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l'Etat s'affoibliffoit à proportion que les particuliers devenoient puiffans.

ou

Outre les tributs ordinaires, les Commandans exigeoient tous les jours de nouvelles fommes, ou à titre de prefens à leur entrée dans la Province par forme d'emprunt. Souvent même on ne cherchoit plus de prétextes. C'étoit affez pour piller le peuple, & pour établir de nouveaux impôts, que de leur donner de nouveaux noms: Cujus modo rei nomen reperiri po- Caf. de terat, hoc fatis eße ad cogendas 1.3. pecunias. Et ce qui étoit encore plus infuportable, c'est que pour avoir de l'argent comptant, on remettoit la levée de ces tributs extraordinaires à des Publicains, qui fous prétexte d'avoir avancé leurs deniers, doubloient les dettes des Provinces, & abforboient Id. ibid. par des ufures énormes les re

bello civil.

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venus de l'année suivante. Toutes ces richeffes fondoient à Rome. Des fleuves d'or, ou pour mieux dire, le plus pur fang des peuples y couloit de toutes les Provinces, & y portoit un luxe affreux. On voyoit s'elever tout-à-coup & comme par enchantement, de fuperbes Palais dont les murailles, les youtes & les plafonds étoient dorez. Ce n'étoit pas affez que les lits & les tables fuffent d'argent, il falloit encore que ce riche métal fut gravé, ou qu'il fût orné de bas-reliefs de la main des plus excellents Ou

vriers.

O pater urbis !

Unde nefas tantùm latiis paftoribus! C'est de Seneque que nous apprenons un changement fi furprenant dans les mœurs des Romains, & qui étant lui-même riche de fept millions d'or, n'a point eû de honte de nous

laiffer ces excellens difcours fur la pauvreté, que tout le monde admire dans fes ouvrages. Par quelle regle de Philofophie, s'écrioit Suillius, Seneque a-t-il acquis en quatre ans de faveur, plus de fept millions d'or? Il lui reprochoit que fa principale étude étoit de courir après les testamens, de prendre comme dans un filet ceux qui n'avoient point d'enfans, & de remplir l'Italie & les Provinces de fes ufures: Quâ fapientiâ, quibus Tac. An. Philofophorum præceptis, intra1 13. quadriennium regia amicitia, ter millies feftercium paraviffet? Roma teftamenta & orbos, velut indagine ejus capi, Italiam & Provincias, immenfo fenore hauriri.

Tout l'argent de l'Etat étoit entre les mains de quelques Grands, des Publicains, & de certains Affranchis plus riches que leurs Patrons. Perfonne n'ignore que ce magnifique

1. 39.

Dion Caff. Amphithéâtre qui portoit le nom de Pompée, & qui pouvoit contenir jufqu'à quarante mille perfonnes, avoit été bâti des deniers de Demetrius fon

Senec de Affranchi: Quem non puduit. tranq anim. dit Seneque, locupletiorem effe Pompeio.

c. 8.

Pallas autre Affranchi, & auffi riche que Seneque, pour avoir refusé une gratification de l'Empereur Claude fon Maître, en fut loüé folemnellement en plein Senat, & comparé à ces anciens Romains dont nous venons de parler, fi celebres par leur defintereffement. On voulut même conferver la memoire de fon refus par une Infcription que la flatterie dicta. On trouve, dit Pline, fur le chemin de Tibur un Monument où on lit ces mots : Le Senat a decerné à Pallas les ornemens de la Pre

$750000 1. ture, & cent cinquante mille grands fefterces. Mais il a refufé

Pargent, & s'eft contenté des honneurs & des diftinctions attachées

à cette dignité. Et fixum eft ære Tac. Ann. publico Senatufconfultum, quo l. 12. libertinus feftertium ter millies poffeffor, antiquæ parcimoniæ laudibus cumulabatur.

Quelle moderation pour un Pl.1.7. ep. Affranchi, qui riche de plus de 29.1.8.ep.6. fept millions d'or, vouloit bien fe contenter des ornemens de la Preture! Mais quelle honte pour Rome de voir cet Affranchi, à peine échappé des chaînes de la fervitude, paroître, dit Pline, avec les faisceaux, lui qui autrefois étoit forti de fon Village les pieds nuds & blanchis de la craye dont on marquoit les Efclaves : Unde cretatis pedibus advenißet!

Je ferois un Livre au lieu d'une Préface, fi j'entrois dans le détail du luxe des Romains, & fi j'entreprenois de reprefenter la magnificence de leurs bâ

Pl. 1. 35.

c. penult.

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