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D'un idolâtre amas de jeunes Séducteurs, Sa fageffe jamais ne deviendra folie? D'abord tu la verras, ainfi que dans Clélie, Recevant fes Amans fous le doux nom d'Amis, 160 S'en tenir avec eux aux petits foins permis: Puis, bientôt en grande eau fur le fleuve de Tendre Naviger à fouhait, tout dire, & tout entendre. Et ne préfume pas que Vénus, ou Satan,

Souffre qu'elle en demeure aux termes du Roman. 165 Dans le crime il fuffit qu'une fois on débute.

Une chûte toûjours attire une autre chûte.

L'Honneur eft comme une Ifle efcarpée & fans bords; On n'y peut plus rentrer dès qu'on en eft dehors. Peut-être, avant deux ans ardente à te déplaire, 170 Éprife d'un Cadet, ivre d'un Moufquetaire,

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foins eft un des Villages repréfentés fur cette Carte: C'eft à quoi fait allufion le vers précédent.

dans mon cœur, qu'on ne peut Tendre fur Reconnoiffance. Petits,,jamais faire plus de progres. ,,Cependant, ajoûte Clélie, je ,,diftingue fi bien toutes ces fortes d'amitiés que je ne les confonds ,,point du tout."

VERS 161. Sur le fleuve de Tendre, &c.] Dans la premiere partie du Roman de Clélie, on a figuré la Carte du Pays de Tendre, dont le deffein eft allégorique, pour marquer les divers genres de Tendreffe. On peut avoir de la tendreffe par trois caufes différentes : L'Eftime, la Reconnoiffance & l'Inclination; c'eft pourquoi cette Carte repréfente trois Rivieres, qui portent ces trois noms, & fur lesquelles font fituées trois Villes nommées Tendre: favoir, Tendre fur Inclination, Tendre fur Eftime, &

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VERS 170. Éprise d'un Cadet, ivre d'un Moufquetaire.) Cadet, fignifie ici un jeune Homme, un jeune Militaire. En l'année 1682. le Roi établit en plufieurs Places de jeunes Gens, à qui l'on donna le fon Royaume, des Compagnies de nom de Cadets: ils étoient inftruits dans tous les exercices militaires ; & quand on les trouvoit capables de commander, on les mettoit dans les Troupes.

Moufquetaire. Les Moufquetaires du Roi, font deux Compagnies de gens à cheval, compofées de jeunes Gens de qualité, ou de bonne Maison.

Nous la verrons hanter les plus honteux brelans,
Donner chez la Cornu rendez-vous aux Galans;
De Phèdre dédaignant la pudeur enfantine,

Suivre à front découvert Z.... & Meffaline;

175 Compter pour grands exploits vingt Hommes ruinés, Bleffés, battus pour Elle, & quatre affaffinés; Trop heureux! fi toûjours Femme défordonnée, Sans mefure & fans regle au vice abandonnée, Par cent traits d'impudence aifés à ramaffer, 180 Elle t'acquiert au moins un droit pour la chaffer.

Mais que deviendras-tu? fi, folle en fon caprice, N'aimant que le fcandale & l'éclat dans le vice, Bien moins pour fon plaifir, que pour t'inquiéter, Au fond peu vicieufe, elle aime à coqueter? 185 Entre nous, verras-tu, d'un efprit bien tranquille, Chez ta Femme aborder & la Cour & la Ville? Hormis toi, tout chez toi, rencontre un doux accueil. L'un eft payé d'un mot, & l'autre d'un coup d'œil. Ce n'eft que pour toi feul qu'elle eft fiere & chagrine, 190 Aux autres elle est douce, agréable, badine:

VERS 172. Donner chez la Cornu &c.) Une infame, dont le nom étoit alors connu de tout le monde.

VERS 173. De Phèdre dédaignant la pudeur enfantine.] C'eft cette pudeur fi rare aujourd'hui, que nos Coquettes traitent d'enfantine. Le caractère de Phèdre a éte heureufement exprimé par Mr. Racine dans ces Vers:

Je ne fuis point de
femmes hardies,

Qui goûtant dans le crime une tranquille paix,

Ont fû fe faire un front qui ne rougit jamais.

PHEDRE, A&. III. Sc. 3.

IMIT. Ibid.

La pudeur enfantine.) C'est une traduction de ces l'Infans namque pudor d'Horace, Liv. I. Sat. Vl. v. 57.

C'eft pour eux qu'elle étale & l'or & le brocard;
Que chez toi se prodigue & le rouge, & le fard,
Et qu'une main favante, avec tant d'artifice,
Bâtit de fes cheveux le galant édifice.

