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Je confens de bon cœur, pour punir ma folie,

1

Que tous les vins pour moi deviennent vins de Brie, 235 Qu'à Paris le gibier manque tous les hivers,

Et qu'à peine au mois d'Août l'on mange des pois verds.

CHANG. Vers 233. Je confens le dans la Province de Brie font de bon cœur.) Il y avoit, d'un bon fi mauvais, qu'ils ont paffé en cœur, dans les éditions de 1674. proverbe. Aussi a-t-on dit en & de 1675. mais c'étoit une faute. chanfon : L'Auteur a toûjours mis, de bon caur, dans les autres éditions.

VERS 234. Deviennent vins de
Brie) Les vins que l'on recueil-

Tout vin eft vin de Brie,

Quand on boit avec un Fat.

SATIRE IV.

A M. L'ABBÉ LE VAYER.

61

D'où vient, cher LE VAYER, que l'Homme le moins fage

Croit toûjours feul avoir la Sageffe en partage:
Et qu'il n'eft point de Fou, qui par belles raisons
Ne loge fon voifin aux Petites - Maisons?

5 Un Pédant enivré de fa vaine fcience,
Tout hériffé de Grec, tout bouffi d'arrogance,

La Satire IV. a été faite en l'année tire. Moliere avoit réfolu de faire 1664. immédiatement après la une Comédie fur le même fujet. II feconde Satire, & avant le Difcours trouvoit que Desmarêts n'avoit pas au Roi. bien rempli ce deffein dans la Ĉomédie des Vifionnaires.

Mr. l'Abbé LE VAYER, à qui elle eft adreffée, étoit fils unique de LA MOTHE LE VAYER, Confeiller d'État, Précepteur de Mo NSIEUR, PHILIPPE de France, Frere unique du Roi. En 1656. l'Abbé le Vayer publia une Traduction Françoife de Florus, qu'il dit avoir été faite par ce jeune Prince, & il accompagna cette Verfion d'un Commentaire favant & curieux. On croit qu'il a auffi compofé le Roman de Tarfis & Zélie qui eft fort bien écrit.

Cet Abbé avoit un attachement fingulier pour Moliere, dont il étoit le Partifan & l'admirateur. Il mourut âgé d'environ 35. ans, au mois de Septembre 1664. peu de temps après que cette Satire eut été compofée. Mr. Despreaux en conçut l'idée dans une converfation qu'il eut avec l'Abbé le Vayer & Moliere, dans laquelle on prouva par divers exemples que tous les hommes font fous, & que chacun croit néanmoins être fage tout feul. Cette propofition fait le fujet de cette Sa

VERS 4.- Aux Petites-Maifons.] Hôpital de Paris, où l'on enferme les Fous dans de petites chambres. Autrefois on l'appelloit l'Hôpital de Saint-Germaindes-Prez, parce qu'il dépendoit de l'Abbaye de St. Germain; & c'étoit une Maladrerie destinée à retirer les Ladres qui y alloient coucher. Mais en 1544. cet Hôpital n'ayant point de revenus, la Cour de Parlement le fit démolir, & le Cardinal de Tournon, Abbé de SaintGermain, en vendit la place en 1557. aux Echevins de Paris, qui y firent bâtir l'Hopital des PetitesMaisons.

VERS 5. Un Pédant enivré.] L'Auteur fait ici les caractères d'un Pédant, d'un Galant, d'un faux Dévot, & d'un Libertin. Ce font des caractères généraux, qui n'ont point d'objet particulier. Pradon a voulu infinuer que le portrait du Pédant étoit fait fur Mr. Charpentier de l'Académie Françoise; mais fa conjecture eft fans fondement.

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Et qui de mille Auteurs retenus mot pour mot,
Dans fa tête entaffés, n'a fouvent fait qu'un Sot,
Croit qu'un Livre fait tout, & que fans Ariftote
10 La Raifon ne voit goute, & le bon Sens radote. :

D'autre part un Galant, de qui tout le métier
Eft de courir le jour de quartier en quartier,
Et d'aller à l'abri d'une perruque blonde,

De fes froides douceurs fatiguer tout le monde,
15 Condamne la Science, & blâmant tout Écrit,

Croit qu'en lui l'Ignorance eft un titre d'efprit:
Que c'eft des gens de Cour le plus beau privilege,
Et renvoie un Savant dans le fond d'un College.

Un Bigot orgueilleux, qui dans fa vanité

20 Croit duper jufqu'à Dieu par fon zele affecté, Couvrant tous fes défauts d'une fainte apparence, Damne tous les Humains, de fa pleine puiffance.

