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peut être habile Avocat, & fort poli; grand Magiftrat, & fort affable; délié Courtisan, & fort fincerè. En un mot, que tous les défauts appartiennent aux hommes, & non pas à leurs profeffions. Avec luy, l'on apprend à exercer les plus illuftres emplois, & mieux encore à s'en paffer. Aux uns, il enfeigne à fe poffeder dans la vie ru multueuse. Aux autres, à jouir de la vie privée; à ne point chercher la gloire dans l'approbation des hommes, mais dans le témoignage de la confcience; & pour tout dire, à ne point connoître

de mérite fans probité. Comme je ne veux point de querelle, je ne prétends point m'en faire icy, avec ceux qui ne trouvent ni moins d'agrément, ni moins d'utilité dans les Lettres de Ciceron, & qui leur adju gent même la préference. Cette queftion demande roit plus d'étendue que n'en fouffre une Préface. D'ail leurs, je ne m'oublie pas juf qu'à croire qu'il m'appartienne de décider. Chacun peut donc en juger ce qu'il luy plaira. Mais fi ceux pour qui j'ay déclaré avoir entrepris ma Traduction me pref

fent de leur dire mon avis il me paroît plus de génie dans les Lettres de Ciceron, plus d'art dans celles de Pline. Le premier fe pardonne quelquefois plus de négli gence; le fecond, fouvent laiffe voir trop d'étude. On lit dans Ciceron grand nombre de Lettres, dont il femble que la pofterité fe feroit bien paffée. Il en eft peu dans Pline dont elle ne puiffe profiter. Plus de grands événements, plus de politique dans les unes; plus de fentiments, plus de morale dans les autres. L'un eft peutêtre un meilleur modéle de

bien écrire, l'autre de bien vivre. Enfin les Lettres de Ciceron nous apprennent, mieux que toutes les hiftoires, à connoître les hommes de fon fiécle, & les ref-) forts qui les remuoient : les Lettres de Pline, mieux que tous les préceptes, apprennent aux hommes de tous les fiécles à fe connoître & à fe regler eux-mêmes.

Voilà, felon moy, ce que l'on peut rapporter de plus précieux du commerce de Pline. Voilà l'unique objet de ma Traduction. Je puis n'avoir pas attrapé fes tours heureux, fes expreffions vi

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ves & ferrées; j'ai pû ne pas donner affez de jour à tant deréflexions judicieuses qu'il fait fur l'éloquence. Mais je crois avoir exprimé ses sentiments avec affez de fidelité. Que ceux donc qui ne demandent que des fentiments lifent hardiment cet Ouvrage. Que les autres le négligent; ou, s'ils font tant que de le lire, qu'ils me pardonnent de ne les avoir pas fatisfaits. J'en dis autant à ceux qui n'aiment rien davantage dans la lecture des Anciens, que le nom des poiffons qu'ils mangeoient, des mets que l'on fervoit fur

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