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DISCOURS PRÉLIMINAIRE

Suivi de Remarques fur la prononciation Languedocienne, qu'on a cru néceffaires pour lire & pour entendre le Languedocien langage qui tient dans les différens articles de ce Dictionnaire à une orthographe particuliere, dont l'explication & l'ufage étant développés dans ces Remarques, les rendent par-là même comme faifant une partie effentielle du préfent Ouvrage & doivent en précéder la lecture.

L'IDION

'IDIOME propre aux habitans du Languedoc eut la même origine & date probablement d'auffi loin que les Langues des différens peuples de l'Europe qui dans la décadence de l'Empire d'occident pafferent fous une domination étrangere: le mauvais Latin qu'ils parloient s'altéra par degrés & il acheva de fe corrompre en fe mêlant avec le langage des nouveaux peuples qui fuccéderent aux Romains: ce ne fut plus qu'un jargon informe qui fe reffentit de la barbarie de ces temps.

Le Languedocien commença dans peu à prendre une forme dans nos Provinces méridionales, il en devint la langue vulgaire qu'on diftingua alors même de celle qu'on parloit au nord du Royaume : le François & le Languedocien dont la fortune a été depuis fi différente, alloient au moins de pair & partageoient la France qui, au rapport de nos Hiftoriens, fut divifée en Langue d'oc & en Langue-d'oil, ou d'ouï. (a)

(a) La premiere de ces dénominations ou celle de la Languedoc, fut appliquée depuis le milieu du XIII. fiecle jufqu'à Charles VII; c'est-à-dire, pendant environ 300 ans, aux Provinces méridionales de la France que nos Rois avoient nouvellement Tome I.

a

La Langue d'oc prise dans le fens de langage, fur refferrée depuis dans un plus petit efpace & affectée en particulier à la Province qui en a tiré fon nom : ce fut la langue qu'on continua d'y parler on n'en eut point d'autre, non-feulement pour l'instruction publique, mais même pour les registres & les cadaftres qu'on n'a ceffé d'écrire en Languedocien que depuis environ deux fiecles.

La langue de la Capitale, ou de la Cour a gagné depuis bien moins de temps les Provinces les plus reculées; le goût de la littérature françoife s'y est répandu peu à peu, & le Languedocien négligé passe déjà chez quelques perfonces pour un jargon & porte communément, quoique fort improprement, (a) le nom de patois c'eft cependant encore le langage du peuple

acquifes & au langage qu'on y parloit. Cette même dénomination prife dans ce dernier fens eft au fond fynonyme de celle de, Languedocien, que porte le titre de ce Dictionnaire; & fi elle n'a pas en ce fens, & quant au nom, une fi grande étendue; elle n'en a pas moins la même fignification; avec cette feule différence', que la Langue-d'oc eft l'ancien langage qui s'eft perpétué en grande partie dans le Languedocien moderne de cette Province particuliere & des Provinces voisines, où l'on parloit la Langue-d'oc; langage divifé autrefois, comme il continue de l'être aujourd'hui en différens dialectes; qui depuis Antibes jufqu'à Bordeaux, fe rapprochent, fe mêlent, fe fondent, pour ainfi dire, par des nuances infenfibles l'un dans l'autre : en forte qu'on ne fauroit affigner les limites qui les féparent, ni marquer où l'un finit & où l'autre commence; & que le Rhône même ne tranche point les dialectes de fa droite d'avec ceux de fa gauche; ils portent chacun des empreintes l'un de l'autre & tout ce qui peut établir entre eux une forte de confanguinité.

D'où il réfulte que non-feulement le Provençal, mais généralement tous les idiomes gafcons de nos Provinces méridionales, font du reffort de ce Dictionnaire; & qu'ils viendroht, comme naturellement, fe ranger fous le titre qu'il porte, fi un Amateur intelligent & zélé veut un jour prendre la peine de les y raffembler, en recourant aux fources dont nous n'avons pas été à portée, ou qui, nous ont manqué : ce qui produira une collection tout autrement volumineuse & bien plus intereffante que celle que nous préfentons ici à nos Compatriotes. Voy. l'article Lëngado.

De là réfulte encore la difficulté d'une chofe qu'on nous avoit demandée, qui étoit, d'indiquer que tel terme étoit du dialecte de selle province, de tel canton, de telle ville ce que pour bien d'autres raifous nous n'avons pu ni dû entreprendre.

