LE JEU

DE

PIQUET.

AVANT PROPO S.

EUX qui fçavent le Jeu de Piquet, conviennent que c'est un des plus beaux jeux qui fe jouë aux Cartes, & dont l'on ne s'est jamais laffé, comme de la plupart des autres qui ne font en regne qu'un certain tems, après quoi ils tombent.

Les Regles qu'on en a donné jufques à prefent different tellement de celles que l'on fuit dans

A

les Académies & Maifons où l'on joüe ce Jeu, qu'il a paru à propos d'en faire un nouveau Traité, dans lequel on ne pofera les Regles que fur un ufage generalement reçû, ou fur les décifions des meilleurs Joueurs de Piquet avec les raisons qui les ont engagez à juger comme ils ont fait: quelque difficile que ce Jeu paroiffe, il ne faut néanmoins qu'une grande attention à fon jeu pour être bon Joueur; car la grande fcience eft de fçavoir par fon Jeu ce que fon Adverfaire doit avoir dans le fien, foit parce qu'il montre fur table, foit parce qu'il n'a point & qu'il pourroit avoir.

Nous tâcherons de donner une idée auffi claire qu'il fera poffible de ce Jeu, que nous developerons d'une maniere à ne laiffer aucun doute à ceux qui le fçavent déja, fur les coups qui peuvent leur arriver, & pour en faciliter la connoiffance à ceux qui feront bienaifes de l'apprendre. Pour parve

nir à la fin que nous nous fommes propofez, nous féparerons ce Traité en plufieurs Chapitres. Dans le premier l'on donnera une idée generale du Jeu; l'on verra dans le fecond la maniere dont se doit faire l'Ecart, & ce que c'eft que les Cartes Blanches ; dans le troifiéme on expliquera ce que c'eft que le Point, les Tierces, Quatriémes, Quintes, Sixièmes, Septiémes & Huitiémes: dans le quatriéme, l'on trouvera l'ordre qu'on doit obferver en comptant fon jeu, & la maniere de jouer les Cartes; & dans le cinquiéme Chapitre, il y aura les differentes manieres dont on joue le Piquet à écrire. L'on donnera enfuite une Table des Loix ou Regles du Jeu avec les décifions des plus habiles Joueurs de Piquet fur les coups les plus difficiles, & les raifons qui ont fait établir ces Regles.

Où l'on donne une idée generale du Jen de Piquet.

N ne peut jouer que deux au Piquet, & le Jeu ne doit être compofé que de trente-deux Cartes,qui font l'As, le Roy, la Dame, le Valet, le Dix, le Neuf, le Huit & le Sept de chaque couleur. Obfervez que les Cartes font rangées cy-deffus comme elles valent, les As étant toûjours au-dessus des Rois, les Rois des Dames, les Dames des Valets, &c.

Il est à remarquer que toutes les Cartes valent les Points qu'elles marquent, fi vous en exceptez l'As qui en vaut onze, & qui, comme il a été déja dit, emporte toûjours le Roy; mais il faut pour cela qu'il foit de même couleur, & les trois figures, c'eft-à-dire, Roy, Dame, Valet, valent dix Points chacune.

Quand on eft convenu de ce qu'on veut jouer & en combien de Points on jouera, on voit à qui mêlera le premier; celuy qui a tiré la plus baffe carte doit

per

donc mêler & donner les cartes le premier; il les prend à cet effet, les mêle autant qu'il juge à propos, puis les prefente à fon adverfe partię qui peut les mêler s'il veut à fon tour, en ce cas celuy qui eft à donner les cartes doit mêler une feconde fois & prefenter à couper à fon adverfaire qui qui doit pour lors les couper nettement, car celuy qui les éparpilleroit ou n'en couperoit qu'une, feroit obligé de recommencer, aprés que celuy qui eft à donner auroit rebattu les cartes. Cela fait, celuy qui donne met les cartes de deffous deffus, puis les diftribuë deux à deux ou trois à trois, cela dépend de fon caprice, & ce font les deux nombres ordinaires & jamais une à une ni au-deffus de trois.

Il faut continuer dans tout le cours de la partie par le nombre qu'on a commencé ; car fi par fantaifie on venoit à vouloir changer la donne, il ne feroit pas permis, à moins que d'avoir averti avant que de mêler, en difant je donneray par deux ou par trois.

On donne donc de ces cartes jufques à ce que les Joueurs en ayent eu chacun douze ; de maniere qu'il n'en reste plus que huit en la main de celuy qui donne, & qu'il doit pofer fur le tapis vis