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mours, qu'il érigeroit en duché, & qu'il lui assigneroit douze mille livres de revenu en terre dans le Gâtinois & la Champagne. Il y eut, ajoute cet historien, de la difficulté touchant la ville de Cherbourg : le roi de Navarre disoit qu'elle n'étoit point comprise dans le comté d'Evreux : mais, pour tout appaiser, il eut certaine somme d'argent; & alors fut content qu'il demeurast au Roy, & en effet fut bien acheté.

a Le Moine de S. Denys s'est écarté de fon exactitude ordinaire en rapportant ces faits.

Selon cet historien, les places qui devoient être données en échange au roi de Navarre, lui ayant été remifes, & fes Services l'ayant rétabli à la cour, il fit d'autres demandes touchant ses anciens intérêts, en considération des dépenses qu'il avoit faites à la suite du Roi dans ses armées, & le Roi l'estima digne de la récompense qu'il lui en donna par le conseil de ses oncles & des grands du royaume. Il lui accorda, en perpétuel héritage, douze mille livres de rente, auxquelles il affecta le revenu de la châtellenie de Beaufort en Champagne, de Nemours & de plusieurs autres lieux dont je renvoye les noms à une note (1).

Par les lettres qui lui en furent expédiées, il étoit porté qu'il posséderoit toutes ces terres & châtellenies de la même manière & qualité que son père avoit de fon vivant possédé le comte d'Evreux; mais à condition de renoncer par lui & ses successeurs, à tout droit ou action quelconque qui leur pourroit compéter du chef de ses père ou mère, notamment aux comtés de Champagne & de Brie, d'Evreux, & autres lieux qu'il nomme & qui se trouveront dans une note (2).

(1) Les villes & châtellenie de Fimes, Nogent-l'Artaut, Lizencourt, Nogent, Pons-fur-Seine, Lyre, Orbec, Pont-fur-Yonne, Chisay, Bours, Flagy, Lones-en-Bofcage, Grez-en-Gâtinois, Nemours, Mez-le-Maréchal, les Granges, Dijon & Château-Landon.

(2) Beaumont-le-Roger, Mortaing, Mante, Meulan, Avranches, Ponteau-de-mer, Pacy, Nonancourt, Efy, Conches, Breteuil, Orbec, Caransan, Valognes, Nogent-le-Roi, Breval, Annet & Montchauvet,

Depuis ce traité fait & confirmé, ajoute cet historien, le roi de Navarre remit encore au Roi, pour certaine somme de deniers, le château & la châtellenie de Cherbourg; & le comte de Tancarville fut aussitôt dépêché en Cotantin pour en prendre possession au nom de Charles VI.

Ce qu'il y a d'inexact & de défectueux dans la narration de ces deux historiens, va être heureusement rectifié par les pièces originales dont je vais rendre compte.

Le 9 de juin 1404, le roi de France, & celui de Navarre, donnèrent, chacun en leur particulier, des lettres qui font relatives les unes aux autres. (1) Charles VI dit dans les siennes que, considérant que le roi de Navarre, de fon bon gré, a cedé à lui & à ses successeurs rois de France, tous les droits qu'il pouvoit avoir, tant de la succession de son père & de sa mère, qu'autrement, en la comté de Champagne, dans les seigneuries d'Evreux & d'Avranches, & dans plusieurs aures lieux nommés dans ces lettres (2), & dans les autres biens-meubles & immeubles provenans de ces fuccefsions, à l'exception de la ville & châtellenie de Cherbourg, qu'il a cedé par un acte particulier, ainsi qu'il paroît par les lettres qu'il a données à cet effet, il lui cede & transporte, pour lui & pour ses successeurs, 12000 liv. de revenu en terres, qui lui feront assises, baillées & délivrées dans les château & châtellenie de Beaufort en Champagne, Nemours & autres lieux qui font nommés, & dont je renvoye le détail à une note (3),

(1) Ces lettres sont au fol. 181, vo du rég. du parlement, cotté A, & dans le rég. 158 du tréf. des ch. p. 411. Elles ont été imprimées d'après le manuscrit de Brienne, cotté 236, p. 22, à la p. 248 du 3o vol. de l'hist. généal. de la mais. de Fr. Cette édition est très-défectueuse. La plupart des noms y font défigurés, & on y a même passé deux lignes ou environ, qui concernent le comté d'Evreux & la ville d'Avranches.

(2) Evreux, Avranches, Ponteau-de-mer, Pacy, Nonancourt, Esy, Beaumont-le-Rogier, Conches, Bretuel, Orbec, Carantan, Vallongnes, Mor taing, Gauvray, Nogent-le-Roy, Anet, Breval, Montchauvet, Mante & Meulan.

(3) Les châtel & châtellenie de Beaufort en Champagne, la ville de Solai* Ibid. pièces 20

pour les tenir, par lui & ses successeurs, sous telles & semblables conditions que ses prédécesseurs avoient tenu le comté d'Evreux, sous la condition néanmoins que,si ces terres cédées au roi de Navarre ne rapportent pas 12000 liv. de rente, ce qui en manquera sera afsis & assigné sur d'autres terres voisines de celles-ci, & que fi au contraire ces terres cédées valent plus de 12000 liv. de rente le Roi reprendra cet excédent. Charles VI érige ensuite toutes les terres qu'il céde au roi de Navarre, en duché - pairie sous le titre de duché de Nemours, pour en jouir par ce prince & ses successeurs avec les mêmes prérogatives & honneurs que les prédécesseurs de ce prince ont joui du comté d'Evreux.