PRADON Préf. des nouvelles
Rem. fur les Ouvrages de Mr. Des-
preaux.

VERS IO. La Raifon ne voit
goute &c.) L'Auteur auroit pu met-
tre: La Raifon eft aveugle; & ce
changement ne lui déplaisoit pas.

Pierre à la fin de 1664. peu de temps après que cette Satire eur été faite.

IMITATION. Vers 31. l compteroit plutôt, &c.] Ces deux vers font imités de Juvénal, Sat. X. vers 220.

Promptius expediam, quot amaverit
Hippia machos,

Quot Themifon agros autumno occi

derit uno.

VERS 22. Damne tous les Humains, de fa pleine puissance.) Moliere a imité cette penfée, dans fon Feftin de Pierre, A&te V. Scène 2. où il fait dire à Don Juan: Je faurai déchainer contre mes ennemis, des zélés indifcrets, qui, fans connoiffance de caufe, crieront contre eux, qui les ne. Dans le temps que cette Saaccableront d'injures, & les damneront hautement de leur autorité privée. Moliere compofa le Feftin de

VERS 32. Guenaud & l'antimoi

tire fut compofée, la difpute des Médecins au fujet de l'antimoine étoit dans fa plus vive chaleur.

Un Libertin d'ailleurs, qui, fans ame & fans foi, Se fait de fon plaifir une fuprême loi,

25 Tient que ces vieux propos, de Démons & de flammes, Sont bons pour étonner des enfans & des femmes; Que c'eft s'embarraffer de foucis fuperflus,

Et qu'enfin tout Dévot a le cerveau perclus.

En un mot, qui voudroit épuifer ces matieres,
30 Peignant de tant d'efprits les diverfes manieres,
Il compteroit plutôt, combien, dans un Printemps,
Guenaud & l'antimoine ont fait mourir de gens;
Et combien la Neveu devant fon mariage,
A de fois au public vendu fon P***.

35 Mais, fans errer en vain dans ces vagues propos,
Et pour rimer ici ma pensée en deux mots;
N'en déplaise à ces Fous nommés Sages de Grece ;
En ce monde il n'eft point de parfaite Sageffe;

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morte avant la compofition de cette Satire.

Ibid. Devant fon mariage.] De vant & Avant, font deux Prépofitions, que l'on employoit autre fois indifféremment: mais l'ufage en a déterminé plus particulierement le fens: Devant, fert à marquer le lieu: & Avant, défigne le temps. Ainfi il auroit été plus regulier de mettre ici: Avant fon mariage; & l'Auteur l'auroit fait, fi le mot précédent n'avoit pas fini par une voyelle. Il pouvoit aifément mettre quelque autre nom, que celui de la Neveu, fans rompre la mesure du Vers: & ce n'eft pas la difette des noms, qui l'a empêché de faire ce changement.

Tous les hommes font fous: & malgré tous leurs foins, 40 Ne différent entre eux que du plus ou du moins. Comme on voit qu'en un bois, que cent routes féparent, Les voyageurs fans guide affez souvent s'égarent; L'un à droit, l'autre à gauche, & courant vainement, La même erreur les fait errer diversement :

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45 Chacun fuit dans le monde une route incertaine,
Selon que fon erreur le joue & le promene,
Et Tel y fait l'habile & nous traite de fous,
Qui fous le nom de fage eft le plus fou de tous;
Mais quoi que fur ce point la Satire publie,

so Chacun veut en fageffe ériger fa folie,

Et fe laiffant regler à fon efprit tortu,

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Souvent chacun s'égare en fes routes
diverfes, &c.

IMIT. Ibid. Comme on voit qu'en un bois &c.) Horace, L. II. Sat. III. v. 48.

Velut Sylvis, ubi paffim

Palantes error certo de tramite pellit.
Ille finiftrorfum, hic dextrorfum abit:
unus utrique

Error, fed variis illudit partibus.

IMIT. Vers 60. Un Avare idolátre.) Les fix vers qui expriment ici le caractère de l'Avare, font imités d'Horace, Lib. II. Sat. III. v. IOS.

De

quid discrepat iftis,

Qui nummos aurumque recondit, nefcius uti Compofitis, metuensque velut contingere facrum?

Nimirum infanus paucis videatur.
CHANG. Vers 61. Rencontrant

la difette au sein de l'Abondance,]
Dans les premieres éditions il y
avoit ainfi:

Au milieu de fes biens rencontṛant l'indigence.

VERS 64. A groffir un tréfor qui ne lui fert de rien.] Après ce vers il y en avoit treize autres, que l'Auteur a retranchés dans les dernieres éditions:

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