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DISCOURS

SUR LES PROGRES

DE LA PHILOSOPHIE,

SOUS LE REGNE DE LOUIS XIV..

OUS le Pontificat de Leon X (a), le Généreux protecteur des Sçavans illuftres de la Grece, qui dans le feiziéme fiécle abandonnerent leur patrie pour venir chercher un afile en Italie; les Arts & les Sciences commencerent enfin à fortir du chaos épouvantable où la barbarie, introduite par tant de Nations qui ravagerent l'Empire Romain, les avoit com me plongés. Les lumieres dont l'Italie fut éclairée fe répan dirent bientôt dans tout le reste de l'Europe; & la France fut la première qui profita de cet heureux renouvellement. Les

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(a) Elu Pápe en 1513, il eut pour pere Laurent de Medicis, furnommé le Grand & le pere des Lettres, chef de la République de Florence. Leon X eut pour maîtres Ange Potitien, Démétrius Chalcondyle & Urbain Bolzane, & pour amis particuliers Pic de La Mirande, Marfile Ficin, Jean Lascaris, ChristopheLandi & plufieurs autres Sçavans illuftres, qu'il employa utilement au renou vellement des Arts & des Sciences.

Tome II. Livre V. Page 1.

+ Politien

* François I.

Sciences animées par les regards bienfaifans d'un Prince *
qui fe faifoit une gloire de les proteger, fe reveillerent &
parurent faire quelques pas vers la perfection; mais où elles
ne devoient arriver que fous le regne de Louis XIV.

On s'appliqua d'abord à lire les anciens Auteurs & à bien
entendre les Langues qu'ils avoient parlées. On travailla
enfuite à les comparer les uns avec les autres; les expliquer à
plus en détail, à les orner de commentaires. On écrivit en-
fin beaucoup, mais parce qu'on réflechiffoit peu, on n'apprit
point à raisonner.

Si cette remarque eft vraye par rapport aux autres feiences, elle l'eft principalement par rapport à la Philofophie qui eft comme la Science de la raifon. Les écoles d'un côté étoient obfcurcies par des questions frivoles, inutiles, fouvent même ridicules,& de l'autre elles étoient deshonorées par un lan gage barbare & inintelligible.

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On parloit beaucoup dans ces écoles ; mais on ne s'y inf truifoit de rien, on ne s'y occupoit que d'idées confufes & abf traites, de concepts de précisions, d'abstractions, d'opérations de l'entendement & de mille autres vaines fubtilités. On apprenoit à fe quereller les uns les autres, à se déchirer par des écrits remplis d'aigreur & d'emportement, mais on n'acqueroit aucune lumiere dans la Phyfique, ni dans la Géometrie, ni dans l'Hiftoire naturelle, entierement oubliée.

Ce n'étoit point par raison qu'on philofophoit, c'étoit par autorité. Ariftote étoit cru fur fa paroles point de fentiment, quelque extravagant & quelque abfurde qu'il fut que l'on ne foutint opiniâtrément, pourvu qu'on le crut appuyé fur la doctrine de ce Philofophe.

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Mais les yeux commencerént enfin à s'ouvrir à la lumiere de la vérité ; la Philofophie honteuse de l'esclavage où elle gemiffoit depuis fi longtems ofa revendiquer la liberté de raisonner, dont elle avoit été dépouillée ; des genies d'un ordre fupérieur entreprirent de la faire rentrer dans fes premiers droits, & leurs tentatives ne furent pas inutiles. Copernic (b), Galilée (¢),.

(6) Né à Thorn Ville de la Pruffe Royale en 1473. Il fe diftingua par une profonde capacité dans les Mathématiques, dans la Philofophie & dans la Médecine.

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Gaffendi (d), Descartes, fe fignalerent par le courage qu'ils eurent de former un fi noble projet ; mais il faut avouer que la gloire de l'éxécution eft due prefque toute entiere au dernier. Ce Philofophe illuftre, destiné à ouvrir toutes les grandes routes, à frayer tous les chemins qui conduisent aux Scienees exactes, fut écarter tous les nuages dont les Ecoles étoient couvertes, & fit connoître quels avantages un esprit attentif pouvoit retirer de l'étude des Mathématiques & combien elles étoient propres à étendre fa force & Sa pénétration. Ce grand homme nous apprit à nous défaire de tous nos préjugés, à détacher notre esprit des fens, à conduire nos pensées par ordre, à ne tenir pour vrai dans les Sciences que ce qui porte avec foi le caractere d'une entiere évidence. Il vouloit que l'on commençât à observer la nature en l'examinant avec un œil curieux & appliqué, & en marchant pas à pas fans chercher à deviner ce qu'on ne voit point, & fans donner par un amour outré du merveilleux dans des fuppofitions fauffes & imaginées à plaifir, qui repugnent au méchanifme que la nature fçait fi bien garder dans tous fes ouvrages.

