Rélations différentes, que j'espere vous envoyer à diverfes fois par la commodité de notre Ordinaire. Ces Entretiens ne font pas égaux, parce qu'ils n'ont pas été tenus dans une Affemblée de l'efpece de celles qui réglent leur commencement & leur fin fur l'horloge. Leur inégalité n'aura rien qui puiffe vous déplaire, & vous remarqueres aifement que leur matiére & quelques incidens furvenus à la onverfation l'ont renduë néceffaire.

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Le premier eft le plus court de tous, parce qu'il ne contient presque que les vues générales du deffein qu'avoit eu Mr de Rintail, avec quelques éxemples d'Antiqu'il ne vouloit point renfermer dans la généalogie de l' AntiBaillet de M. Menage. Il finit par la divifion & la méthode qu'il a voulu obferver dans la lecture qu'il nous a faite de fes cahiers.

C'est au fecond Entretien que commencera tout ferieusement l'histoire des Prédéceffeurs de l'Anti-Baillet. Vous verrés à la tête du troifiéme une autre efpéce de petit Entretien qui vous paroitra étranger à notre fujet. C'est pour vous feul que j'ai eu foin de le copier en faveur de cette curiofité que vous m'avés témoignée de favoir à quels ouvrages font prefentement occupés certains Auteurs qui font de la connoiffance de nos amis. Si vous êtes refolu de faire part an Public de cette digreffion d'un quart d'heure, faites-moi au moins l'amitié d'ordonner qu'on la diftingue de caractéres d'avec le refte des Entretiens, afin que le Lecteur ne foit point obligé de recourir à d'autres témoignages qu'à celui de fes yeux pour se perfuader que cela n'est pas corps de l'ouvrage. Les converfations ont leurs intermédes auffi bien que les Reprefentations du Théatre. Les nôtres n'en auroient pourtant pas eu ; fi, lorsqu'il étoit queftion de notre troifiéme Entretien fur les Anti, nous n'avions été prévenus par une compagnie étrangère qui fe trouva chés Mr de Rintail avant que nous y fuffions arrivés. Ce qui s'y dit jufqu'à ce que

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la Compagnie fe retira, concernoit les nouvelles de la literature, le récit fuccint que je vous en ferai eft ce que j'appelle l'interméde de nos conversations, qui par la différence des caractéres de fon impreffion avertira le Lecteur de paffer droit au commencement de notre troifiéme Entretien s'il ne vent point s'arrêter à la lecture de ce petit interméde.

Le quatrième Entretien vous paroitra le plus long de tous, parce que Mr de Rintail fe voyant à la fin de la liste des Anti qu'il appelloit les Prédéceffeurs de l' Anti-Baillet, fit fcrupule de nous laisser revenir une cinquiéme fois chés lui pour entendre la lecture d'une autre espéce d'Anti qu'il appelloit Réels. Comme il ne prétendoit pas faire la Critique de ces derniers qui n'avoient rien de commun avec l'Anti-Baillet, il en retrancha un grand nombre en notre présence (1), il fut abreger ce qu'il en voulut retenir, de telle forte que ce que vous en verrés, ne vous paroîtra que comme une dépendance du dernier Entretien; mais qui étoit néceffaire au deffein qu'il avoit de montrer à Mr Menage des modéles fur lesquels il auroit pu réformer le titre de fa Satire.

Vous ne comprendrés peut-être pas entiérement ma pensée que vous n'ayés lû la Relation que je vous envoye de notre premier Entretien. C'est là que vous verrés la différence qu'il établit entre les Anti Perfonnels qu'il appelle les Prédéceffeurs naturels de l'Anti-Baillet, & les Anti Réels au nombre defquels il eftime que Mr Menage devoit ranger fon ouvrage pour en rendre au moins le titre irrépréhensible.

