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étoit vêtu d'une maniere trop fuperbe loin de le lui rendre, il le fit conduire à la mort dans l'inftant. Il pouffa fa cruauté encore plus loin pour infulter à la douleur de ce malheureux pere, il le pria le jour même de venir manger à fa table. Il n'ofa s'éxcufer parce qu'il lui reftoit encore un fils. Il vint, & parut devant l'Empereur avec un vifage auffi libre & auffi tranquille que s'il n'eût reffenti aucune affliction. Caius qui avoit mis un homme auprès de lui pour l'obferver, lui fit porter de grands verres de vin, des parfums & des couronnes. Le Chevalier Romain fut obligé d'effuyer tous ces outrages, & malgré fon défespoir & fon grand âge, d'affecter de la joye pour conferver fon fecond fils.

a Caius ofa bien permettre aux Efclaves de fe rendre dénonciateurs contre leurs maîtres, pour quelque chofe que ce fûr: ces accufations ésoient d'autant plus à craindre, qu'elles étoient appuyées de fon autorité, & que l'on fçavoit qu'elles lui étoient agréables. Pollux l'un des EL claves de Claude, fur de ce nombre. Il eut l'audace de dépofer contre fon maître : & ce barbare Empereur voulut même être un des Juges de fon propre oncle dans l'efperance de le faire

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mourir comme un criminel; cependant il n'y réüffit pas.

Enfin après avoir fait gémir l'Empire Romain' près de quatre ans fous fa tiranie, il périt ; & B Jofeph ce fut moins fes travers ou fes cruautez, que fes ibid. dé- piquantes railleries, qui firent naître la confpierit fort ration où il perdit la vie. b Caffius Chærea Ĉaau long pitaine de fes Gardes, eft celui à qui l'on en atde Cali tribue principalement le deffein & l'éxécution. It gula.. en conçut le premier la pensée, il eut la hardieffe Voyez la de l'infpirer enfuite à d'autres, il leur proposa page les moyens de l'éxécuter, il les encouragea lor de Livre. qu'il les vit étonnés par la grandeur du péril,'

la mort

305.de

ibid.

& dès que l'occasion s'en offrit, a il attaqua le a Jofeph. Tiran, lui porta le premier coup, & ne laiffa aux Suetone autres que le foin de l'achever. On dit qu'il y in Caligcut quelques Complices affez emportés pour man- la cap. ger de fa chair,

76. d

Les Conjurés après une action fi hardie, & 58. dans le péril où les mettoit le meurtre d'un Empereur follement aimé de la populace, & qui entretenoit tant de gens de guerre, fe firent jour dans la preffe, & fe retirerent dans la maison de Germanicus, dont ils ne fortirent qu'après avoir appris certainement que le Sénat fe déclaroit pour eux. En effet l'un des Confuls, Sa- b Joseph. turninus après avoir fait un long difcours fur ibid. cap. les malheurs que caufe la Tiranie & fur les 2. avantages que produit la Liberté, conclut qu'il falloit, avant toutes chofes, élever les Conjurés aux plus grands honneurs, & fur-tout Cherea, puifque fon courage leur avoit rendu la liberté, & qu'il avoit cet avantage fur Brutus & fur Caffius, que par la mort d'un feul hommé it avoit délivré l'Empire de tous les maux dont il étoit accablé, au lieu que l'action des autres fut fuivie d'une guerre qui troubla tout l'Empire.

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Cherea fut demander le mot aux Confuls: ils lui donnerent pour mot Liberté. Il le porta aux Officiers de quatre Cohortes, qui préferant la domination légitime à la tirannie, avoient em braffé le parti du Sénat; & jugeant qu'il y auroit toujours fujet de craindre, tant qu'il refteroit quelqu'un de la race de Caius, il envoya un Tribun nommé Lupus, qui étoit un des Conjurés, tuer Céfonie femme de Caligula avec leur fille, Mais cet illuftre défenfeur de la Liberté ne jouit pas longtems de fon action. Les Cohortes Prétoriennes ayant falué Empereur dans leur Camp Claude oncle de Caius, le Sénat après beaucoup de réfiftance, fut obligé d'approuver cette élection. Ce Prince oubliant que la

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mort de Caius lui avoit procuré l'Empire, & voulant pourvoir de loin à fa propre feureté, aid. ibid. a fit mourir Caffius qui ne fe démentit point ap. 3. dans fon fupplice, & qui fit voir en mourant Dion. lib. une conftance digne de fon nom.

60. Claude.

Neron.

69.

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Le regne de Claude ne fut remarquable que par la ftupidité de ce Prince & l'in folence de Meffaline qui le gouvernoit à fon gré. L'Etat eut beaucoup à fouffrir des défordres & des caprices de l'un & de l'autre ; néanmoins l'efprit de docilité qui regnoit alors les fit endurer paisiblement, & le Gouvernement, quelque mauvais qu'il fût, parut alfez doux pour faire oublier les horreurs de Caligula. Je paffe au regne de Neron.

On fçait que ce Prince fut redevable de l'Emb Tacite. pire b aux foins d'Agrippine fa mere; que cette Annal. Princeffe auffi cruelle qu'elle étoit fiere & am12. cap. bitieule, pour lui en affeurer la poffeffion, fe 68. & porta aux plus grands crimes, jufques à faire péSueton. rir l'Empereur Claude qui étoit fon oncle & fon in Cland. mari; & qu'un Aftrologue lui ayant un jour cap. 44. prédit que fon fils regneroit, mais qu'il lui ôteDion lib. roit la vie, elle répondit qu'elle s'en foucioit 60. & peu, pourvû qu'il regnât.