Le fiécle de Louis XIV eft particuliérement marqué av

Il mourut en 1543 âgé de 70 ans. Son fyftême du mouvement de la terre autour du Soleil eft l'ancienne opinion du Philofophe Ariftarque de Samos, mais cette opinion avoit befoin d'être développée, & Copernic a eu la gloire de la mettre dans le plus grand jour; les principes qu'il établit fuffifent pour pouvoir rendre parfaitement raifon des mouvemens & des phénomenes céleftes. Selon ce fyftême le Soleil immobile eft placé au centre du monde. Venus, la Terre, Mars, Jupiter & Saturne, font leur mouvement dans fix cercles autour du Soleil, mais la Terre a un autre mouvement autour de fon axe, & la Lune fait fon circuit autour de la Terre.

(c) Natif de Florence & fils naturel de Vincent Galilée Noble Florentin. Il profella longtems les Mathématiques à Padoue & à Pife. Il fuivit le fyftême de Copernic & l'enfeigna, ce qui le fit mettre dans les prifons de l'Inquifition, d'où il ne fortit qu'après avoir abjuré cette prétendue erreur. Il mourut à Arcetri petite Ville de la Tofcane en 1642 âgé de plus de 78 ans. Il fut l'inventeur du Pendule fimple qui lui fervit beaucoup à perfectionner fes Obfervations Aftronomiques. Son fils, Vincent Galilée, auffi très-habile Mathématicien, trouva l'art d'appliquer le Pendule aux Horloges.

(d) Gaffendi, dont on trouvera ci-après l'éloge hiftorique, fut un des plus zélés partifans du fyftême de Copernic. Il foutint auffi le vuide & les atômes d'Epicure; mais il rectifia le fyftème de ce l'hilofophe de même que fa morale. Il prétend que Dieu a créé les atômes & qu'il leur a donné le mouvement, l'extenfion & la figure, qu'Epicure foutenoit qu'ils avoient d'eux-mêmes & de toure éternité.

coin de ce génie d'obfervations, génie heureux qui a enfanté, tant d'ouvrages folides & inftructifs, & qui eft la véritable clef de l'art fi fupérieur à tous les autres, de faire des décou vertes. En effet quelle revolution cet art n'a-t'il point caufée dans le monde philofophique ? quelles richesses n'y a-t'il point introduites? à quel dégré de perfection n'a-t'il point porté toutes les Sciences exactes.

Un nouveau Ciel s'eft prefque dévoilé à nos yeux par le moyen des Telescopes perfectionnés : combien de découvertes en ce genre dues aux Sçavantes obfervations des Aftronomes célébres qui ont fait tant d'honneur au regne de Louis XIV, les Picart, les Caffini, les Dechazelles, les Maraldi (e). La Phyfique fut étudiée dans le fein méme de la nature, & non dans les livres des Anciens qui n'en avoient fait qu'une étude fuperficielle, fans aller fur les lieux vérifier ce qu'ils avoient deviné dans leur cabinet ; & comme le domaine de la Phyfique eft très-étendu, & s'étend encore tous les jours, il y eut autant d'Obfervateurs zélés & d'un travail opiniâtre, qu'elle renferme de parties principales, ce qui forme une longue chaîne de connoiffances, non en fe confondant les unes avec les autres, mais en acquerant par dégrés l'ordre & la fimetrie qu'elles doivent avoir pour s'imprimer fortement dans l'efprit.

Il est vrai que les libéralités de Louis XIV, & cet air de grandeur qu'il mettoit dans toutes fes actions fervirent utilement à faire fleurir les Sciences & les Beaux-Arts; le titre de Sçavant fembloit feul fuffire pour donner droit aux libéralités de ce Prince; fes bienfaits au refte ne fe répandoient pas feulement fur les Sçavans de fon Royaume, ils alloient en

() Neveu du célébre Caffini. Il étoit né à Perinaldo dans le Comté de Nice en 1665. Agé de 22 ans, il vint en France où il fe livra tout entier à l'étude de l'Aftronomie. En 1700, il travailla sous fon oncle à la prolongation de la méridienne jufqu'à l'extrémité du Royaume ; & en 1718 il la termina du côté du Septentrion; il partagea la gloire de ce travail avec trois autres Académiciens; mais l'ouvrage qui a le plus occupé ce fçavant homme, & qui a auffi abbrégé fes jours, c'eft fon catalogue des étoiles fixes. De cet Ouvrage, qui eft encore manufcrit, on en a détaché des pofitions d'étoiles dont plufieurs Auteurs fe font utilement fervis: ce fçavant Aftronome, Membre de l'Académie Royale des Sciences, mourut en 1724,

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