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teur: il falloit qu'il fçût allier la dignité du Commandant, avec la modeftie du Citoyen. Des qualitez trop brillantes étoient même fufpectes dans un Etat, où l'on regardoit l'égalité comme le fondement de la liberté publique. Les Romains prenoient ombrage des vertus qu'ils ne pouvoient s'empêcher d'admirer: & ces fiers Républicains ne fouffroient point qu'on les fervit avec des talens fuperieurs, & capables de les affujettir.

Ceux qui étoient convaincus d'avoir employé d'indignes voyes pour parvenir au Commandement, en étoient exclus pour toujours. Les Charges & les emplois, fi on en excepte la Cenfure, n'étoient qu'annuels. Un Conful, en fortant du Confulat, ne confervoit d'autorité que celle que lui donnoit fon merite perfonnel: & après avoir

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commandé en chef les armées dela République, on le voyoit fouvent fervir dans les mêmes armées fous fon Succeffeur. Il ne pouvoit rentrer dans le Confulat qu'après un interstice de dix ans : & on évitoit de laiffer cette grande dignité trop longtems dans la même famille, de peur de rendre infenfiblement le Gouvernement hereditaire. Mais de toutes les précautions que les Romains prirent pour maintenir leur liberté, aucune ne paroît plus digne d'admiration que cet attachement qu'ils conferverent long-tems pour la pauvreté de leurs Ancêtres. Cette pauvreté qui dans les premiers Habitans de Rome étoit un pur effet de la neceffité, devint une vertu politique fous leurs Succeffeurs. Les Romains la regarderent comme la gardienne la plus fure de la liberté : ils fçurent même la

rendre honorable, afin de l'op pofer comme une barriere au luxe & à l'ambition. Ce déta chement des richesses à l'égard des particuliers, le tourna en maxime de gouvernement. Un Romain mettoit fa gloire à cons ferver fa pauvreté, en même tems qu'il expofoit tous les jours fa vie pour enrichir le tréfor public. Chacun fe croyoit affez riche des richesses de l'Etat : & les Generaux, comme les fimples Soldats, n'attendoient leur fubfiftance que de leur petit heritage qu'ils cultivoient de leurs mains: Gaudebat tellus vomere laureato.

Les premiers Romains étoient tous Laboureurs, & les Laboureurs étoient tous Soldats. Leur habillement étoit groffier; la nourriture fimple & frugale; le travail affidu. Ils élevoient leurs enfans dans cette vie dure, afin de les rendre plus robustes

Plin.

& plus capables de foutenir les fatigues de la guerre. Mais fous des habits ruftiques on trouvoit une valeur incomparable, de l'élevation & de la grandeur dans les fentimens. La gloire étoit leur unique paffion, & ils la faifoient consister à défendre leur liberté, & à fe rendre maîtres de celle de leurs voisins.

Des Ecrivains modernes qui ne peuvent fouffrir de vertus. pures dans les Anciens, préten dent qu'on fait un merite à ces premiers Romains,de leur groffiereté, & qu'ils ne méprifoient les richeffes, que parce qu'ils en ignoroient le prix & les agré

mens.

Mais pour répondre à cette objection, on n'a qu'à jetter les yeux fur la fuite de cette Hiftoire, & on verra que dans le cinquiéme & le fixiéme fiecle de la fondation de Rome, dans le tems même que la Répu

blique étoit Maîtreffe de toute l'Italie, & d'une partie de Sicile, de l'Espagne, des Gaules, & même de l'Afrique, on tiroit encore les Generaux de la charue : Attilii manus rufti- v. M. I. 4. co opere attrita, falutem publicam ftabilierunt. Quelle gloire Cic pro pour un Etat d'avoir des Capi-118. c. taines capables de lui conque- 3. rir de grandes Provinces, & affez defintereffez pour conferver leur integrité au milieu de leurs conquêtes!

S. Rofcio.

Je ne parle point des Loix Macr fomptuaires qui étoient en vigueur dans le fixiéme fiecle, & qui fans diftinction pour la naiffance, les biens de la fortune, ou les dignitez, regloient la dépenfe de tous les Citoyens. Rien n'a échapé aux fages Legiflateurs qui établirent de fi feveres reglemens. Tout y eft fixé, foit pour les vêtemens, foit pour la dépenfe de la table,

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