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L'un tendre, fidelle, & gouteux,

Se révoltant d'un air prophane
Contre l'anodyne tifanne,

Et contre l'objet de ses vœux,
Ne chante dans fes Vers heureux,,
Que l'Inconftance & la Tocane.
L'autre d'un ftyle gratieux,
Et digne des bords du Permeffe,
Par mille traits ingénieux,
Fait tout ceder à la pareffe,
Et de l'indolente molleffe
Vante le repos glorieux..

Laiffez-les donc là, s'il vous plaît ; il importe peu que vous les ayez invoquez, ils n'en viendront pas plûtôt à votre fecours; arrangez du mieux que vous pourrez les matieres que vous alliez raffembler pour d'autres; ne vous embarraffez ni de l'ordre des temps, ni de celui des évenemens. Je vous confeillerois au contraire. d'avoir pour objet principal les dernieres: années de celui pour qui vous écrivéz, puifque les premieres font trop éloignées pour pouvoir en rapprocher les avantures jufques au temps où vous êtes. Faites quel ques remarques, mais courtes & legeres, fur la refolution qu'il a prife de ne point mourir, & fur le pouvoir qu'il paroît avoir de l'executer.

Son trépas par lui feul tant de fois retardé,
Eft un miracle que l'Envie

D'un œil jaloux n'a jamais regardé;
Mais de tant de fecrets qu'à fa gloire il public,
Celui d'éternifer fa vie,

Eft l'unique fecret qu'il ait jamais gardé.

Ne vous allez pas embaraffer l'efprit à chercher des ornemens ou des tours d'éloquence, pour tracer fon caractere, cela fentiroit le Panegyrique; & ce fera affez le louer, que de le peindre au naturel. Gardez-vous bien de vouloir rendre fes recits ou les bons mots ; le fujet eft trop grand pour vous. Tâchez feulement, en parlant de fes avantures, de donner des couleurs à fes défauts, & du relief à fes

vertus.

C'eft ainfi qu'autrefois par des routes faciles,
A l'immortalité j'élevois mon Héros;

Pour vous peignez d'abord en gros

Cent beautés à fes vœux dociles;
Faites-le voir, fuivant en tous lieux les drapeaux
D'un Guerrier égal aux Achiles;
Qu'au milieu de la Paix, ennemi du repos

Il donne des leçons utiles
Aux Courtisans les plus habiles;

Et toujours actif à propos,

Sans leurs empreffemens ferviles,

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Qu'il efface tous leurs travaux.

Que vos pinceaux enfin, en nouveaux traits fertiles
Le faffent voir en differens tableaux,
Tyran des fâcheux & des fots,
Hiftorien d'amour & des Guerres civiles,
Recueil vivant d'Antiques Vaudevilles,
Redoutable par fes complots

'Aux Amans heureux ou tranquilles,
Defolateur de fes Rivaux ;
Fleau des difcours inutiles,
Agréable & vif en propos,
Celebre difeur de bons mots,

Et fur tout, grand Preneur de Villes.
N'oubliez pas le Cheval blanc, (2)
Sur lequel, foûtenant temeraire menace,
Il parut inopinément

Vers les Campagnes de l'Alface,
Aux yeux d'un Prince triomphant ;
Dites par quel enchantement,

Par quelle adreffe ou quelle audace,
En dépit du vieux Saint Albant,

Et d'Arlington, & d'Holiface,

Et d'une Nymphe encor à feduifante face,
Il enleva le (b) Bouquingant.

(a) Il avoit promis à Monfeigneur le Dauphin, qui commandoit l'Armée d'Alface, qu'il le verroit arriver fur un Cheval blanc, avant la fin de la campagne.

(b) Il perfuada au Duc de Bouquingant de paffer en France avec lui, pour rompre la Triple Alliance, malgré les efforts que les Miniftres d'Angleterre ci-deffus nom

Contez ces Faits tout uniment.

Gens comme vous n'auroient pas bonne grace A s'élever infolemment ;

Et ce n'eft pas toujours au fommet du Parnaffe
Que l'on chante avec agrément.

Que par un tour aifé chaque reeit s'explique
Suivez la Nature de près,

Et que pour chaque Vers la rime faite exprès,
Du miferable Profaïque,

Et du ftile trop Poëtique,

Evite l'un & l'autre excès.

N'adorez point les goûts de la vogue publique, Mais ne les condamnez jamais :

11 eft un lieu près du Marais,

Où depuis quelque temps le genre Marotique
Se renouvelle avec fuccès.
Empruntez les nouveaux attraits
Que l'on trouve à fon air antique:
De Ronfard ou de Rabelais
Inftruisez-vous dans la boutique;
Il ne faut que cinq ou fix traits
D'un langage obfcur & Gotique,
Pour divertir à peu de frais.

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Nous l'affurâmes que nous tâcherions de profiter de ce dernier avis; mais que

més, & la Comteffe de Shrenfbery, firent, pour l'en empêcher ledit Bouquingant étoit alors Favory de Charles II.

celui de ne pas tomber dans la verfification rampante, nous paroiffoit plus difficile à fuivre. Encore une fois, dit-il, faites de votre mieux, on aura quelque indulgence: pour des gens qui écrivent pour le Comte de Grammont en tout cas, vous n'êtes gueres connus que de lui, & felon les apparences, ce que vous allez faire ne donnera pas au Public une grande envie de vous connoître. Finiffons cette vifite, pourfuivit-il, & faites connoître à mon Héros, par les fouhaits que je vais faire, que je m'intereffe toujours pour lui;

Que de fes jours nombreux l'immüable Destin
D'un efprit éternel foûtienne encor les charmes ;
Qu'il dorme un peu plus le matin,

Qu'il renonce à jamais au tumulte des armes ;
Et que le Pere Seraphin,

Toujours fur de fauffes allarmes,
Le vienne exhorter à sa fin;

Et que ce foit toujours en vain.
Qu'abandonné du Medecin,

La Cour pour lui verfe des larmes.'

Par fes foins redoublez, que le Roi convaincu,
Qu'il ne vit plus que pour le fuivre,

Puiffe apprendre de lui l'heureux art de revivre,
Après avoir auffi long-temps vêcu,

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