45.

c Tacite

5.

61. Neron agit dans les commencemens de fon reAnnal. gne e d'une maniere à faire concevoir de lui les 13. cap. plus hautes esperances; les difcours & les actions promettoient un Empereur accompli; il faifoir les Suetone délices de Rome, & cette ville croyoit fe retrouver au fiécle d'Augufte. Neron lui-même s'expliAurel. que ainfi dans la premiere harangue qu'il fit au SéVic. Epit. nat depuis fa proclamation.

16.

ibid. cap.

4.

"

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d Tacite d Je protefte folemnellement, dit-il, que ,, n'ayant pris le Gouvernement de l'Empire que ,, par l'autorité de cette illuftre Compagnie & par le confentement de l'Armée, je veux choifir une façon de regner, dont tout le monde ait fujet d'être content. Je n'apporte poins

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à cette grande dignité une jeuneffe imbue des «
guerres civiles, ou ulcerée des difcordes dome-
ftiques; j'y viens éxempt de haine & de tou-
te vengeance. Je veux fuir ce qui a rendu “
les derniers Empereurs odieux, & je ne pré- "
tens point qu'on juge déformais les criminels "
dans le Palais du Prince, où le crédit de deux “
ou de trois favoris opprime l'innocence des "
accufez. J'ordonne pour ce fujet que le Sénat "
reprendra fon ancienne autorité; que les Con- "
fuls rendront la juftice à l'Italie, & aux au-
tres Provinces qui ont accoutumé de répondre
à leur Tribunal; que les mêmes Confuls leur "
donneront entrée dans le Sénat pour y folliciter ".
leurs affaires; pour moi je commanderai les "
Armées; en un mot a je me formerai fur le "
modéle d'Augufte.

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a Suetone ibid: cap

bid.ibid

On ne pouvoit fe former un plan plus fage 10 & plus équitable. Soutenu par les fages confeils. de Burrhus & de Seneque, il tâcha pendant un tems de ne fe pas démentir. On ne fçavoit qu'admirer le plus de fa pieté, de fa modeftie, de fa clémence, ou de fa liberalité. Le Sénat lui. donnant toutes fortes d'éloges, & le remerciant de fa jufte administration, il fit connoître qu'il n'avoit encore rien fait à l'avantage de l'Empire, & qu'il ne méritoit pas qu'on lui en marquât de la reconnoiffance. Un jour qu'on le pref foit de foufcrire à la condamnation d'un crimi nel, après avoir réfifté longtems, je voudrois s'écria-t-il, ne fçavoir pas écrire.

Que ne devoit on pas attendre de ces heu reufes difpofitions? mais on s'apperçut bientôt qu'il s'étoit déguifé jufqu'alors. Las de fe laiffer gouverner, à peine fut-il rendu à lui-même your prendre la conduite des affaires, qu'il fuivit fon mauvais naturel, & les pernicieux. confeils des, jeunes débauchés qui vivoient avec lui, en Othons we lefquels a Othon depuis. Empereur tenoit un 2,

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cid in

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a Dion

des premiers rangs. Ces flateurs a lui répetoientb. 61. fans ceffe qu'il devoit fe fouftraire aux importunes remontrances d'un Burrhus, & d'un Seneque; qu'il devoit fe fouvenir qu'il étoit leur maître & leur Empereur, & qu'ils étoient fes fujets; que loin de les craindre, il devoit luimême faire trembler ces Cenfeurs toujours prêts à le contredire qu'autrement on le croiroit toujours incapable de gouverner par lui-même, & qu'on ne le regarderoit que comme un Empereur de nom.

:

bid.ibid. b Neron plus fufceptible de ces confeils qui favorifoient fon penchant, que de ceux qui le portoient à la vertu, témoigna d'abord du mépris pour Burrhus & pour Seneque ; il fe fit enfuite un honneur de ne point ceder, ou à la fageffe de ces Miniftres, ou à l'autorité de fa mere. Enfin il leva le mafque il fe mocqua ouvertement de tout ce qu'ils lui difoient & prit Caius pour modéle, qu'il furpaffa bientôt, dès qu'il eut réfolu de l'imiter. Il fe perfuada qu'il étoit de l'autorité & de la grandeur d'un Souve rain de ne ceder à qui que ce fût, dans les choTacite les mêmes les plus honteufes & les plus crimiAnnal. nelles..

13. cap.

If..

,

Ce fut par ces degrez qu'il tomba peu à peu Suetone dans cet abyfme de crimes, & dans cet état in Neron. horrible, dont fon nom feul nous donne l'idée; cap. 33. & que des délices de Rome il en devint par la d Tacite fuite l'horreur & l'éxécration.

Annal.

7. 8.

Suetone

14. cap. On peut juger de fa cruauté par les éxcès ou 45. 6. elle le porta. Outre une infinité de perfonnes illuftres qui furent facrifiées à fa fureur, il fit mourire Britannicus fon frere adoptif, d Agrip3.4. pine fa mere, fa tante e Domitie, f Octavie & eid. ibid Poppée les femmes, g Burrhus & Seneque, l'un fid. ibid. fon Gouverneur, & l'autre fon Précepteur. gi id.ibid

ibid. cap.

hid ibid. Ayant un jour oüi prononcer un vers Grec, Gap. 38. dont le fens étoit : h Que ma mort foit accompa

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