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C'est beaucoup pour moi que vous louiez les efforts que je fais pour m'en rendre digne dans un genre de fcience dont les fecrets font réservez à ceux que la fuperiorité de leurs lumieres place, comme vous dans le Confeil des Rois, &fait les Dépofitaires des interêts de l'Etat. Heureux l'Ecrivain à qui est réservée la gloire de publier un jour l'Hiftoire de votre Minif tere de vos celebres Négociations de la Haye & de Cambrai ! Que de richeßes il trouvera pour fon Ouvrage dans ces Dépêches tant efiimées, où vous joignez toutes les graces de l'éloquence à la folidité du raifonnement, & toute la politesse Françoise à la dignité de votre caractere! Si mon exemple pouvoit quelque jour contribuer à faire donner au Public une fi belle Hiftoire, je regarderois comme un grand avantage d'avoir donné à VOTRE GRANDEUR cette foible marque du zele refpectueux & du parfait dévouement avec lequel j'ai l'honneur d'étre,

MONSEIGNEUR

DE VOTRE GRANDEUR

Le très-humble & très-obéiffant ferviteur G. H. BOUGEANT, de la Compagnie de Jesus.

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PREFACE.

Eu M, le Premier Préfident de Mefmes aïant

fait recueillir avec foin tout ce qui se trouvoit de Memoires du Comte d'Avaux, me fit l'honneur il y a quelques années de me propofer de les mettre en œuvre. Quelque difficile que me parût ce travail dont je n'avois prefqu'aucun modele devant les yeux, & auquel je ne m'étois encore préparé par aucun effai de mes forces, je ne crus pas devoir me défendre d'une propofition fi flatteuse pour moi, & que M. de Mesmes accompagnoit des marques de bonté les plus capables d'encourager un Auteur. Je commençai le travail, pour ainfi dire, fous fes yeux, & il feroit à fouhaiter pour la perfection de l'Ouvrage, que j'euffe pû profiter plus long-temps de ce goût sûr & de ce difcernement exquis que j'ai fouvent admiré en lui. Mais fa mort trop prompte, en privant la France d'un illuftre Magiftrat que fa naiffance & fes grandes qualitez rendoient digne de la place éminente qu'il occupoit, m'a privé moi-même du fecours que je tirois de fes lumieres, & de la protection dont il m'honoroit. Abandonné à moi-même j'ai tâché de fuppléer par mon travail à la perte que j'avois faite. L'Ouvrage étoit trop avancé pour l'abandonner, & le fujet en eft affez intereffant pour que j'aïe lieu de me flatter qu'on me fçaura gré de l'avoir achevé.

Tout le monde fçait que la paix de Weftphalie ou de Munster est une des plus celebres époques de l'Hiftoire. Elle termina dans le fiecle paffé une

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guerre fanglante & opiniâtre où toute l'Europe fe trouvoit enveloppée, & que la haine, l'ambition & mille interêts oppofez fembloient devoir rendre éternelle. L'heréfie avoit allumé le flambeau de la guerre; mais bien-tôt l'interêt politique prévalut fur celui de la religion, & l'on vit les Proteftans s'unir aux Catholiques, & les Catholiques combattre fous les enfeignes des Proteftans. La Suede vouloit le faire un établissement en Allemagne : l'Espagne redeman- · doit les Provinces que la révolution des Païs-Bas avoit fouftraites à fa domination : la France vouloit mettre des bornes à l'énorme puiffance de la Maison d'Autriche, & augmenter la fienne : les Princes & les Etats d'Allemagne défendoient la liberté Germanique. Que d'obstacles ne falloit-il pas surmonter pour concilier tant d'interêts differens? Le Médiateur lui même emporté par le torrent fut obligé de prendre les armes. Chaque parti avoit des vûës generales oppofées à celles des ennemis, & dans chaque parti chacun avoit fes vûës particulieres, fouvent contraires à celles de fes propres Alliez. Les Princes intereffez étoient trop puiffans pour recevoir la loi de leurs ennemis, & trop foibles pour la donner. Les vainqueurs ne vouloient rien ceder de leurs conquêtes: les vaincus ne vouloient rien relâcher de leurs droits. Les plus ambitieux vouloient gagner au traité : les plus moderez ne vouloient rien perdre; tous fe flattoient, ou de s'affurer par la négociation le fruit de leurs victoires, ou de réparer par leur habileté les brêches que la guerre avoit faites à leurs Etats. Ces difficultez qui font communes à tous les traitez, paroiffoient infurmontables dans