Le même jour, 9 de juin, le roi de Navarre donna des (1) lettres datées de Paris, qui contiennent les mêmes clauses qui se lifent dans celles de Charles VI, & par lesquelles il renonça, pour lui & pour ses successeurs, à toutes les terres, droits & actions par rapport auxquels il auroit pu former des demandes contre ce prince.

Le 12 de juin suivant, le Roi adressa des a lettres à Gosselin du Bos, bailli de Sens & d'Auxerre, par lefquelles il lui ordonna de mettre en possession le roi de Navarre des terres qu'il lui avoit cédées, & des revenus de Provins, desquels je parlerai plus bas. En conféquen. ce de ces lettres, depuis le 7 de juillet jusqu'au 22, du Bos en mit les commissaires du roi de Navarre en posseffion par le bail & tradition d'une verge ou baston qu'il leur donna, & que ceux-ci reçurent très-agréablement.

* Ibid. pièces 11

Le roi de Navarre reconnut, a par ses lettres du 24 de juillet suivant, que Charles VI lui avoit payé les & 23. 100000 liv. qu'il lui avoit promises, & qu'il l'avoit fait mettre en possession des terres qu'il lui avoit cédées, & des revenus de Provins.

Le traité particulier concernant Cherbourg, fut aufssi passé le 9 de juin 1404; & ce jour-là le roi de Navarre donna des b lettres qui portent que, reconnoissant que les & Ibid. pièce 17. grands biens & honneurs que lui a fait le roi de France l'obligent à lui complaire en toutes choses esquelles il sçait qu'il peut & doit prendre plaisir, & que fentant qu'il prendroit grant plaisir qu'il lui cédât la ville & châtellenie de Cherbourg en Normandie, fans aucune force, contrainte ou circonvention, mais de fa propre, pure & Simple volonté, & bien acertené de fon droit, il céde, à lui & à ses successeurs, la ville & châtellenie de Cherbourg pour le prix de deux cens mille livres tournois, de laquelle somme il lui a fait donner la moitié réalment en comptant, & que, pour la fûreté & gage de l'autre moitié, le Roi lui a cédé, jusqu'à parfait payement, tous les revenus qu'il a dans la ville de Provins, sous la condition que la justice continuera d'y être rendue par fes officiers, & que le château sera gardé par ses gens.

Le même jour, Charles VI donna des lettres qui Ibid. pièce 19. contiennent les mêmes choses qui se trouvent dans celles du roi de Navarre: elles portent de plus que le Roi ordonne à fes oncles & frères les ducs de Berry, d'Orléans & de Bourbon, de jurer au roi de Navarre que le traité conclu avec lui, touchant Cherbourg, sera fidélement exécuté, & que ces princes le lui ont juré..

Le même jour, 9 de juin, le roi de Navarre donna des d' lettres dont il résulte que tous les actes concernant & Ibid. pièce 18. cette affaire, ne se sont pas conservés: car il y eft fait mention de certaines conventions faites entre les deux Rois, desquelles il n'est point parlé dans les pièces dont j'ai rendu compte. Voici le précis de ces lettres du roi de Navarre.

Il a été convenu par des lettres que le dernier de juin au plus tard, le roi de France payera au roi de Navarre 100000 liv. pour la moitié du prix de la ville de Cherbourg, que dans la huitaine suivante le roi de Navarre sera mis en poffefssion des terres que celui de France lui a cédées & des revenus de Provins, & que de son côté le roi de Navarre évacuera à ses dépens la ville de Cherbourg le 27 de juillet suivant, si'il a été payé de cette somme de 100000 liv. & mis en possession des terres qui lui ont été cédées. Le roi de Navarre promet ensuite d'exécuter ses conventions ; & à faute de le faire, il consent que tous les traités qu'il a faits avec le roi de France, demeurent nuls & de nul effet, que ce prince puisse rentrer dans la possession des terres qu'il lui a cédées, & puisse l'obliger à rendre les 100000 liv. qu'il

aura reçues.

Charles VI ayant fidèlement exécuté tout ce qu'il avoit promis au roi de Navarre, ce prince le mit, sans doute, en poffeffion de Cherbourg au terme qui avoit été fixé: mais je n'en ai point trouvé de preuves.

Les traités dont je viens de rendre compte avoient été faits uniquement avec le roi de Navarre, sans qu'il y eût été fait mention de Pierre son frère puîné, qui cependant avoit des droits dans les biens de fa maison: mais Pierre de Navarre ayant donné fon consentement à tous ceux que son frère avoit faits, on pourvut à ses in• Ibid. pièce 24. térêts, & Charles VI, par ses a lettres du 18 de juin 1404, permit au roi de Navarre de transporter à Pierre de Navarre, pour en jouir, soit du vivant de son frère, soit après sa mort, à la volonté de celui-ci, des terres rapportant 3000 liv. de rente à prendre dans celles qui venoient de lui être cédées, lesquelles terres Pierre de Navarre tiendra en même qualité, condition, nature & manière que le roi de Navarre tiendra le surplus de ces terres ; à condition que, si Pierre de Navarre meurt fans enfans, ou que fa postérité défaille, ces terres revien