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LES KHARIZMIENS. Livre XIV:

277

L'an 1219

dix coffres qui étoient remplis de perles d'un prix ineftimable & d'autres richeffes. Les Mogols qui le fuivoient tou- Apr. J. C. jours, l'obligerent de fe retirer dans le Mazanderan, où ne Moham le croyant pas en sûreté, il fe jetta dans une barque qui med. étoit fur la mer Cafpienne. Les Mogols étoient déja fur le bord de cette mer & lui lançoient des fleches, mais il eut le bonheur d'échapper & de gagner une Ifle nommée Abefgoun. Il s'y trouva accablé de maladie, denué de tout fecours, & ne fubfiftant que de quelques provisions que des habitans du Mazanderan avoient foin de lui porter. Pour foulager fon ennui il demanda un cheval pour le faire paître auprès de fa tente. C'eft à quoi fe borna toute la confolation que ce Prince, auparavant fi puissant, put avoir dans les derniers jours de fa vie.

Il étoit dans cette trifte fituation quand il fut inftruit de la prife de fa mere, de fes femmes, de fes enfans & de tous fes tréfors. Les Mogols s'étoient approchés de Carender où étoit la Sulthane fa femme, & fon fils Gaiatheddin. ils y firent prifonniere De-là ils marcherent vers Ilan, Tarkhan khatoun; toute la Perfe fe trouva alors expofée à la fureur des Mogols (a).

nah.

Le Sulthan Mohammed ne put réfifler à toutes ces ad- L'an 12204 verfités, & mourut de chagrin dans l'Ifle d'Abefgoun (b), Benfchouqui n'eft éloignée d'Efterabad que de trois parafangues. Il laiffoit quatre enfans, auxquels de fon vivant il avoit partagé fes Etats qui s'étendoient depuis l'Eraque jufqu'au Turkeftan. Il poffédoit Ghazna, le Sedgeftan, le Kerman, le Thabareftan, le Dgiordgian, le Khorafan & le Phars; il donna à fon fils aîné Dgelaleddin Mankberni les pays de Ghazna, de Bamian, de Ghour, de Boft, de Takanabad, de Zamizdaoud, & les autres lieux des Indes. Le Kharizme, le Khorafan, le Mazanderan furent le partage de Cothbeddin Azlagh fchah, que Mohammed avoit d'abord nommé pour fon fucceffeur, & qu'il dépofa enfuite pour mettre à fa place Dgelaleddin. Gaïatheddin Tizfchah eut pour

(a) On verra ces détails dans l'Hiftoire de Genghiskhan.

(b) L'an 615 de l'Hegire..

M m iij.

lui le Kerman, Kisch & le Mekran. L'Eraque tomba à RocApr. J. C. neddin Gour schah.

L'an 1220.
Moham-

nah.

Chacun de ces Princes faifoit battre cinq fois du tammed. bour aux tems de la priere, fuivant la coutume des SelAboulfedha Ni joucides; mais leur pere, pour se diftinguer davantage, ne le Nifawi. Benfchou- faifoit battre qu'une fois au lever & au coucher du Soleil avec vingt-fept tambours d'or; c'étoit autant de Rois, ou fils de Rois qui avoient cette commiffion, & ils fe fervoient de baguettes garnies de perles. Parmi ces Princes étoient Thogrul arflan, de la famille des Seljoucides, les enfans de Gaïatheddin Roi de Ghour, Alaeddin Roi de Bamian Tadgeddin, Roi de Balkh, fon fils Malek el Adhem Roi de Termed, Malek Sandgiar Roi de Bokhara, & plufieurs autres. Les plus grands Officiers de la Cour de cet ambitieux Sulthan n'étoient que des Rois. Telle fut la vie d'un Prince qui alla mourir dans une Ifle déferte où il manquoit de tout, & où il fut obligé de fe fervir lui-même, & qui ne laiffa pas de quoi se faire enfevelir. Après fa mort on fut obligé de l'envelopper dans une chemife, la seule qu'il eut alors. Au refte, il ne manqua pas de courage ni de patience dans de fi grands revers de fortune. Il fut un grand guerrier, un Prince infatigable, fçavant même ; le maffacre des Marchands fait à Otrar, & la mort de fon neveu Hindoukhan, l'inimitié perpétuelle qui fubfifta entre lui & fon frere, fuites d'une ambition déméfurée & d'un Aboulfedha trop grand amour des richeffes ont terni fa mémoire.

