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PHOCION. TRAGEDIE

137

PHOCION,

TRAGEDIE.

ACTE PREMIER.

SCENE I.

CHRISIS, DIONE, LICAS.

CHRISIS.

H bien, Licas, eh bien, puis-je voir
Agnonide?

L'avez-vous informé du deffein qui me
guide?

Sçait-il que pour mon Pere une jufte terreur
Accable mes efprits, & déchire mon cœur,
Et qu'un ordre cruel m'empêchant de le fuivre,
Au comble des horreurs fon abfence me livre ?
LICAS.

Madame, par mes foins Agnonide eft inftruit

De l'état déplorable où le fort vous réduit ;
Vôtre douleur le touche, & praft à vous entendre,.
Il viendra dans ces lieux où vous pouvez

l'attendre.

SCENE

***

II.

CHRISIS, DIONE.

CHRISIS.

Uel accueil, quel difcours, quel changement, grands Dieux !

Puis-je me méconnoiftre : & fuis- je dans ces lieux,
Où mon Pere en fes mains tenant le fort d'Athenes,
Signala l'équité de fes loix fouveraines:

Sont-ce ces mêmes murs & ce mefme Palais,
Où l'heureux Phocion méditoit les projets.;
Qui marquant chaque jour fon zele & la fageffe,
Firent l'étonnement & l'honneur de la Grece ?

Madame...

DIONE.

CHRISIS

Tu le vois, mille objets menaçans, Confirment à l'envy les chagrins que je fens ; Ces indignes enfans de notre Republique, Que mon Pere toûjours éloigna de l'Attique, Amas prefque infiny d'efelaves, d'étrangers, Ne m'expofent-ils pas à de nouveaux dangers? Ces gardes qui jadis s'ouvrant à mon paffage, Me rendoient en tremblant un legitime hommage, Aujourd'huy ne m'offrant que des yeux ennemis, Aprés de longs efforts m'ont à peine permis De venir jufqu'icy faire parler mes larmes, Pour fléchir un Tyran, trop impuiffantes armes,

DIONE.

C'eft ce Tyran luy feul dont les lâches projets

Ont troublé de vos jours le bonheur & la paix,
Jalouxde Phocion, fa parricide envie,
Attaque également & la gloire & fa vie :
Il pourfuit un Heros jufqu'icy tant vanté,
Un Heros que la guerre a toûjours respecté,
Un Heros....

CHRISIS.

Ah finis cet éloge inutile,
Referve ces difcours pour un temps plus tranquille,
Et loin de retracer fa gloire & fes vertus,
Songe que ce Heros peut-eftre ne vit plus:
Que Caffander aigry par les Tyrans d'Athenes,
Ou le livre à la mort, ou le charge de chaînes.
Ingrats Atheniens, pourrez-vous le fouffrir?
Ah! marchez fur fes pas, & pour le fecourir
Dans les murs de Pellé haftez-vous de répandre
Votre fang, que fon bras fçut tant de fois défendre;
Et toy barbare autheur de nos communs malheurs,
Toy dont l'ambition fait couler tous nos pleurs,
Agnonide, previen les maux de ta patrie,
En fa faveur du moins calme ta barbarie,
Souviens-toy que ce Chef dont tu profcris les jours,
Contre tout l'Univers nous deffendit toûjours,
Qu'Athenes va tomber, fi ta haine l'opprime,
Et vanger en tombant cette grande victime.
DIONE.

Et qui peut fe flater que ce tyran plus doux,
Reconnoitra fon crime, & fufpendra fes coups?
Madame, à ce retour je voy peu d'aparence;
Efclave de fon rang, & fier de fa puiffance,
Nous le verrons plûtoft par de nouveaux forfaits
Avancer chaque jour fes infames projets.
Mais tandis que fa haine injufte & fanguinaire,
Détruit la Republique, & pourfuit voftre Pere, 1
Son fils, du moins, fon fils le jeune Alcinoüs,
Vous force en mefme temps d'admirer fes vertus,
Je ne puis oublier avec quelle affurance,

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