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'Luc. XII. 14.

Jo. XVIII. 36.

De vera relig.

pas

jufqu'à refufer d'être arbitre entre deux freres pour le partage d'ane
fucceffion; difant, Qui m'a établi pour vous juger? Il est vrai qu'il eft
roi; mais fon royaume, comme il a dit lui-même n'est
9
de ce
monde, il est d'un ordre plus élevé. Il ne veut régner que fur les
cœurs, par la crainte filiale de fes fujets, le refpe&t & l'amour qu'ils lui
portent: Il ne veut que les rendre meilleurs, il n'exige d'eux autre tri-
but que des louanges, des actions de graces, l'adoration en efprit & en
vérité. Tel eft le royaume de J. G.

Pour l'établir, il n'a employé que des moyens' convenables à la no bleffe de fa fin. Il n'a rien fait par force, dit S. Auguftin, mais tout par perfuafion; & pour perfuader, il n'a pas employé, comme les philofophes, de longs raifonnemens, dont peu d'hommes font fufceptibles, mais des miracles, qui font à la portée de tout le monde, propres à attirer l'attention & à fonder l'autorité. Il a communiqué à fes difciples ce pouvoir de faire des miracles, & d'en communiquer le pou voir à d'autres autant de tems qu'il a jugé convenable pour établir fuffilamment l'autorité de fon églife.

Cette autorité eft le fondement de la jurifdiction eccléfiaftique, qui confifte à conferver la faine doctrine & les bonnes moeurs. La doctrine fe conferve en établiffant des docteurs pour la perpétuer dans tous les fiécles, & en réprimant ceux qui la voudroient altérer. Or l'églife a toujours exercé ce droit, enfeignant la doctrine qu'elle a reçue de J. C. & ordonnant des évêques qui en font les principaux docteurs; & qui pour leur aider ont ordonné, outre les prêtres, des diacres & d'autres miniftres inférieurs tout cela malgré l'oppofition des infidèles, & pendant les plus cruelles perfécutions. Saint Paul dans fes chaînes ne laiffoit pas d'enfeigner; & la parole de Dieu, comme il dit lui-même, n'étoit pas enchaînée. Il fçavoit auffi réprimer & châtier les faux docteurs, comme Hymenée & Alexandre, qu'il livra à Hier.fcript. in Luc. Satan à caufe de leurs blafphêmes; & l'apôtre faint Jean dépofa le prêtre qui avoit fabriqué l'hiftoire, des voyages de faint Paul & de fainte Thècle.

1. Tim. 1. 20:

Comme, dans le gouvernement temporel, le premier acte de jurifdiction eft l'institution des magiftrats, des juges & des miniftres de juftice ainfi l'ordination des évêques & des clercs eft le premier acte & le plus important du gouvernement eccléfiaftique. Auffi avez-vous vu dans toute cette hiftoire, avec quelle attention & quelle circonfpection on ordonnoit les évêques pendant les neuf ou dix premiers fiécles j'en ai marqué le détail au fecond difcours, où j'ai relevé cette Cypt. epist. 67. parole de faint Cyprien, qu'un évêque ordonné canoniquement eft établi le jugement de Dieu. L'évêque une fois établi ordonnoit les par prêtres & les autres clercs, mais avec le confentement de fon clergé & de fon peuple; & toujours pour un titre certain, c'eft-à-dire pour fervir dans une certaine églife: d'où eft venue la collation des bénéfices, depuis le partage des revenus eccléfiaftiques.

ad Hifp.

L'autre partie de la jurifdiction, qui tend à la confervation des honnes mœurs, s'exerce principalement par l'adminiftration de la péniten

que

ce: où le prêtre prend connoiffance des péchés comme juge, pour fçavoir s'il les doit remettre ou les retenir lier ou délier le pécheur. Voyez encore ce que j'en ai dit au fecond difcours, où j'ai montré P'églife n'impofoit que des peines médecinales, & à ceux qui les acceptoient volontairement: fe contentant de prier pour les indociles & les endurcis, qu'elle fe trouvoit quelquefois obligée à retrancher de fon corps, de peur qu'ils n'infectaffent les autres. J'ai marqué dans le troifiéme difcours deux abus très nuifibles à la pénitence, la multiplication exceffive des peines canoniques, & les pénitences forcées. Or je vous renvoie à ces difcours fur l'hiftoire, pour éviter les re.dites.

