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changés en finesse en artifice, en diffimula. "
tion. On ne connoiffoit plus les bonnes & les "
mauvaises actions par elles-mêmes; tout étoit
pris felon les délicates intentions de l'Empereur,
ou fe jugeoit par le rafinement de quelque ma- "
ligne fpéculation.

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a Idem

« la cap. 2.

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3.

quent. Tacite "Annal. « lib. 2.

་་ cap. 43..

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Dion. lib.

57.

a Le crédit qu'eut Germanicus d'appaifer les " Légions, fut d'un fervice fort avantageux, « in Caligu mais peu de tems agréable. Quand le danger fut passé, on fit réfléxion qu'il pourroit tirer" les troupes de leur devoir, puifqu'il avoit fçu les y remettre. Envain il fut fidele à Tibere, fa modération à refufer l'Empire ne le fit pas trouver innocent ; on le jugea coupable de ce 69.70.4 qu'il lui avoit été offert ; & tant d'artifices fu- ". rent employés a fa perte, qu'on le défit à la fin d'un homme qui vouloit bien obeïr, mais “ qui méritoit de commander. Il périt, ce Ger- " manicus fi cher aux Romains, dans une armée " où il eut moins à craindre les ennemis de " l'Empire, qu'un Empereur qu'il avoit fi bien " fervi, & qui étoit fon oncle paternel, & fon " pere adoptif.) Il ne fut pas feul à fe reffentir " de cette funefte politique, le même esprit regnoit généralement en toutes choses. Les emplois éloignés étoient des éxils mifterieux, les " Charges, les Gouvernemens ne fe donnoient “ qu'à des gens qui devoient être perdus, ou à " des gens qui devoient perdre les autres. Enfin “ le bien du fervice n'entroit plus dans aucune confidération; car en en effet les armées avoient plûtôt des profcrits que des Généraux, & les Provinces avoient plûtôt des bannis que des Gouverneurs. A Rome où les Loix avoient toujours été fi réligieufement gardées,& avec tant de formes, tout fe faifoit alors par la jalousie de ce mifterieux cabinet. Quand un homme ". d'un mérite confidérable témoignoit de la pafSon pour la gloire de l'Empire, Tibere faup

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(6.

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a Tacite Annal.

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lib. 4.
cap. 3 I, "

35. Dion. lib.

57.

I

çonnoit auffitôt que c'étoit avec deffein d'y ,, parvenir. S'il reftoit à quelqu'autre un fouvenir innocent de la liberté, il palloit pour un efprit dangereux qui vouloit rétablir la République. Louer Brutus & Caffius, a étoit un crime qui coûtoit la vie ; regreter Augufte, une offenfe fecrette qu'on pardonnoit d'autant moins, qu'on n'ofoit s'en plaindre; car Tibere le loüoit toujours en public, & lui faifoit décerner des honneurs divins, qu'il étoit le premier à lui rendre mais les mouvemens humains n'étoient pas permis, & une tendresse témoignée pour la mémoire de cet Empereur fe prenoit pour une accufation détournée con

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ou pour une mauvaise volonté contre la perfonne du Prince. Jufqu'ici, continue le même Auteur, ce font des crimes infpirés par la jaloufie d'une fausse ,, politique, préfentement c'eft la cruauté ouverte & la tirannie déclarée. On ne fe contente ,, pas de quitter les bonnes maximes, on abolit les meilleures Loix; & on en fait une infinité de nouvelles, qui regardent en apparence le falut de l'Empereur, mais en effet la perte des ,, gens de bien qui reftoient à Rome.

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Tout eft crime de leze Maiefté; on puniffoit autrefois une véritable confpiration, ici l'on punit une parole innocente malicieusement » éxpliquée.

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Les plaintes qu'on a laiffées aux malheureux » pour le foulagement de leurs miferes, les larmes, ces expreffions naturelles de nos douleurs, les foupirs qui nous échapent malgré nous, les

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1. Aulus Cremutius Cordus ( Hiftorien) fut accufé d'avoir loüé Brutus & Caffius dans une hiftoire qu'il avoit compofée, & auffitôt il fut condamné à mort. Il avoit appellé ces Républicains, les derniers Romains. Tacite Annal. lib. 4. cap. 34. Suetone in Tiber. cap. 61.

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fimples regards enfin devenoient funeftes. La "
naïveté du difcours exprimoit de méchans des- “
feins, la difcrétion du filence cachoit de mé- "
chantes intentions: on obfervoit la joye com- "
me une esperance conçuë de la mort du Prince: "
la trifteffe étoit remarquée comme un chagrin
de fa profperité, ou un ennui de fa vie. Au “
milieu des dangers, fi le péril de l'oppreffion
vous donnoit quelque mouvement de crainte,
on prenoit votre appréhenfion pour le témoi. "
gnage d'une confçience effrayée, qui se trahis. “
fant elle-même, découvroit ce que vous alliez "
faire, ou ce que vous aviez fait. Si vous étiez "
en réputation d'avoir du courage & de la fer- "
meté, on vous craignoit comme un audacieux,
capable de tout entreprendre. Parler, fe taire, "
fe réjouir, s'affliger, avoir de la crainte, ou "
de l'affurance, tout étoit crime, & attiroit bien- "
fouvent les derniers fupplices.

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Ainfi les foupçons d'autrui vous rendoient " coupable; ce n'étoit pas affez d'effuyer la corruption des accufateurs, les faux rapports des " efpions, les fuppofitions de quelque délateur " infâme, vous aviez à redouter l'imagination de " l'Empereur; & lorfque vous penfiez être à " couvert par l'innocence, non feulement de vos actions, mais de vos pensées, vous périssiez par la malice de fes conjectures.

