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Sur cet illuftre hymen fondoient leur esperance;
Je venois avec 10 ye en celebrer les nœuds,
Le Prince eftoit aimable, il eftoit amoureux ;
Vains projets ! vains tranfports! efperance inutile!
J'arrive enfin ; à peine entre-je en cette Ville
Que je me vois livrée à des maux infinis
Il me faut époufer le pere au lieu du fils:
Nos deftins font changez; un ordre de mon pere
Détruit dans un inftant le bonheur que j'efpere:
En victime d'Etat, contrainte d'obeïr,
Pour conferver ma gloire il fallut me trahir.

EUDOXE.

Eh! pourquoy rappellant vos difgraces paffées,
Occuper votre efprit de ces triftes pensées ?
Madame, faites-vous un genereux effort,
Avec moins de douleur rempliffez votre fort
Et cachez avec foin aux yeux de tout l'Empire
Les déplaifirs fecrets...

IRENE.

Ah! que m'ofez-vous dire ? Qui jamais a caché fes chagrins mieux que moy, Et mieux fubi du fort l'injurieufe loy

Cependant qui jamais eut le fort plus contraire ?
Oblervée avec foin par une Cour auftere,

Où les yeux les plus chers me femblent ennemis ;
Où je n'ay rien des biens que je m'eftois promiss
Où fans ceffe livrée à ma douleur extrême,
Mon cœur tyrannifé combat contre luy-même ;
Que vous diray je enfin ? où ce cœur malheureux
Eft fouvent malgré moy moins fort que je ne veux,

EUDOXE,

Redoublez vos efforts; le tems, votre conftance,

De vos profonds ennuis vaincront la violence,
Et le Prince bien-toft éloigné de vos yeux,

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Vous pourrez...

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Ah! je n'ofe l'attendre s Eudoxe, vous pouvez luy parler & l'entendre, Voyez-le, dites-luy qu'en l'étar où je fuis, Le fuir & le bannir eft tout ce que je puis.

.

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ous me fuyez, Madame? ah Ciel! quelle in

Vojuftice!

Quoy, de tous mes malheurs vous rendez-vous

complice ?

Helas pour accabler un cœur infortuné,
Secondez-vous lefort à me nuire obftinć?

IRENE.

Que demandez-vous, Prince ? & que pourrez-vous dire ?

Meprifez-vous les loix que je vous fais prescrire ?
Quel eft votre deffein de venir en ces lieux
Me faire malgré moy recevoir vos adieux ?
Puifque vous eftes preft à fortir de Bifance,
N'en pouviez vous partir avec votre innocence ?
Avez-vous oublié qu'un ferment folemnel
Nous impofe à tous deux un filence éternel ?
Qu'il n'est plus entre nous d'entretien legitime;
Qu'un feul mot, qu'un regard, qu'un foupir eft un
crime?

Que fans ceffe attentive à remplir mon devoir,
Je mets tout mon bonheur à ne vous plus revoir
Et quels que foient les maux que vous avez à crain-
dre,

Qu'il ne m'eft pas permis feulement de vous plaindre?

ANDRONIC.

Qu'entens-je, jufte Ciel ! de quoy m'accusez-vous? Madame, qu'ay-je fait digne de ce courroux ? Viens-je vous demander, que d'un œil pitoyable Vous donniez quelques pleurs au malheur qui m'accable?

.

Viens-je vous demander que vous me permettiez,
Puifqu'il me faut mourir, d'expirer à vos pieds?
Ah! de votre repos plus jaloux que vous-même,
J'ay foin de m'exiler, parce que je vous aime;
Pardonnez-moy ce mot pour la derniere fois,
Et fongez que je pars fans attendre vos loix;
Qu'en vain à me bannir vous eftiez refoluë,
Puifque déja mon coeur vous avoit prévenue.
Depuis le jour fatal qu'arrachée à ma foy,
Madame, vous vivez pour un autre que moy,
Quoy que toûjours brûlé jufques au fond de l'ame,
Vous fçavez fi mes yeux ont parlé de ma fiâme;
Si le moindre tranfport,un indifcret foupir
Vous ont fait foupçonner quelque injufte defir
Tout a gardé, Madame, un rigoureux filence,
Mais un cœur n'eft point fait pour tant de violence,
Je fçay tous les combats qu'il me faudroit livrer,
Si fous un même Ciel nous ofions refpirer;
Je fçais enfin, je fçais tout ce que pourroient dire
Vos ennemis, les miens, peut-eftre tout l'Empire.
Ils ont fçu mon amour, & doivent présumer

Que qui vous aime un jour, doit toujours vous

aimer,

Peut-eftre oferoient-ils foupçonner l'un & l'autre. Sauvons de leurs foupçons & ma gloire & la vôtre, Je cherche à m'eloigner; vous, preffez l'Empereur D'accorder à mes vœux cette unique faveur :

B

Heureux fi par vos foins mon attente eft remplie
J'iray des revoltez appaifer la furie,
Ils me veulent pour Chef, & je ne doute pas
Que je ne fois bien-tôt maître dans leurs Etats;
Qu'au gré de mes defirs leur valeur toûjours prête,
Ils n'entreprennent tout, fi je marche à leur tête.
Je viens donc vous offrir leurs armes, mon pou-

voir.

Le Ciel qui me condamne à ne jamais vous voir
Qui me fait étouffer une flâme fi belle,

Ne fçauroit pour

le moins s'offenfer de mon zelę.
S'il défend à mon cœur des fentimens trop doux,
Il permet à mon bras de combattre pour vous;
Et fi jamais ce bras vous étoit necessaire,

Ou pour aller fervir l'Empereur votre pere,
Ou pour
faire perir, ou chaffer de ces lieux
Ceux de qui la prefence y peut bleffer vos yeux;
Appellez-moy, Madame, & je pourray tout faire,
Je ne veux que la gloire ou la mort pour falaire;
A vous donner mon fang je borne mon bonheur,
Puifqu'il m'eft défendu de vous donner mon cœur.

IRENE.

En vain vous me flattez de ces fameux fervices;
Mes vœux n'afpirent point à ces grands facrifices.
Quand vous aurez quitté ce funefte fejour,
Qu'aurois-je à craindre encor, Prince, dans cette
Cour?

Helas! j'y verray tout avec indifference.
M'exercer aux vertus dignes de ma naissance,
>Accoûtumer mon cœur trop fouvent mutine,
A cherir un époux que le Ciel m'a donné,
Obeïr à fes loix, ne fonger qu'à luy plaire,
Me facrifier toute à mon devoir fevere,
Soulager les Sujets qui vivent fous ma loy,
Voila jusqu'à la mort quel fera mon employ,

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