Une autre partie de la jurifdiction eccléfiaftique, qu'il falloit peutêtre placer la premiére, c'est le droit de faire des loix & des réglemens, droit effentiel à toute fociété. Ainfi les apôtres, en fondant les églifes, leur donnérent des règles de difcipline, qui furent long-tems confervées par la fimple tradition, & enfuite écrites fous le nom de canons des apôtres & de conftitutions apoftoliques. Les conciles qui fe tenoient fréquemment, faifoient auffi de tems en tems quelques réglemens; & c'est ce que nous appellons les canons, du mot grec qui fi gnifie règle.

Comme un des devoirs des évêques étoit de conferver l'union & la charité entre les fidèles, ils avoient grand foin d'appaifer les querelles, de terminer ou prévenir les différends: du moins ils exhortoient ceux qui leur étoient foumis, à les régler entr'eux à l'amiable, fans plaider devant les juges ordinaires qui étoient païens. Saint Paul en fait un grand reproche aux Corinthiens; & dit, que les plus méprifables d'entr'eux ne font que trop bons pour juger leurs affaires temporelles tant ils doivent faire peu de cas de ces fortes d'affaires; & prendre garde de ne pas fcandalifer les Païens, en plaidant pour de petits intérêts com❤ me les autres hommes. Vous avez déja tort, continue l'Apôtre, d'avoir des procès que ne fouffrez-vous plutôt l'injuftice & la fraude? & làdeffus il leur fait une puiffante exhortation touchant le défintéreffement & l'éloignement de l'avarice. Ainfi quand Jefus Chrift refufa d'être arbitre entre les deux freres, il en prit occafion d'inftruire le peuple sur le mépris des biens temporels.

Or quoique, felon S. Paul, les moindres des laïques puffent être pris pour arbitres de leurs freres, c'étoit toutefois l'évêque qu'ils choififfoient ordinairement, comme leur pere commun; & l'on voit la forme de ces jugemens charitables dans le livre des conftitutions apoftoliques, écrit avant la fin des perfécutions. L'évêque étoit affis au milieu des prêtres, comme un magiftrat affifté de fes confeillers : les diacres étoient debout, comme fervant d'appariteurs, ou miniftres de juftice: les parties fe préfentoient en perfonne, & s'expliquoient par leur bouche. L'affaire étoit examinée fimplement & de bonne foi, fans formalités rigoureufes, & décidée fuivant la loi de Dieu, c'eft-à-dire, les faintes écritures. Le juge avoit égard à la qualité des parties, principale ment à leurs moeurs, pour ne donner lieu ni à la calomnie ni à la chi

n. 8.

n. 16.

II.

Arbitrages des évêques.

1. Cor. VI. 4.

v.7.

Lib. II. c. 47.

1. Tim, 11, 8.

III.

Conciles.

P. 19.

Can. 5.

TỪ, HI. 1.

cane; & non content de juger l'affaire au fonds en déclarant ce qui étoit jufte, il s'efforçoit d'en perfuader les parties, les faire acquiefcer à fon jugement, les réconcilier parfaitement, & les guérir de toute aigreur & de toute animofité. C'eft pourquoi l'audience de l'évêque fe tenoit le lundi, afin que les parties euffent le refte de la femaine pour calmer leurs paffions; & que, le dimanche fuivant, ils puffent dans leurs priéres lever à Dieu des mains pures, comme dit l'Apôtre.

Les affaires plus importantes, comme les plaintes contre les évêques mêmes, fe jugeoient dans les conciles provinciaux qui fe tenoient réguliérement deux fois l'an, à moins que la perfécution ouverte ne l'empêchât; & au-deffus de ces conciles, il n'y avoit point de tribunal ordinaire. Saint Cyprien, parlant des Chrétiens qui étoient tombés dans la perfécution, dit: Qu'ils attendent la paix publique de l'églife, afin que, dans une affemblee de plufieurs évêques, nous puiffions tout régler d'un commun avis. Le concile de Nicée, tenu au commencement de la liberté de l'églife, ordonne deux conciles par an ce qui femble montrer que c'étoit déja la coutume de les tenir fréquemment.

Telle est donc la jurifdiction effentielle à l'églife, comme elle l'a reçue de Jefus-Chrift; le foutenant par elle-même, fans aucun fecours de la puiffance féculiére; & fe contenant dans fes bornes, fans rien entreprendre fur le temporel. Elle fe conferva dans cette pureté pendant les trois premiers fiécles fous les empereurs païens; & jamais l'églife ne fut plus forte ni plus heureufe, c'eft-à-dire, plus floriffante en tou tes fortes de vertus, qui eft l'unique bien que Jefus-Chrift lui a promis en cette vie. Les fondemens de cette jurifdiction étoient l'autorité des pasteurs & la foi des peuples. Les pafteurs s'attiroient du refpect par leur doctrine & leurs vertus : les peuples ne connoiffoient point de plus grand mal en cette vie, que d'être retranchés de l'églife & privés de la communion des faints. S'ils n'en étoient pas touchés, rien ne les empêchoit de retourner au paganifme: mais tant qu'ils demeuroient chrétiens, rien ne leur étoit plus précieux que la grace de Dieu & l'efpérance des biens éternels.