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Il n'y avoit ni juftification ni grace à efperer du Sénat : ce Tribunal dévoué à l'adulation ne regloit fes procedures & fes Arrêts que fur la paffion du Prince. On ne pouvoit pas auffi fe flater de confondre les Délateurs : Tibere les protegeoit ouvertement; a il leur avoit fait or- a Suetone donner de grandes récompenses & il vouloit in Tiber. qu'ils fuffent regardés comme les protecteurs des cap. 61. Loix. Ainfi la mort fuivoit toujours l'accufation. Annal. Ceux qui vouloient éviter la honte d'être con- lib. 4. damnés, & de périr par la main d'un bourreau, cap. 39.

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Tacite

arrêtoient eux-mêmes le cours de leur vie par une mort volontaire & précipitée ; & ce genre de mort fi commun fous le regne de Tibere fit perdre à l'Empire une infinité de gens qui étoient tout ensemble innocens & bons Romains.

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On ne fera point furpris de toutes ces chofes, fi l'on fait réfléxion que Tibere n'aimoit que fa propre perfonne, qu'il étoit toujours prêt de facrifier tout à fon ambition, & que fes proches lui étoient auffi indifferens que les étrangers.

Quelle infenfibilité ne marqua-t-il pas avant & après 2 la mort de fon fils Drufus felon ce

I Par une mort volontaire, &c) Ce qui les faifoit principalement recourir à cette éxtrémité, c'est parce que l'on rendoit des honneurs funébres à ceux qui mouroient avant que d'avoir été condamnés , que leurs Teftamens fubfiftoient, & que leurs biens paffoient à leurs enfans ; & qu'au contraire ceux qui étoient jugés à mort, après avoir été éxécutés dans a Du la prifon, ou précipités du haut a du Capitole par les Tribuns du peuple, & quelquefois par les ConTarpeien. fuls, étoient privés de la Sépulture, éxpofés dans la

Mont

grande place, traînés publiquement avec un croc, & jettés dans le Tibre, & tous leurs biens confifqués. Cela étoit général pour tous les condamnés de quel que qualité qu'ils fuffent ; & l'on n'en éxceptoit pas même les femmes. Voyez Suetone in Tiber cap. 53. 61.

Li

2 La mort de fon fils Drufus, &c) Ce Prince étoit fils de Tibere & de fa premiere femme Vipfanie fille d'Agrippa. I périt par les artifices de Séjan. Cet ambitieux favori qui n'afpiroit pas moins qu'à l'Empire, projetta d'abord de fe défaire de Drufus qui en qualité de fils de Tibere, occupoit le premier rang dans l'ordre de la fucceffion. Pour mieux Elle é y réüffir, il tâcha de mettre dans les interêts toit foeur vie qui avoit été mariée à ce Prince après la mort de Ger- de fon premier mari ( Caius Céfar petit fils d'Aumanicus. gufte. ) Cette Princeffe avoit été fort laide au commencement & elle étoit enfuite devenue parfaitement belle. Séjan eut affez mauvaife opinion d'elle, pour croire qu'en lui parlant d'amour il l'engageroit à le feconder dans le deffein qu'il avoit formé de faire périr fon mari. Il lui témoigna donc une forte paffion, elle l'écouta, & fe rendit à fes defirs.. Il lui propofa enfuite que fi elle vouloit empoifon

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a ibid.

bibit.

cap. 52.0

qu'en difent a Tacite & b Suetone, on ne le vit point inquiet pendant que ce Prince étoit ma- cap. 8. lade, & il ne discontinua point d'aller au Sénat non pas même dans le tems qui s'écoula entre la mort & les funerailles de fon fils. Lui feul pendant que tout le Sénat gémiffoit & fondoit en larmes, poffeda tout fon fang froid. Il conferva tellement dans fon difcours fon efprit diffimulé & comédien, qu'il étoit facile de connoître qu'aucun sentiment de déplaifir ne le traverloit.

Comment traita-t-il la veuve de Germanicus, Agrippine, cette femme fi vénérable par fa chafte & conjugale fécondité, & fi recommandable. par fon courage, qui lui avoit fait partager quelque fois le commandement militaire avec fon mari Non content de l'avoir réleguée dans c Suetons ane Ifle des plus défertes de l'Empire, il eut foin ibid. cap. de l'y faire périr de la maniere la plus cruelle; 3. & pour l'outrager même après fa mort, il fit mettre le jour de fa naiffance parmi les jours malheureux, afin que fon nom devint odieux à la pofterité. Il ofa même dire qu'il lui avoit fait grace de n'avoir pas ordonné qu'on l'étranglât, & qu'on jettât fon corps à la voirie.

did.ibid.

Neron & Drufus, deux des fils de cette illuftre Romaine, ne furent pas plus épargnés, d On contraignit le premier de fe tuer: l'autre fut de telle forte abandonné à la fureur de la faim, Tacite qu'il rongea la bourre de fon matelas, & traîna Annal. fa vie e jufques au neuvieme jour avec cette lib. 6.

cap. 54

cap. 23. ner Drufus, il l'épouferoit, & la feroit Imperatrice. ad ann. Cette efperance incertaine la fit renoncer par un 786. crime abominable à une efperance certaine. De con- e id. ibid. cert avec Séjan elle fit empoifonner fon mari par P'Eunuque Lygdus. Tacite observe à cette occafion qu'une femme qui a une fois proftitué fon honneur, fe laiffe tourner l'efprit à droit & à gauche, felon le caprice de celui à qui elle s'eft abandonnée. Voyez Tacite. Annal. lib. 4. ad ann. 776

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