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apui, fans défense, que l'inflexible Narciffe repouffe loin du char de l'Empereur, elle lui préfente envain fes enfans, criant: Ne condamnez point fans l'entendre la mere de Britannicus d'Octavie! Sa voix est étouffée par les cris barbares de Narciffè, qui commande à l'Empereur le meurtre & la vengeance; cependant l'imbécille Claude s'attendrit & le Lecteur avec lui, Claude veut entendre fa femme, il va lui pardonner, Narciffe la fait égorger au nom de Claude même ; on la trouve dans les jardins de Lucullus, renversée par terre, abîmée dans le désespoir & dans la terreur, mourante fur le fein de fa mére, qui longtemps éloignée d'elle par l'éclat de fa fortune, mais ramenée auprès d'elle par fon malheur, la confoloit, l'encourageoit, pleu

fe

roit avec elle. Le Tribun préfente le fer à Meffaline, elle veut percer, mais fon ame affoiblie par le long ufage des voluptés, eft incapable de ce dernier trait de courage, elle pleure, elle hélite, le Tribun aide fa main tremblante, elle expire dans les bras de fa mére. Quand ce tableau tracé par Tacite eft fous vos yeux, vous avez oublié tous les crimes de cette femme, vous ne voyez que fes malheurs.

La mort d'Agrippine, mére de Néron, feroit d'après le même Tacite, un beau fujet de Tragédie, s'il n'étoit trop horrible. Racine n'a ofé le montrer qu'en paffant & dans le lointain. Je prévois que tes coups iront jusqu'à ta mére. Je ne fçais s'il y a dans aucune Tragédie un trait comparable à ce cri terrible & déchirant d'Agrippine au Cen

Centurion qui alloit la percer Ventrem feri.

Qui ne fçait par cœur les ha rangues de Caton & de Céfar, celle de Micipfa, les portraits de Catilina, de Sempronia, de Jugurtha dans Sallufte?

Avec quel éclat varié QuinteCurce peint tous les événemens! Quel intérêt dans le récit de la mort de Darius, de celle de Clitus, de celle de Philotas! "Quel fracas dans les batailles d'Iffus & d'Arbelles! Quel agrément dans l'Épisode d'Abdolonyme ! &c.

Ce feroit un objet curieux de recherches que d'examiner dans les faits célébres & bien peints, les circonftances dont le talent de l'Hiftorien a fçu tirer parti fans altérer la vérité, & dans les faits fecs, nuds, par conféquent obfeurs, les circonstances qu'ils

pour

renferment & que le talent roit développer; par-là on calculeroit en quelque forte l'influence qu'a pu avoir fur la réputation des événemens & des hommes ce talent de peindre, felon qu'il a été accordé ou refufé aux Hiftoriens.

L'élégant Paterculus a beaucoup loüé Séjan, mais le temps a dévoré ces éloges fleuris, & Tacite par les traits fombres, dont il a peint ce Miniftre, l'a dévoué à l'éxécration éternelle des hommes.

L'Hiftoire d'Alexandre le Grand eft beaucoup plus connue par Quinte-Curce que par Arrien, parce que Quinte - Curce a plus d'agrément qu'Arrien.

Corneille a célébré le trait fameux de la clémence d'Augufte, & n'a pas connu peut-être le trait beaucoup plus beau de la

clémence de Titus ; c'eft que le premier eft décrit par Sénéque, le fecond n'eft rapporté que par Suétone, Aurelius - Victor & Eutrope.

Perfonne ne connoît un trait 'du même genre & plus héroïque encore de notre Roi Robert, c'eft qu'il eft rapporté par le Moine Helgaud.

Les Écrivains de l'Hiftoire Augufte & nos plats Chroniqueurs defféchent & flétriffent tout; chez eux les événemens décharnés n'ont, pour ainsi dire, ni phyfionomie ni couleur ; les grands Écrivains animent & vi

vifient tout.

C'est ce grand talent de peindre fi familier aux bons Historiens de la Gréce & de Rome, qui fait que la Peinture, la Gravûre, la Sculpture, la Poëfie, tous les Arts vont s'enrichir chez

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