Ce fut par cette autorité purement fpirituelle, que l'églife combattit & réprima tant d'héréfies, qui s'élevérent dans les premiers fiécles: les Nicolaïtes, les Gnoftiques de diverfes fortes, les Ebionites, les Valentiniens les Encratites, les Marcionites. On n'employa contr'eux que l'inftruction, les conférences charitables ; & une fermeté invincible à n'avoir aucun commerce avec les incorrigibles, fuivant le précepte de S. Paul.

Or, encore que l'églife n'eût pas befoin de la puiffance temporelle pour l'exercice de fa jurifdiction: toutefois elle n'en refufoit pas le fecours, même de la part des Païens. On le voit dans l'affaire de Paul de Samofate, qui, après avoir été dépofé du fiége d'Antioche, ne laifHift. liv. vIII. n. foit pas d'y demeurer fous la protection de la reine Zenobie: jufqu'à ce que l'empereur Aurelien, à la prière des Chrétiens, le fir chaffer de la maifon épifcopale,

Cette protection devint ordinaire fous les empereurs chrétiens, & ils prêtoient à l'églife leur puiffance coactive pour l'exécution de fes jugemens. Ainfi après qu'Arius eut été condamné au concile de Nicée, l'empereur Conftantin l'envoya en exil, & condamna fes écrits au feu, défendant à toute perfonne de les cacher fous peine de la vie; & Neftorius fut traité de même par l'empereur Théodofe. C'eft le fecond état de la jurifdiction ecclésiastique, où elle commença à être appuyée par la féculiére.

IV:
Protection des

princes.
Liv. XI. n. 24.

Liv. XXVI. n. 34.

Ce fut particuliérement pour autorifer les arbitrages des évêques, dont l'utilité étoit reconnue de tout le monde. L'empereur Honorius étant à Milan en 398, déclara que ceux qui confentiroient de plaider Hift. lib. xx. n. 35: devant l'évêque, n'en feroient point empêchés : mais qu'il les jugeroit comme arbitre volontaire, en matiére civile feulement. Et par une au- L. 7. Cod. de epifc. tre loi de l'an 408, il ordonne que la fentence arbitrale de l'évêque fera exécutée fans appel, comme celles du préfet du prétoire ; & que l'exécution s'en fera par les officiers des juges; preuve que les évêques n'en avoient point de femblables.

On ne contraignoit perfonne de procéder devant l'évêque, même contre les clercs. C'eft ce que porte une loi de l'empereur Marcien, da

aud. 1. 8. cod.

Liv.

33.de

Liv. 33. de epifc. L 29. §. 1. ep. aud.

tée de 456, où il dit: que fi celui qui pourfuit un clerc de C. P. ne veut L. 25. de epifc.&c. pas fubir le jugement de l'archevêque, il ne pourra pourfuivre ailleurs 1. 29. §. 4.de epifc. que devant le préfet du prétoire. En général, les clercs comme les laïques étoient foumis à la jurifdi&tion des juges féculiers: feulement il étoit défendu de les tirer du fervice de leur églife, en les pourfuivant dans une autre province; il falloit s'adreffer aux juges des lieux de leur réfidence, fuivant la maxime générale, que le demandeur fuit la jurifdiction du défendeur. C'est ce que porte une loi de l'empereur Léon, & c'eft à quoi fe réduifoit le privilége clérical. Dès le milieu du cinquiéme fiécle, on fe plaignoit que les évêques vouloient étendre leur jurifdiction. C'est pourquoi l'empereur Valentinien III étant à Rome, fit une loi datée du quinziéme d'Avril 452, qui déclare: que l'évêque n'a pouvoir de juger, même les clercs, que de leur confentement, & en vertu d'un compromis. Parce qu'il eft certain que les évêques & les prêtres n'ont point de tribunal établi par les loix, & ne peuvent con- n. 39. noître que les caufes de religion, fuivant les conftitutions d'Arcade & d'Honorius. Les clercs font obligés de répondre devant les juges, foit pour le civil, foit pour le criminel: feulement les évêques & les prêtres auront le privilége de fe défendre par procureur en matiére criminelle.

