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ce que la Littérature a jamais eu de plus fpirituel & de plus délicat. Les Poëtes ont fait dans tous les tems les délices de leur fiécle & le charme des fociétés les plus illuftres & les plus amufantes; ils vivent encore pour nous dans leurs ouvrages. leur immortalité eft notre bien, ainfi rien de plus utile que de cultiver fon efprit dans le commerce de ces grands hommes qui ont puifé eux-mêmes dans les fources de la belle Antiquité, & dont les ouvrages communiquent & perpétuent ce même goût dans ceux qui en favent connoître les beautés.

C'eft en conféquence de cette utilité qu'on s'eft propofé de fournir aux jeunes gens les morceaux les plus dignes d'orner leur mé- . moire; mais on a cru devoir fe borner aux Poëtes François, & parmi ceux là, ne glaner même

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que parmi les plus illuftres. Il est aifé d'en fentir la raifon. Les premieres études qui fervent de fondement à toutes les autres connoiffances, font employées en partie à faire remarquer aux jeunes gens les beautés des Poëtes latins. On ne fait par quelle fatalité les Poëtes François n'entrent point du tout dans le plan des études de la jeuneffe, fur-tout vers le tems de leur Réthorique & lorfque leur efprit commence à fe former. Tous les Poëtes ne font pas dangereux, ni toutes les parties des ouvrages de ceux qui le peuvent être. Il seroit aifé de faire voir qu'on y peut trouver les principes de la faine éloquence, le goût du vrai, les fources du beau, l'art même d'infinuer les préceptes des mœurs. Les exemples qu'on a inferés dans ce recueil prouveront cette vérité mieux que tous les raifonnemens.

On y verra à la tête de chaque genre de Poëfie une espece de Préliminaire court, mais inftructif qui contient les principes des grands Maîtres fur la matiere dont il est queftion; ils pourront fervir à donner une idée de tout ce qui contribue à la beauté du difcours, à la perfuafion des vérités & à émouvoir les efprits; la vraye Réthorique n'a pas d'autre but. Cependant on n'a pas cru devoir dans la diftribution de tous les endroits brillans qu'on a extrait des Poëtes, les ranger felon le plan de la Réthorique qu'on enfeigne dans les Claffes, & les rapporter à toutes les divifions des lieux & des Figures qui font comme le canevas de cette science. Les jeunes gens ont le tems d'en être fuffifamment inftruits pendant le cours de leurs études.

Indépendamment de cette rai

Ton; comme l'objet qu'on s'eft propofé dans ce recueil a été qu'il fût pareillement utile aux jeunes perfonnes du fexe, on a cru qu'il n'y auroit rien de plus déplacé que de leur donner gravement des préceptes tous hériffés des termes des Rhéteurs Scholaftiques *, de leur parler des lieux Oratoires, de la Similitude, de la Dubitation, de la Profopopée, des Paralleles, & de tant d'autres noms qui ne font pas faits pour se montrer au grand jour : & de bonne foi, quel profit y auroit-il là pour ces fortes de fonnes? Qu'elles feroient à plaindre d'être obligées de charger leur mémoire de tous ces termes obfcurs! ce feroit leur donner un air de pédanterie incompatible avec les agrémens, de quelque nature qu'ils foient. Des inftructions dans ce genre doivent se borner à leur * Rhet. des Dem.

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former le goùr, à leur donner l'idée de ce qui eft réellement beau, vertueux, magnanime, à leur orner l'efprit de tout ce qu'il y a d'admirable dans les Poëtes, afin que les grands fentimens dont les Héros & les illuftres Princeffes donnent de fi beaux exemples, élevent leur ame en leur communiquant une certaine vigueur dont leur cœur a befoin; afin qu'elles conçoivent une haute idée de la vertu; qu'elles fe rempliffent d'une noble fierté, dont le principe foit l'amour de la fageffe, & non un fecret applaudiffement, pour les dons extérieurs de la nature. Il leur a été dit plus d'une fois, que les charmes font inconftans, que leur régne eft court, qu'ils font de funeftes préfens dès que l'innocence y trouve un écueil; & qu'au contraire, lorfque la vertu les accompagne, elle leur donne des

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