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encouragés à l'entreprendre. Un Homme de Lettres, bon Ami de Mr. de Folard avec qui il a entretenu les plus étroites liaifons depuis l'an 1716, a bien voulu se charger du foin de cet Ouvrage, que nous avons cru ne pouvoir remettre, en de meilleures mains, puisqu'il prend un vif intérêt à la gloire de fon Ami, qui lui avoit donné toute fon eftime & la confiance. Une Lettre très curieufe de ce Savant Officier que nous donnerons ici, fera la preuve de ce que nous avançons. Cet Ami a

fait une étude particuliére du Systême de Mr. de Folard, & des matiéres traitées dans fon Ouvrage, dont il fait fon occupation la plus agréable. Il eft perfuadé qu'il peut être auffi uti

aux Gens de Lettres qu'à ceux qui fuivent la Profeffion des Armes, pour qui il eft furtout destiné. Ils y trouveront des recherches curieufes fur l'Antiquité, les Loix & les Coutumes des anciens Peuples, & de grands fecours pour l'intelligence de l'Hiftoire, qu'on ne fçauroit écrire ni traduire d'après les Anciens fans une certaine connoiffance de la Guerre, fi néceffaire pour être entendu. Mr. de Folard en produit de fréquens exemples dont on eft tout étonné. Il croit avoir de plus éprou vé la vérité de cette maxime fi fouvent répétée par l'Auteur, que fans avoir porté les armes, il eft ailé d'acquérir une connoiffance de la Guerre du moins médiocre, & fe mettre en état de juger fainement de la conduite & des manoeuvres des Généraux d'armée, qui fouvent doivent moins leurs fuccès à leur intelligence qu'à la fortune & à la valeur de leurs Troupes, ou à la malhabileté de ceux qu'ils ont en tête. Il en eft de la Science Militaire comme de toutes les autres, elle s'acquiert par l'étude, & l'expérience la perfectionne. Une infinité de vieux Officiers, quoique très braves, mais qui n'ont pour tout fçavoir qu'une certaine routine, fe trouvent hors d'état de fe conduire dans des occasions importantes, parce qu'ils n'ont jamais vû pratiquer certaines parties de la Guerre, dont l'étude & l'appli cation auroient pu leur donner une connoiffance fuffifante. Tel qui a brillé dans des combats & des batailles rangées, ne s'étant

jamais trouvé dans une Place affiégée, fera fort embaraffé fi on le charge de la défense d'une Ville importante, qu'il se verra obligé de rendre honteufement à l'Ennemi. Nous n'en avons vû que trop d'exemples. On a fouvent taxé de lâcheté ou de trahison des très-honnêtes gens, à qui l'on ne pouvoit reprocher qu'une grande ignorance dans cette partie de la guerre qui concerne l'attaque & la défenfe des Places, que notre Auteur a traité au long & d'une maniére admirable, & il montre que la défense exige furtout les plus grands talens dans un Gouverneur de Place, pour mettre à profit fes avantages, & qui peut par le fecours des Mines pouffer fort loin la réfistance, & laffer la patience du plus habile Général.

Tom. V.

Il fait voir que les Officiers intelligens & braves peuvent acquérir de la gloire, même dans des bicoques où il ne paroît pas poffible de tenir un moment. Il fait des obfervations trèscurieufes & inftructives fur l'attaque & la défense des maifons; caffines ou cenfès en plein-champ. Il en donne quelques exemples qu'on ne peut lire fans admiration. Le Roi de Suéde, Charles XII. lui fournit une défenfe de maifon où il étoit luimême en personne. Cette action lui peroît d'un brillant qui n'a guére d'exemples dans l'Hiftoire, & c'eft la feule Tête couronnée à qui pareille avanture foit arrivée. Il s'agit de l'affaire de Bender qui a fait tant de bruit. Charles XII. entreprit, pag. 351. le 12. Février 1713, de fe défendre avec très-peu de monde dans une maifon de bois contre une Armée de Turcs & de Tartares qui l'attaquérent avec du canon. Le Roi n'en fortit que lorsqu'on y eut mis le feu. Mr. de Folard regarde ce Héros comme un des plus grands hommes qu'il y ait eu. Il le compare à Alexandre le Grand, ou pour mieux dire il le met au deffus de ce Conquérant. On peut voir dans notre Auteur l'éloge de ce Prince guerrier, qui dans un court efpace de tems & une vie de peu de durée a parcouru & pratiqué d'une maniére étonnante toutes les parties de la guerre.

Tom. V.

P. 345.

361.

Voici encore deux faits bien curieux fur la même matiére, F'un eft la Relation de l'affaire de la Bouline ou de Mofcolini en 1705 où il fe trouva. Le Prince Eugéne fit attaquer cette căssine dont il avoit befoin pour affurer fes fourrages, par le Duc de Wirtenberg avec l'élite de fon Armée & du canon. Il y entra fans pouvoir s'en rendre maître, & il fut obligé de fe retirer avec grande perte, les François aiant été enfin fecourus par leur Armée après une belle défense qui dura tout la nuit. L'autre exemple eft une belle action de feu Mr. le Comte de Saxe, qui fe trouva un foir investi en Pologne dans un grand Ibid. p. Cabaret du Bourg nommé Crachnitk avec 18. Officiers ou domeftiques par un corps de 800. chevaux ou dragons des Confédérés. Il se défendit, quoique fort jeune alors & bleffé à la cuiffe, avec beaucoup d'habileté, & fe fauva enfin avec la petite troupe réduite à 14. hommes, fe faisant jour l'épée à la main à travers les Polonois, qui ne pouvant le forcer avoient pris le parti de le bloquer pour le prendre au jour. Au refte Mr. de Folard eftimoit particuliérement la valeur, l'intelligence, l'application, & les talens peu communs dans toutes les grandes parties de la guerre de Mr. le Comte de Saxe, qui étoit alors Ma réchal de Camp dans les Troupes de France, & qui avoit eu pour Maître un des plus favans & des plus habiles. Guerriers † de l'Europe. On voit qu'avant l'année 1726. il avoit prédit que ce Seigneur feroit très-capable de commander un jour avec dif tinction les Armées de France. L'évenement a justifié depuis la prédiction d'une manière qui fait honneur au difcernement de norre Auteur.