Pour ce qui eft de la forme de ces Entretiens je ne prétens point prévenir la pensée que vous en pourrés avoir. Mais je me flate que le Public y fera auffi peu de réfléxion que les Perfonnes qui les ont tenus. Je puis vous affurer que nous n'avons pas pris garde s'il y avoit parmi les Anciens & les Modernes des Dialogiftes dont il fallut fuivre ou éviter les traces dans nos Entretiens. Ni Mr de Rintail, ni Mr de Brillat, ni moi, n'avons mis en aucune délibération fi l'on prendroit Platon, ou Ciceron, ou Lucien, pour modéle. On s'est assemblé de bonne foi, non pas tant pour discourir ou pour agiter des questions,que pour entendre lire. Il est vrai que l'interruption de cette lecture faite de tems en tems par des perfonnes libres, qui n'ayant ni fupérieur ni inférieur dans leur assemblée avoient la liberté de propofer, de répondre de répliquer, femble avoir donné la forme de Dialogues à nos Entretiens. Mais on reconnoitra bientot que ces Entretiens ne font pas de la nature de ces Dialogues où l'on dit peu de chofes en beaucoup de paroles. Vous y verrés

Entre autres les Antirrhetiques du P. Sirmond contre P. Aurelius, & du P. Hard. contre Janus Pidius Valens; Les Antidotes figurés; Les Antimoines figurés; Les Anti

logies; Les Antithefes; Les Amigraphes; Les Anticharites : Les Anti-Bibliques ; &c. Item les Anti pour les Ante des Latins comme les Anti-Diluvianes; Les Anti-Camerales,&C.

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les matiéres fort ferrées, fur tout dans les trois derniers Entretiens où nous avons fait fcrupule d'interrompre la lecture de Mr de Rintail questions qui fe préfentoient d'elles-mêmes à chaque article, & qui auroient prodigieufement étendu & multiplié nos converfations.

La mode des Dialogues eft revenue parmi les Gens de Lettres en ces dernires tems: & Mr de la Motte (1) le Vayer n'auroit plus aujourd'hui autant de raifon qu'il en pouvoit avoir autrefois de fe plaindre du mépris qu'on faifoit de fon tems du genre d'écrire par Dialogues.

La Critique, la Philofophie, la Théologie & tant d'autres belles connoiffances ont été depuis peu traitées fi agréablement avec le tour aife du Dialogue, que je ne doute prefque pas que ce fuccès ne faffe bientôt naitre l'envie de l'employer pour expliquer plus galamment l'Algébre & l'Arabe qu'on n'a fait jusqu'à préfent.

Il faut avouer que rien n'a encore été inventé de mieux pour tâcher de civilifer les efprits des Gens de Lettres dans ces derniers fiécles, où les Savans n'ont pas été accufés d'excès dans leur politesse. Les éxemples de l'incivilité de nos Saumaifes, de nos Scaligers & de nos autres Critiques ont fait ouvrir les yeux à ceux qui font venus après eux. On a eu recours à Platon, à Ciceron & aux autres Anciens pour apprendre à converfer Savamment en fe formant fur le goût, & en même tems fur la politeffe des anciens Grecs & des anciens Romains. En un mot, il femble que ce foit à l'artifice du Dialogue que l'on foit redevable d'une partie des honnêtetés qui Je pratiquent un peu plus communément qu'auparavant dans l'art d'écrire.

Mais ce feroit rendre un bon office aux Savans de les avertir de bonne heure qu'ils ayent à prévenir deux défordres confidérables qui commencent à fe gliffer. beaucoup de licence dans la pratique des Dialogues. Le premier de ces défordres eft le mauvais choix que la plupart de nos Dialogiftes font de leurs Perfonnages. Quelques-uns manquent de jugement dans ce choix, lorfqu'ils admettent des Entreparleurs incapables de foutenir le perfonnage qu'il leur font faire, & qui ne favent pas conferver dans la fuite le caractere qu'ils leur ont deftiné des le commencement, ni maintenir également la vrai-femblance qui doit au moins tenir la place de la verité dans le Dialogue. D'autres ont quelquefois la malice de choisir des Adverfaires

1 Orafii Tuberonis Epift.

Il y a ici plufieurs fautes tant dans le texte que dans la citation.

1. C'eft la Mothe le Vayer qu'il faloit écrire, & non pas la Motte le Vayer.

II. Ce n'eft point en Latin,ni fous le nom d'Orafius Tubero que la Mothe le Vayer s'eft plaint du mépris qu'on avoit de fon tems pour les compofitions en Dialogues.

III. Il n'y a point d'Epitres Latines d'Orafius Tubero. La Mothe le Vayer n'ayant, quelque nom qu'il ait pris, jamais écrit qu'en François.

IV.Ce qu'on allégue de la Mothe le Vayer n'eft daus aucune de fes Lettres, mais au commencement du Traité qui a pour titre: De la lecture de Platon & de fon élequence.

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