(a) Voyez l'article Patës, ou patoués.

mais même celui des honnêtes gens élevés dans cette Province: c'est le premier qui fe préfente & qu'ils emploient plus volontiers, lorfque libres des égards qu'on doit à un fupérieur, ou de la gêne que caufe un étranger, ils ont à traiter avec un ami, ou à s'entretenir familiérement dans leur domeftique le François, qu'ils ne trouvent guere de mife que dans le férieux, devient pour la plupart une langue étrangere, & pour ain dire, de cérémonie : ils forcent nature lorfqu'ils y ont recours il est certain au moins, que s'ils n'ont eu de bonne heure des modeles à fuivre, des Maîtres pour confulter, & fi avec ces fecours & celui des bons livres, ils ne fe font fait par un long exercice une habitude du François, le tour & l'expreffion leur échappent, la langue du pays perce; ils croient parler françois & ne font que francifer le pur Languedocien.

Les difficultés que nous éprouvons à cet égard viennent en partie de ce que nous penfons en languedocien avant de nous exprimer en françois : cette langue-ci devient par là une traduction de la nôtre : il est rare que cette traduction ne foit littérale, qu'elle ne fente trop l'original, & qu'on ne faffe un alliage informe de deux idiômes dont le génie eft fi différent. C'est la vraie origine des gafconifmes, ou des fautes de françois qu'on nous reproche & dont peu de nos Compatriotes font entiérement exempts.

Ces fautes font plus ordinaires dans le ftyle familier de la converfation que dans tout autre; foit que les fecours néceffaires pour s'exercer dans ce premier genre foient plus rares; foit que le petit nombre de livres écrits dans ce style ne traitent pas de tout ce qui fait le fujet ordinaire des conversations : toujours eft-il certain qu'un homme de lettres de ce pays-ci, qui écrira purement en françois fur différens fujets de littérature, fera fouvent embarraffé s'il faut s'entretenir dans cette même langue fur une infinité de chofes qui fe paffent fous les yeux; qu'il héfitera dans la conversation, fi elle roule fur le ménage de la ville, ou de la campagne, fur les fur les métiers, &c. ou bien pour s'affranchir de la gêne qu'il éprouve, il finira en languedocien un propos qu'il avoit commencé en françois.

arts,

On a fenti depuis long-temps qu'il nous manquoit un

termes que le Languedocien a empruntés du Latin, * un grand nombre qui nous viennent des Wifigots & des Sarrafins qui après les Romains s'emparerent de nos Provinces & dont l'idiôme, ou au moins fes débris fe font principalement confervés dans l'Espagnol : tels font encore, quoiqu'en petit nombre, ceux que le voisinage des Colonies Grecques, Agdes & Marseille, nous a apportés. (Voy. l'article Empura), & bien d'autres enfia dont on ne peut guere attribuer l'origine qu'à la langue des Celtes, ou Gaulois qui furent les plus anciens habitans connus de ce pays ci (a).

Lorfque l'étymologie de ces différens termes s'eft préfentée d'elle-même, nous n'avons pas négligé de la marquer; il s'agiffoit fur-tout de découvrir dans le françois l'équivalent des termes languedociens & de bien rendre ces derniers; ce qui n'étoit pas quelquefois un petit embarras.

Les Dictionnaires les plus eftimés, fur-tout celui de l'Académie de la dernière édition, nous ont applani bien des difficultés, fans avoir cependant éclairci tous nos doutes cette reffource même nous ayant manqué plus d'une fois, il a fallu recourir à des termes des Provinces où le françois eft la langue vulgaire. Ces termes déjà affectés & dans l'analogie de la langue françoise

à l'étude de ces langues. On trouve à point nommé dans ces Recueils un très grand nombre de termes qu'on entendoit d'avance, ou qu'on auroit deviné avec la plus légere teinture de latin; tandis qu'on y cherche inutilement ceux qui arrêtent dans la lecture d'un Auteur Italien ou Efpagnol : & parce que ces termes n'ont aucun rapport avec le latin, ou le françois, il femble que ç'ait été une raifon de les omettre dans les Dictionnaires, où on auroit dû les trouver de préférence.

(a) La langue Celtique s'eft principalement confervée dans le Bas breton dont le P. Dom Taillandier Bénédictin a donné un Dictionnaire dans lequel nous avons fouvent vu des rapports avec notre Languedocien, que nous avons marqués.

» Le Celtique, dit Dom Taillandier, qui fubfifte dans le Basbreton arémorique & dans le Gallois, eft l'une des plus anciennes > langues de l'univers : elle fu: altérée, & prefque par-tout oubliée par la conquête des Romains, & par la prédication de l'Évangile & faute de Livres écrits en Celtique. La conquête des Francs fit de nouveaux changemens, diverfes langues fe fuccéderent jufqu'à la langue Romance: mais les reftes de l'ancienne langue Gau loife, ou Celtique fe font mieux confervés dans le jargon de Provinces. >

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