Une autre preuve qu'il favoit diftinguer le rare mérite, c'est l'estime qu'il portoit dès avant le même tems à Mr. le Maréchal-Duc de Belleifle, qui s'eft acquis tant de gloire dans les guerres de Bohéme & de Provence. Dans la premiere il fauva l'honneur du Nom François, & ramenant de Pra

Le Feld-Maréchal Comte de Schulembourg

gue à Egra les reftes de l'Armée de France par cette mémorable retraite qui étonna l'Europe. Ce Général aiant l'ennemi en tête, en queuë & en flanc, étoit embaraffé de 40. piéces de canon aux Armes de France, dont il ne perdit pas une feule. Il avoit outre cela à réfifter aux rigueurs d'un hiver affreux, qui fit périr une partie de cette Armée, foit cn chemin, foit après fon arrivée à Egra.

Dans la guerre de Provence Mr. le Maréchal-Duc de Belleifle donna de hautes preuves de fa capacité. Il conferya une belle Province avec un petit nombre de troupes contre une grande Armée, à qui la conquête en paroiffoit facile. Il chaffa l'ennemi de la Provence, & il y rétablit l'abondance, lorsque la famine jettoit les habitans dans une extrême défolation, & ne permettoit pas de donner la subsistance aux troupes qui devoient la défendre. Mr. de Belleifle a montré avec éclat combien grandes font les reffources qu'un habile Général trouve dans fon courage & dans fon efprit, lorsqu'il paroît prêt à fuccomber fous le poids des malheurs de la guerre. C'est furtout dans l'adverfité qu'un Général se fait cftimer des connoisseurs, & lorsqu'il fait fervir à fa gloire ce qui auroit perdu un homme médiocre. La guerre défenfive demande de plus grands. talens fans contredit que l'offensive, & une petite Armée conduite par un homme habile viendra à bout d'une grande commandée par un Général du commun, au jugement de Mr. de Folard. 1 le prouve par l'exemple de Mr. de Turenne, qui en 1674. avec une Armée de 25000. hommes en détruifit une de plus de 60000. Allemands qui menaçoient la France d'une entiére défolation. On avoit réfolu de brûler l'Alface pour empêcher l'ennemi de pénétrer plus avant. Mr. de Turenne ne fut point de cet avis; il enleva aux Allemands leurs quartiers l'un après l'autre, & fit difparoître cette Armée qui avoit fait trembler les Miniftres de Louis XIV. La défenfive pour réuffir doit fe tourner en offenfive, lorsqu'il se préfente des occafions favorables qu'un habile hommie fait tou

*

No

jours faire naître dans les Païs difficiles & de hautes Montagnes; cette forte de guerre eft la plus favante de toutes. tre Auteur l'a traitée d'une maniére profonde, auffi bien que les retraites d'Armées, fans que les Ecrivains militaires lui aient fourni les moindres fecours fur ces matiéres importantes & délicates.

guerre,

le

Rien n'est plus étonnant que de voir un homme tel que Chevalier de Folard, fi peu récompenfé après tant de fervices importans, qui fembloient devoir l'élever aux plus hauts grades, furtout dans un Païs comme la France. Jamais on ne vit plus d'application au métier de la de courage plus élevé, de génie plus fécond en reffources, & plus de lumiéres, dont il étoit moins redevable à fa grande expérience qu'à l'étude de toutes les Sciences néceffaires à un Homme de guerre, & qui ne font pas en petit nombre. Il étoit fort verfé dans les Antiquités, les Méchaniques & la Politique. Une lecture immenfe de l'Hiftoire ancienne & moderne lui rendoit préfens les faits dont il avoit befoin pour confirmer par des exemples les vérités qu'il vouloit établir. C'est la méthode qu'il a toujours fuivie dans fon Commentaire fur Polybe, où il fe propose d'anéantir une infinité de préjugés reçus. Toujours foutenu des Grands - hommes de l'Antiquité, & de ceux que les derniers tems ont produit de plus illuftres, il n'avance rien que la conduite de ces Héros anciens & modernes ne juftifie & n'autorife. Avec une telle escorte, le bonfens & la raison triomphent fans peine des contradictions les plus opiniâtres, & la vérité toute lumineuse reste en poffeffion de ses juftes droits. Il en a trouvé un grand nombre en fon chemin, qui entêtés des préjugés de la coutume, n'ont ceffé de crier contre un homme qui s'écartoit des routes ordinaires, qui attaquoit les ufages reçus, lorsqu'ils lui paroiffoient contraires à la droite raifon, & qu'il cherchoit à établir une nouvelle Tactique & un nouveau Syftême Militaire, fondé fur des principes Fuifés dans les Anciens. Il les regarde comme nos Maîtres dans

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