que M. Huet connut, & dont il s'acquit l'eftime, à son premier voyage de Paris. Deux ans après, il eut occafion de connoître ceux de Hollande. Car la Reine de Suéde ayant invité Bochart à l'aller voir, il fe joignit à lui & partit au mois d'Avril 16520 Bochart arriva en des circonstan ces, où il ne fut pas fi gracieusement reçu, qu'il avoit lieu de s'y attendre. La fanté de cette Princeffe chanceloit. Trop d'appli cation à l'étude, car elle y paffoit les nuits entiéres, lui avoit échauffé le fang. Bourdelot fon médecin, habile courtifan, & qui avoit étudié autant son esprit que fa complexion, l'obligea de rompre tout commerce avec les gens de Lettres, dans l'efpérance de la gouverner lui feul. Bochart en fouffrit. Pour M. Huet, fa jeuneffe l'empêcha de paroître fi redoutable à ce médecin. Il vit fouvent la Reine, elle voulut même se l'attacher: mais l'humeur changeante de Christine lui fit peur, & il aima mieux au bout de trois mois revenir en France, où le principal fruit qu'il rapporta de fon voyage, fut un manufcrit d'Origéne, qu'il avoit copié à Stockholm. Parmi les Savans qu'il connut en Hollande, Saumaife tient le premier rang. Diroit-on, à l'em. portement qui régne dans les écrits de Saumaife, que c'étoit au fond un homme facile, com. municatif, & la douceur même ? Jufque-là qu'il fe laiffoit dominer par une femme hautaine & cha grine, qui fe vantoit d'avoir pour mari, mais non pas pour maître, be plus favant de tous les Nobles, Le plus noble de tous les Savans. Quand M. Huet fut de retour dans fa patrie, il reprit fes études avec plus de vivacité que jamais, pour le mettre en état de nous donner fon manufcrit d'Origene. Deux fortes d'Académies, l'une qui s'étoit formée en fon abfence pour les belles Lettres, l'autre qu'il fonda luimême pour la Phyfique, fervoient à le délaffer: ou plûtôt, le faifoient de temps en temps changer de travail. En tradui. fant Origéne, il médita fur les régles de la Traduction, & fur les diverses maniéres des plus célébres Traducteurs. C'est ce qui donna lieu au premier livre qu'il publia, & par lequel il fit, fi j'ofe ainsi dire, fon entrée dans le pays des Lettres. On y admira ce qu'on a depuis admiré dans fes autres ouvrages, une lecture fans bornes, une judicieufe cri tique, & fur-tout une Latinité, qui feroit honneur au fiécle d'Augufte. Enfin, feize ans après fon retour de Suéde, il mit fon Origéne au jour. Ces feize ans, il les paffa dans fa patrie, fans emploi, tout à lui & à fes livres; ne fe dérangeant que pour venir tous les ans fe montrer un ou deux mois à Paris. Pendant ce temps-là, il eut des fueurs de fortune, dont il ne fut point ébloui. La Reine de Suéde, qui, après avoir abdi qué la Couronne, s'étoit tranf plantée à Rome pour toujours, voulut l'attirer auprès d'elle em 1659. Mais l'avanture de Bochart, demandé avec tant d'ar: deur, & puis oublié dès qu'il parut, l'empêcha de fuccomber à la tentation de voir l'Italie. On le fouhaita en Suéde pour lui confier l'éducation du jeune Roi, qui remplaça en 1660 Charles Guftave, fucceffeur de Chriftine. Mais il eut la force de remercier; & ceux qui ju. gent des actions par l'événement, trouveront qu'il fit très-bien de fe tenir en France. Car, dix ans après, il fut nommé Sousprécepteur de M. le Dauphin, fans avoir d'autres patrons que fon mérite, & le difcernement de M. de Montaufier. Il arriva à la Cour en 1670, & y demeura jufqu'en 1680, qui eft l'année que M. le Dauphin fut marié. Plus il fenrit que ce nouveau féjour l'expos foit à de fréquentes distractions, plus il devint avare de fon temps. A peine donnoit-il quelques heures au fommeil. Tout le refte de fon loifir alloit ou aux fonctions néceffaires de fon emploi, ou à sa Démonftra |