Sur cet illuftre hymen fondoient leur esperance; Je venois avec 10 ye en celebrer les nœuds, Le Prince eftoit aimable, il eftoit amoureux ; Vains projets ! vains tranfports! efperance inutile! J'arrive enfin ; à peine entre-je en cette Ville Que je me vois livrée à des maux infinis Il me faut époufer le pere au lieu du fils: Nos deftins font changez; un ordre de mon pere Détruit dans un inftant le bonheur que j'efpere: En victime d'Etat, contrainte d'obeïr, Pour conferver ma gloire il fallut me trahir.
Eh! pourquoy rappellant vos difgraces paffées, Occuper votre efprit de ces triftes pensées ? Madame, faites-vous un genereux effort, Avec moins de douleur rempliffez votre fort Et cachez avec foin aux yeux de tout l'Empire Les déplaifirs fecrets...
Ah! que m'ofez-vous dire ? Qui jamais a caché fes chagrins mieux que moy, Et mieux fubi du fort l'injurieufe loy
Cependant qui jamais eut le fort plus contraire ? Oblervée avec foin par une Cour auftere,
Où les yeux les plus chers me femblent ennemis ; Où je n'ay rien des biens que je m'eftois promiss Où fans ceffe livrée à ma douleur extrême, Mon cœur tyrannifé combat contre luy-même ; Que vous diray je enfin ? où ce cœur malheureux Eft fouvent malgré moy moins fort que je ne veux,
Redoublez vos efforts; le tems, votre conftance,
De vos profonds ennuis vaincront la violence, Et le Prince bien-toft éloigné de vos yeux,
Ah! je n'ofe l'attendre s Eudoxe, vous pouvez luy parler & l'entendre, Voyez-le, dites-luy qu'en l'étar où je fuis, Le fuir & le bannir eft tout ce que je puis.
ous me fuyez, Madame? ah Ciel! quelle in
Quoy, de tous mes malheurs vous rendez-vous
Helas pour accabler un cœur infortuné, Secondez-vous lefort à me nuire obftinć?
Que demandez-vous, Prince ? & que pourrez-vous dire ?
Meprifez-vous les loix que je vous fais prescrire ? Quel eft votre deffein de venir en ces lieux Me faire malgré moy recevoir vos adieux ? Puifque vous eftes preft à fortir de Bifance, N'en pouviez vous partir avec votre innocence ? Avez-vous oublié qu'un ferment folemnel Nous impofe à tous deux un filence éternel ? Qu'il n'est plus entre nous d'entretien legitime; Qu'un feul mot, qu'un regard, qu'un foupir eft un crime?
Que fans ceffe attentive à remplir mon devoir, Je mets tout mon bonheur à ne vous plus revoir Et quels que foient les maux que vous avez à crain- dre,
Qu'il ne m'eft pas permis feulement de vous plaindre?
Qu'entens-je, jufte Ciel ! de quoy m'accusez-vous? Madame, qu'ay-je fait digne de ce courroux ? Viens-je vous demander, que d'un œil pitoyable Vous donniez quelques pleurs au malheur qui m'accable?
Viens-je vous demander que vous me permettiez, Puifqu'il me faut mourir, d'expirer à vos pieds? Ah! de votre repos plus jaloux que vous-même, J'ay foin de m'exiler, parce que je vous aime; Pardonnez-moy ce mot pour la derniere fois, Et fongez que je pars fans attendre vos loix; Qu'en vain à me bannir vous eftiez refoluë, Puifque déja mon coeur vous avoit prévenue. Depuis le jour fatal qu'arrachée à ma foy, Madame, vous vivez pour un autre que moy, Quoy que toûjours brûlé jufques au fond de l'ame, Vous fçavez fi mes yeux ont parlé de ma fiâme; Si le moindre tranfport,un indifcret foupir Vous ont fait foupçonner quelque injufte defir Tout a gardé, Madame, un rigoureux filence, Mais un cœur n'eft point fait pour tant de violence, Je fçay tous les combats qu'il me faudroit livrer, Si fous un même Ciel nous ofions refpirer; Je fçais enfin, je fçais tout ce que pourroient dire Vos ennemis, les miens, peut-eftre tout l'Empire. Ils ont fçu mon amour, & doivent présumer
Que qui vous aime un jour, doit toujours vous
Peut-eftre oferoient-ils foupçonner l'un & l'autre. Sauvons de leurs foupçons & ma gloire & la vôtre, Je cherche à m'eloigner; vous, preffez l'Empereur D'accorder à mes vœux cette unique faveur :
Heureux fi par vos foins mon attente eft remplie J'iray des revoltez appaifer la furie, Ils me veulent pour Chef, & je ne doute pas Que je ne fois bien-tôt maître dans leurs Etats; Qu'au gré de mes defirs leur valeur toûjours prête, Ils n'entreprennent tout, fi je marche à leur tête. Je viens donc vous offrir leurs armes, mon pou-
Le Ciel qui me condamne à ne jamais vous voir Qui me fait étouffer une flâme fi belle,
le moins s'offenfer de mon zelę. S'il défend à mon cœur des fentimens trop doux, Il permet à mon bras de combattre pour vous; Et fi jamais ce bras vous étoit necessaire,
Ou pour aller fervir l'Empereur votre pere, Ou pour faire perir, ou chaffer de ces lieux Ceux de qui la prefence y peut bleffer vos yeux; Appellez-moy, Madame, & je pourray tout faire, Je ne veux que la gloire ou la mort pour falaire; A vous donner mon fang je borne mon bonheur, Puifqu'il m'eft défendu de vous donner mon cœur.
En vain vous me flattez de ces fameux fervices; Mes vœux n'afpirent point à ces grands facrifices. Quand vous aurez quitté ce funefte fejour, Qu'aurois-je à craindre encor, Prince, dans cette Cour?
Helas! j'y verray tout avec indifference. M'exercer aux vertus dignes de ma naissance, >Accoûtumer mon cœur trop fouvent mutine, A cherir un époux que le Ciel m'a donné, Obeïr à fes loix, ne fonger qu'à luy plaire, Me facrifier toute à mon devoir fevere, Soulager les Sujets qui vivent fous ma loy, Voila jusqu'à la mort quel fera mon employ,
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