L'empereur Juftinien recueillit & confirma dans fon code la plupart de ces loix; & y en ajouta de femblables, une entr'autres où il dit: Mennas, patriarche de Conftantinople, nous a prié de donner aux clercs ce privilége; que fi quelqu'un a contr'eux une affaire pécuniaire, il s'adreffe d'abord à l'évêque dont ce clerc dépend, fans le traduire aux tribunaux féculiers, fi ce n'eft que la caufe foit trop difficile pour être décidée par l'évêque: enforte toutefois que le clerc ne foit point détourné de fon ministére. Que fi le clerc eft pourfuivi pour crime, il faut

Cod. Theod. p. 566.Novel. Valent. tit. 22.

"Hift. liv. XXVIII.

Nov. 83:

Nov. 123. c. 21.

6.

diftinguer le crime civil & le crime eccléfiaftique. On appelle ici crime civil, celui qui eft commis contre les loix civiles, & ne regarde que le temporel, comme on nomme civils tous les juges féculiers. Ce qu'il eft néceffaire d'obferver; parce que, felon notre ufage, le civil eft toujours oppofé au criminel. Si donc, dit la loi, le crime eft civil, le clerc accufé fera pourfuivi ici à Conftantinople devant le juge compétent, & dans les provinces devant le gouverneur, à condition que le procès fera terminé dans deux mois; & que fi l'accufé eft trouvé coupable, le juge le fera dégrader par l'évêque, avant de le punir felon les loix. Mais fi le crime eft eccléfiaftique, l'évêque en jugera fans que les juges civils s'en mêlent car nous ne voulons point qu'ils prennent aucune connoiffance de ces fortes d'affaires, qui doivent être examinées eccléfiaftiquement, & les peines impofées felon les canons, que nos loix ne dédaignent pas de fuivre. Cette conftitution eft de l'an 535.

Dans une autre de l'an 541, Juftinien dit : Si quelqu'un a quelque acHift. liv. xxxIII. n. tion contre un clerc, qu'il s'adreffe d'abord à l'évêque; & fi les deux parties acquiefcent à fon jugement, nous voulons que le juge du lieu le faffe exécuter. Si quelqu'une des parties réclame dans dix jours, le juge des lieux examinera la caufe; & s'il confirme le jugement, on ne pourra plus en appeller. Mais fi la fentence du juge eft contraire à celle de l'évêque, alors l'appel aura lieu & fera jugé felon les loix. En matiére criminelle, fi un clerc eft accufé devant fon évêque & qu'il le trouve coupable, il doit le dégrader; après quoi le juge compétent s'en faifira, & lui fera fon procès felon les loix. Que fi l'accufa teur s'adreffe d'abord au fiége féculier & prouve le crime, il repréfentera les actes du procès à l'évêque du lieu, qui dégradera le coupable, s'il le trouve convaincu, & le juge le punira felon les loix. Mais fi l'évêque ne trouve pas la procédure régulière, il pourra différer la dégradation, en forte néanmoins que l'accufé demeure fous bonne garde; & l'affaire nous fera renvoyée par l'évêque & par le juge, pour en ordonner avec connoiffance de caufe. En matiére civile, fi l'évêque différe le jugement, le demandeur aura la liberté de s'adreffer au juge féculier mais fi l'affaire eft eccléfiaftique, le juge féculier n'en prendra aucune connoiffance. La fuite du difcours fera voir l'importance de cette

Liv. 12. Cod. de sp.aud.

1. 14. cod.

conftitution.

Les empereurs Chrétiens donnérent auffi aux évêques infpection fur la police des moeurs & l'honnêteté publique. Si les peres ou les maîtres vouloient proftituer leurs filles ou leurs efclaves, elles pouvoient implorer la protection de l'évêque pour conferver leur innocence. Il pou. voit auffi empêcher, comme le magiftrat, qu'on n'engageât une femme libre ou efclave à monter fur le théâtre malgré elle. Il devoit, conjoin. 24. eod. l. 3. de tement avec le magiftrat, conserver la liberté aux enfans expofés. L'évêinf. expof. que intervenoit encore à la création, & la preftation de ferment des curateurs, foit pour les infenfés, foit pour les mineurs. Il étoit ordonné aux évêques de vifiter les prifons une fois la femaine; fçavoir, le mer. ep. aud, 1. 22. cod. credi ou le vendredi. S'informer du fujet de la détention des prifonniers efclaves ou libres, pour dettes ou pour crimes avertir les

1.27, 28, 30. de

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