celui-ci par leur multiplicité. Il y avoit peu de Princes qui n'y euffent quelque interêt à ménager. Il falloit, pour ainfi dire, changer la face de toute l'Europe, étendre ou refferrer les limites des Empires, & faire paffer de grandes Provinces fous une domination étrangere.

Auffi ce traité fut-il le fruit d'un travail infini & d'une prudence consommée. Le nom feul des Miniftres & des Négociateurs qui y travaillerent, fuffit pour donner la plus haute idée de leur négociation. Ce furent le Cardinal Mazarin, Dom Louis de Haro, Oxenstiern, Trautmansdorf, d'Avaux, Servien, Peñaranda, Meffieurs Paw, Knuyt, Brun & tout ce qu'il y avoit d'habiles Miniftres dans les diverfes Cours du monde Chrétien. Ainfi après qu'on cut vû les plus fameux Generaux d'armée signaler leur valeur par des victoires fanglantes & la défolation des Provinces, on vit les plus celebres Négociateurs travailler de concert à pacifier l'Europe. Raffemblez, pour ainsi dire, dans le temple de la Paix, on les vit mettre en usage tout ce que l'adreffe & la prudence humaine peuvent imaginer de plus fubtil, & dans un nouveau genre de combat fe difputer la victoire & l'avantage de la négociation, & déploïer tous les refforts de la politique.

Dans le dessein que j'ai pris d'écrire l'Histoire de cette importante négociation, j'ai cru que pour lui donner du jour je devois en préparer le dénouëment de plus loin. Il feroit difficile d'en entendre toute la fuite fans connoître à fond les differens interêts qui divifoient les Princes. Ainfi j'ai fait, pour

matiere, ce que j'ai été obligé de faire pour me mettre moi-même en état de l'écrire. Je remonte jufqu'aux fources; je recherche les premieres caufes de la guerre qui avoit armé les peuples les uns contre les autres, & j'expofe l'origine & les progrès de cette funefte divifion jufqu'au moment que la négocia tion commença. C'est ce qui fait la matiere de ce Volume qu'il faut regarder comme une Histoire préliminaire de celle que j'efpere donner bien-tôt du traité même de Weftphalie. Je me fuis fur-tout attaché à développer les interêts qui furent le plus agitez dans cette fameufe négociation, & je me suis plus ou moins étendu à proportion du rapport que chaque matiere doit avoir avec l'Hiftoire que je prépare.

Če feroit ici le lieu de rendre compte du ftile de l'Ouvrage. Car tout inutile qu'est une telle précaution, peu d'Auteurs s'en épargnent la peine. Chacun explique les regles de l'Art à fon avantage : on étale avec foin tout ce qu'on croit avoir de merite, on n'avouë aucun défaut, & on fonde fur-tout fa juftification fur la critique de fes rivaux. Pour moi, perfuadé que le Public eft un Juge incorruptible, dont il eft inutile de mandier les fuffrages, & qui veut juger de tout par lui-même, je n'entreprendrai point de furprendre fon approbation. Il me conviendroit encore moins de youloir établir ma réputation sur la ruine de celle des Auteurs qui courent la même carriere, Car quoique je ne fois point assez dépourvû de goût pour ne pas appercevoir des défauts dans plufieurs de nos Hiftoriens, je n'ai pas affez de préfomption pour ofer me mettre en parallele avec plur

fieurs

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