195 Dans fa chambre, crois-moi, n'entre point tout le jour.
Si tu veux pofféder ta Lucrece à ton tour,
Attends, difcret Mari, que la Belle en cornette
Le foir ait étalé fon teint fur la toilette;

Et dans quatre mouchoirs, de fa beauté falis,
200 Envoie au Blanchiffeur fes rofes & fes lis.
Alors tu peux entrer: mais fage en sa présence,
Ne va pas murmurer de fa folle dépenfe.
D'abord, l'argent en main, paye & vite & comptant.
Mais non, fais mine un peu d'en être mécontent,
205 Pour la voir auffi-tôt, de douleur oppreffée,
Déplorer fa vertu fi mal recompensée.

Un Mari ne veut pas fournir à fes befoins!

Jamais Femme, après tout, a-t-elle coûté moins? A cinq cens Louis d'or, tout au plus, chaque année, 210 Sa dépense en habits n'eft-elle pas bornée?

VERS 174. Suivre à front découvert Z...& Meffaline.] Cette lettre initiale Z. n'eft mife ici que pour dépayfer les Lecteurs. Cependant malgré cette précaution, on ne laiffa pas dans les Provinces d'en faire l'application à deux ou trois femmes dont par malheur les noms com. mençoient par cette lettre. Mes faline, Femme de l'Empereur Claude, eft fameuse par fes débordemens.

VERS 175. Compter pour grands exploits &c.) Dans le vers précédent

notre Poëte a exprimé le caractère d'une femme qui n'eft fimplement que débauchée dans fes plaifirs. Ici il ajoûte à ce caractère, celui de ces femmes hardies & dangereufes, qui n'aiment leurs débauches que par l'éclat & le bruit qu'elles font: Telle étoit une autre Femme de la Cour, que Moliere a représentée dans fon Mifanthrope, fous le nom de Celimene.

CHANG. Vers 203. Pour la voir aussi-tót, de douleur oppreffée.) Avant

215

Que répondre? Je vois, qu'à de fi juftes cris,
Toi-même convaincu déja tu t'attendris,

Tout prêt à la laiffer, pourvû qu'elle s'appaife,
Dans ton coffre à pleins facs puifer tout à fon aise.'

A quoi bon en effet t'allarmer de fi peu?
Hé que feroit-ce donc, fi le Démon du jeu
Verfant dans fon efprit fa ruïneufe rage,

Tous les jours mis par elle à deux doigts du naufrage,
Tu voyois tous tes biens au fort abandonnés

220 Devenir le butin d'un Pique ou d'un Sonnés !
Le doux charme pour toi! de voir chaque journée,
De nobles Champions ta Femme environnée,
Sur une table longue & façonnée exprès,

D'un Tournois de Baffette ordonner les apprêts: 225 Ou, fi par un Arrêt la groffiere Police D'un jeu fi néceffaire interdit l'exercice, Ouvrir fur cette table un champ au Lansquenet, Ou promener trois dés chaffés de fon cornet: Puis fur une autre table, avec un air plus fombre, 230 S'en aller méditer une vole au jeu d'Hombre;

l'édition de 1713. on lifoit: Pour la voir auffi-tôt fur fes deux pieds hauffée.

CHANG. Vers 214. Dans ton coffre à pleins facs.) Il y avoit: En pleins facs; dans les éditions qui ont été faites avant celle de 1713.

VERS 216. Si le Démon du jeu, &c.) Le caractère de la Joueuse a été fait fur Mad.... Sa paffion pour le jeu étoit fi grande, qu'elle regardoit comme perdu tout le

temps qu'elle paffoit hors du jeu. Elle donnoit à jouer chez elle; & parmi les Joueurs qui y alloient, M. B.... étoit un des plus affidus. Elle avoit ordonné, que ceux qui s'émanciperoient en paroles, payeroient un écu chaque fois que cela leur arriveroit. M. B.. fe trouvant trop gêné par cette Loi, aima mieux, un jour qu'il étoit en colere, acheter la liberté de jurer tout à fon aife, par une groffe poignée d'écus qu'il jetta d'avance.

S'écrier fur un As mal à propos jetté;

Se plaindre d'un Gâño qu'on n'a point écouté;
Ou, querellant tout bas le Ciel qu'elle regarde,

A la Bête gémir d'un Roi venu fans garde.
235 Chez elle en ces emplois, l'Aube du lendemain
Souvent la trouve encor les cartes à la main.'
Alors, pour fe coucher, les quittant, non fans peine,
Elle plaint le malheur de la Nature humaine,

Qui veut qu'en un fommeil, où tout s'enfevelit,
240 Tant d'heures, fans jouer, fe confument au lit.
Toutefois en partant la Troupe la confole,
Et d'un prochain retour chacun donne parole.
C'eft ainfi qu'une femme en doux amusemens
Sait du temps qui s'envole employer les momers
245 C'est ainsi que fouvent par une Forcenée
Une trifte Famille à l'hôpital traînée,

Voit fes biens en décret fur tous les murs écrits,
De fa déroute illuftre effrayer tout Paris.

Mais que plutôt fon jeu mille fois te ruine; 250 Que fi la famélique & honteufe Lézine,

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