Dgelaleddin.

Dgelaleddin (a) Mankberni ou Manbekberni, monta alors fur le Trône pour éprouver de plus grands malheurs que ceux qui étoient arrivés à fon pere, & voir en fa perfonne le dernier Roi de fa famille. Les Mogols n'ayant pû se L'an 1221. faifir du Sulthan Mohammed, se répandirent dans le MazanAboulfedha deran & dans les Provinces voifines, prirent Rei, HamaAboulfa dan, Maraga (b), & pourfuivirent le nouveau Sulthan qui fe 'Herbelot. retiroit vers Ghazna, où il arriva heureusement après quel ques pertes légères. Il fut joint par Seifeddin Aghrac,

radge.

y

(a) Sanut le nomme Laladyn, Chef (b) L'an 618 de l'Hegire. des Chorazmins.

Apr. J. C.

din.

qui lui amenoit quarante mille hommes de cavalerie, & par Yemin el Moulk Emir d'Herat, qui avoit auffi un corps L'an 1221. de troupes fort confidérable. Genghizkhaf de fon côté palla Dgelaledle Gihon & marcha vers Balkh. Les principaux de la ville voulant prévenir les fuites d'un fiége, allerent au-devant de lui avec des préfens confidérables & des vivres pour fon armée; mais ils furent mal reçus du Khan qui avoit appris que le Sulthan Dgelaleddin faifoit dans les environs de cette ville des préparatifs de guerre, & qu'il fe difpofoit à venir le combattre. Genghizkan ordonna que tous les habitans fortiffent de la ville pour en faire l'énumération, & lorfqu'ils furent tous dans la plaine, il fit faire main-baffe fur eux; ainfi périrent les malheureux habitans de Balkh. Un grand nombre de ceux de Talecan éprouverent enfuite le même fort, d'autres furent réduits dans l'efclavage. De-là, Genghizkhan tourna vers Bamian & en fit le fiége, les habitans oferent lui réfifter. Dans un des affauts, un des fils de Zagatay que Genghizkhan chériffoit plus que tous les autres, fut atteint d'une fléche. La mort de ce jeune Prince irrita tous les Mogols, ils redoublerent leurs efforts & prirent la ville. Perfonne ne fut épargné, ils maffacrerent jufqu'aux femmes enceintes, les animaux même éprouverent leur fureur, & la ville ne fut plus qu'un défert, auquel on a donné dans la fuite le nom de Maoubaligh, ou ville de trifteffe. Genghizkhan s'avançoit toujours du côté des Indes, Aboulfedha & s'efforçoit de joindre le Sulthan de Kharizme. Dgelaleddin étoit à Ghazna, où la plus grande partie des armées de fon pere s'étoit retirée. Il avoit alors environ foixantedix mille hommes. Les Mogols qui étoient à fa poursuite n'en avoient pas plus de douze mille. Mais enflés de leurs dernieres victoires, malgré leur petit nombre, ils en vinrent aux mains avec les Kharizmiens, ils furent bientôt défaits & mis en fuite. Genghizkhan envoya une feconde armée plus nombreuse commandée par un de fes fils. Il fe donna une bataille proche de Kaboul, où les Mogols furent encore battus. Les Kharizmiens en firent un grand mafiacre, & pillerent tous les bagages.

Il y avoit alors dans l'armée du Sulthan Dgelaleddin deux

grands Emirs ou Commandans; l'un nommé Seifeddin Apr. J. C. Aghrac, qui avoit été cause du gain de la bataille; l'autre Dgelaled appellé Yemin el Moulk (a), Gouverneur d'Herat, & de la

L'an 1221.

din.

Nijawi.

radge.

