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TRADUCTION

DES SATIRES

DE

JUVENAL

P

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Caufas exponit cur Satiras aggrediatur fcribere. Primam hanc affert, quod velit parem gratiam referre ineptis vatibus, quorum audire carmina quotidie cogitur, cùm aquè commodè ac illi poffit fcribere. Secundam petit à vitiis Romana urbis, qua diffimulare jam, & animo aquo ferre nequit. Ea congerit in acervum, & enumerat obiter, nempe nimias hominum viliffimorum opes & potentiam, delatorum improbitatem, judiciorum corruptelas, veneficia, adulteria, ludendi cachoëtes, epularum fumptus, divitum in clientes acerbitatem & parcimoniam, c. Ad extremum fe candidè ac fimpliciter fcripturum profitetur, nullius adductum odio, nullius metu deterritum : daturum Se tamen operam ut vivos ac fuperftites non infectetur.

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EMPER ego auditor tantùm ? nunquamne reponam,

SEMP

Vexatus toties rauci Thefeide Codri ?

Impunè ergo mihi recitaverit ille togatas,
Hic elegos? impunè diem confumpferit ingens
5 Telephus? aut fummi plenâ jam margine libri
Scriptus & in tergo, nec dum finitus Oreftes?
Nota magis nulli domus eft fua, quàm mihi lucus
Martis, & Æoliis vicinum rupibus antrum
Vulcani. Quid agant venti ; quas torqueat umbras

SATIRES

g

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***** ******

SATIRES DE JUVENAL.

PREMIERE SATIRE.

Juvenal expofe ici ce qui la engagé à compofer des Satires. Le plaifir de fe venger de la ridiculité de quelques Poëtes qui le fatiguent tous les jours par l'importun récit de leurs Poemes, comme s'ils étoient les feuls capables d'écrire en ce genre, lui fert de premiere raison. Les défordres qui régnent dans Rome, contre lesquels il ne peut plus s'empêcher de s'élever, lui fournissent la feconde. Les richesses exceffives des hommes de néant, devenus puissans par leurs intrigues; la fourberie des Délateurs de profeffion; les artifices dont ils fe fervent pour faire rendre des jugemens iniques; les empoisonnemens; les adulteres; l'indigne profufion des Joueurs; l'extrême fomptuofité des repas; la dureté des riches envers leurs clients, c. Tous ces défordres fe préfentent en foule à fon imagination, aucun d'eux en particulier ne doit échaper à fa cenfure. Enfin il promet d'écrire fincérement & librement: cependant de faire en forte que fa cenfure ne tombe jamais fur des perfonnes vivantes.

Ne rompues

E ferai-je jamais qu'écouter? Ne m'écoutera-t-on

de l'enroué Codrus. Quoi ! l'un me viendra lire avec emphafe fes Comédies? l'autre fes Elégies, & je ne leur lirai rien ? Le Télèphe & l'Orefte, ces piéces d'une longueur affreuse, m'auront fait perdre des jours entiers à les entendre, & je ne m'en vengerai pas? Ha, je fuis fûr que perfonne ne connoît mieux fa maison, que je connois tous les détours du Bois confacré au Dieu Mars, & la fameuse caverne de Vulcain, fituée près les rochers d'Eolie. Les jardins de Fronton retentiffent continuellement des éclats de voix de nos Poëtes; & les colomnes de marbre qui foûtiennent fes beaux portiques, en font prefque ébranlées. L'un nous vient lire tout ce que font les vents; l'autre,

G

10 Æacus; unde alius furtive devehat aurum
Pelliculæ : quantas jaculetur Monychus ornos;
Frontonis platani, convulsáque marmora clamant
Semper, & affiduo ruptæ lectore columnæ.
Expectes eadem à fummo, minimóque poëta.“

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Et nos ergo manum ferulæ fubduximus : & nos Confilium dedimus Syllæ, privatus ut altum Dormiret. Stulta eft clementia, cùm tot ubique Vatibus occurras, perituræ parcere charthæ.

Cur tamen hoc libeat potius decurrere campo, 20 Per quem magnus equos Aruncæ flexit alumnus:

Si vacat, & placidi rationem admittitis, edam.
Patricios omnes opibus cùm provocet unus,
Quo tondente gravis juvenis mihi barba fonabat.
Cùm pars Niliacæ plebis, cum verna Canopi
25 Crifpinus, Tyrias humero revocante lacernas
Ventilet æftivum digitis fudantibus aurum,
Nec fufferre queat majoris pondera gemmæ:
Difficile eft fatiram non fcribere. Nam quis iniquæ
Tam patiens urbis, tam ferreus, ut teneat se?
30 Caufidici nova cùm veniat lectica Mathonis
Plena ipfo : & poft hunc magni delator amici,
Et citò rapturus de nobilitate comefa

Quod fupereft: quem Maffa timet; quem munere palpat
Carus ; & à trepido Thymele fummiffa Latino.

Quid referam, quantâ ficcum jecur ardeat irâ,

la

quelles ombres Eaque met à la torture; celui-là, le païs d'où Jâfon fçut enlever la Toifon d'or ; celui-ci, longueur prodigieufe des javelots que lançoient les Centaures: Et tous tant qu'ils font, bons & méchans Poëne nous étourdiffent d'autres chofes, il faut s'y atten

tes,

dre.

N'y a-t-il pas affez long-temps que nous ne fommes plus fous la férule? Nous avons autrefois confeillé à Sylla en ftile oratoire, de vivre en homme privé, & de dormir à fon aife: Pourquoi épargner du papier, qui ne feroit pas mieux employé par d'autres ?

Avez-vous un moment de loifir? Ecoutez moi. Voici les raifons qui m'engagent à courir une carriére où le grand Lucilius eft entré le premier. Quand on voit un fimple Barbier, qui m'a fait le poil dans ma jeuneffe, le difputer en biens avec tous nos Praticiens: quand on voit un Crifpin, cet Egyptien, ce vil esclave de Canope, rejetter avec fierté fon manteau de pourpre fur l'épaulé, & faire briller à fes doigts tous dégoûtans de fueur, des bagues faites exprès pour l'Eté; (car il eft trop délicat, pour en porter en cette faifon de plus pefantes) franchement, il eft difficile de ne pas faire une fatire. Eh qui pourroit fouffrir fans émotion les deréglemens d'une ville fi corrompuë? Qui pourroit être infenfible, ou affez maître de lui-même pour fe retenir? Quoi? je verrai ce gros Mathon, cet Avocat qui alloit à pied il n'y a que deux jours, je le verrai, dis-je, à préfent, porté dans fa magnifique litiére, qui ne peut tenir que lui feul, toute large qu'elle eft? Je verrai venir enfuite un Régulus, ce déteftable délateur, qui après avoir ruiné fon meilleur ami, va bientôt enlever à une nobleffe qu'il a abîmée, le peu qui lui eft échappé du naufrage. Je verrai, dis-je, fans ofer parler, ce fcélérat que Maffa même redoute; que Cârus gagne à force de préfens, & à qui Latinus effraïé & tremblant, envoye fa femme Timèle le conjurer de ne le perdre pas.

Mais à quel excès de colere ne fe laiffe-t-on pas trans

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