famille du Sulthan. Il s'éleva entre ces deux Officiers une difpute dans laquelle le frere d'Aghrac fut tué. Celui-ci en porta fes plaintes au Sulthan, qui trop occupé de l'approche des Mogols ne s'empreffa pas de fatisfaire l'Officier. Yemin el Moulk irrité, quitta auffi tôt Dgelaleddin, & paffa dans l'Inde fuivi de trente mille hommes. Le Sulthan de Kharizme fit d'inutiles efforts pour le ramener à fon devoir. Par cette retraite l'armée des Kharizmiens fe trouva confidérablement affoiblie. Genghizkhan pour profiter de ce malheur s'avança en perfonne à la tête de fes armées. DgeAboulfedha laleddin fe retira vers l'Indus. Ce grand fleuve paroiffoit Aboulfa- une barriere que l'on ne pouvoit franchir. Dgelaleddin s'arrêta fur le rivage, où Genghizkhan le joignit, & on en vint aux mains. Les Kharizmiens fe trouvoient environnés de tous côtés par les Mogols, & avoient derriere eux l'Indus, qui ne leur permettoit pas de fe fauver. Le combat commença & fut des plus opiniâtres. Genghizkhan avoit ordonné qu'on prît vif le Sulthan. Dgelaleddin fe défendoit avec un courage intrépide. Les plus braves Mogols tomboient fous fes coups, il renversoit tous les rangs, & la fortune paroiffoit fe décider en fa faveur. On fe battit jufqu'au foir, l'ordre de Genghiz khan donnoit bien de la peine aux Mogols qui s'efforçoient de prendre le Sulthan. Le fils de ce Prince âgé alors de fept à huit ans, tomba entre leurs mains, & Genghizkhan le fit maffacrer en fa préfence. Les Mogols ferroient de plus en plus Dgelaleddin. Il ne lui reftoit plus d'autre parti à prendre que de périr les armes à la main, ou de fe jetter dans l'Indus. Pouffé jufqu'à l'extrémité du rivage, il apperçut fa mere, fa femme & le refte de fon férail, qui le prioient au nom de Dieu de les tuer ou de les délivrer de la captivité, il les embraffa toutes les larmes aux yeux, & les fit jetter dans le fleuve. Accablé de trifteffe il dit adieu à tous fes amis, ôta fa cuiraffe, remonta à cheval, & avec une

(b) On le nomme encore Moulk khan,

intrépidité

L'an 1221.

din.

intrépidité fans exemple fe jetta dans l'Indus. Quatre mille de fes foldats s'y précipiterent avec lui. Au milieu même du Apr. J. C. fleuve, il ne ceffoit de lancer encore des fléches contre les DgelaledMogols. Genghizkhan & fes foldats refterent étonnés fur le rivage. Ce Prince ne put s'empêcher de dire en fe tournant du côté de fes enfans. « Dgelaleddin eft un fils digne de Mohammed fon pere, puifqu'il échappe de ce danger, » il a dû s'étre trouvé à bien d'autres.» Quelques Mogols voulurent le poursuivre dans l'eau, mais Genghizkhan les en empê cha. Il ordonna qu'on raffemblât le refte de la famille du Sulthan, fit tuer tous les mâles, & réferva les femmes & les filles. Il s'occupa enfuite du foin de faire retirer du fleuve tous les tréfors que Dgelaleddin y avoit fait jetter.

Pendant ce tems-là, le Sulthan de Kharizme s'efforçoit de gagner l'autre bord du fleuve, fes troupes y étoient déja parvenues; pour lui, il fut porté par les flots avec trois de fes gens dans un lieu éloigné, & on le chercha pendant trois jours. Après qu'il eût rejoint fon monde, il recommença la guerre dans ces quartiers, battit les Indiens en plufieurs rencontres, & lorfqu'il eût appris que les Mogols avoient repaffé le Gihon, il vint à Lahor dans le deffein d'aller foumettre l'Eraque. Il laiffa dans fes nouvelles conquêtes deux Officiers, Pehlevan Uzbek & Haffan Carrac, furnommé Ouapha Moulk. Ce dernier dans la fuite chaffa Uzbek, & s'empara de tout ce qu'il avoit aux Indes (a).

La défaite de Dgelaleddin (b) s'étoit répandue dans tous L'an 1223. fes Etats, fon frere Gaïatheddin Tizfchah qui régnoit dans Aboulfedha le Kerman, crut pouvoir en tirer quelque avantage pour fon aggrandiffement, il s'empara des villes de Rey, d'ifpahan, d'Hamadan, & des autres lieux de l'Eraque Perfique, il battit fon oncle Baghan Thabefi qui s'étoit révolté contre lui. L'année suivante (c) il s'empara du Royaume de Fars qui L'an 1214. appartenoit à l'Atabek Saad ben Dakla, & prit poffeffion de Schiras. Saad, qui ne poffédoit plus que quelques châteaux, fit la paix avec Tizfchah, qui lui céda une partie du Fars.

Mais tout changea bientôt de face, Dgelaleddin revint L'an 1225.

(a) L'an 627 de l'Hegire, de J. C.

1229.

Tom. II. Part. II

(b) L'an 620 de l'Hegire.
(c) L'an 621 de l'Hegire.

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