Imágenes de páginas
PDF
EPUB

tres, les bons Directeurs. Notre confiance ne doit être entiere que pour les chofes qui ne font pas communes aux élus & aux réprouvés. Des qu'un réprouvé se damne avec un moyen, quelle affurance ce moyen peutil me donner pour mon falut, fi je n'ai que cela? C'est ce qui n'eft que trop vrai de ceux mêmes des fecours extérieurs qui font les premiers en dignité, comme les Sacremens. L'Enfer eft plein de malheureux qui font morts avec les derniers Sacremens, & il y a beaucoup de faints en Paradis à qui ils ont manqué. Ne voit-on pas de même de bons Fidéles fe fanctifier avec de mauvais pafteurs, fans inftructions folides de vive voix; & de grands peuples vivre dans le défordre avec de bons miniftres & des inftructions excellentes ? Ceux même qui profitent en quelque chofe de ces fecours pourquoi n'en tirent-ils pas plus de profit, s'il eft vrai que l'effet en foit abfolument infaillible? L'Eucharistie est un Sacrement comme les autres, & qui l'emporte même au-deffus des autres par fon excellence. Elle opere donc, ex opere operato, par fa propre vertu : une feule communion pourroit donc & devroit nous fanctifier pleinement: pourquoi cela n'arrive-t-il pas ? Ainfi ce feroit s'abufer, que de compter pour le fuccès fur l'application toute feule des fecours extérieurs du falut.

2o. On ne doit point non plus les regarder comme des moyens fi néceffaires, qu'on ne puifle point fe fauver & fe fan&tifier fans eux, lorfqu'on en eft privé malgré foi. JefusChrift à un pouvoir d'excellence, comme parlent les Théologiens, par lequel il peut

faire fon œuvre fans l'intervention des éta bliffemens qu'il a faits. Celui qui est toutpuiffant fçait, quand il le veut, aller à la fin fans paffer par les moyens, opérer comme caufe premiere fans employer les caufes fecondes. Ainfi, un Jufte retenu dans le lit par une maladie de plufieurs années, & hors d'état par conféquent de participer fréquemment au corps & au fang de Jefus-Christ, peut ne rien perdre par cette privation: un bon Fidéle qui a perdu un bon Directeur, n'eft point hors de la voie du falut, parce qu'il n'en retrouve point un pareil. Les Chrétiens qui, dans le tems des perfécutions, se trouvoient fans Prêtres, fans Sacrifices, n'étoient pas fans efpérance pour leur falut. Ces hommes, dont parle Saint Augustin, » qui » par une fuite des troubles & des divifions » qui s'élevent dans l'Eglife, font injustement » exclus de fa communion extérieure, ne » font pas des gens défefpérés : le Pere cé»lefte, dit ce faint Docteur, qui voit ce qui De verá » fe passe dans le secret, les couronne dans relig.n. 1. le fecret; « hos coronat in occulto Pater in occulto videns. Les Fidèles des premiers fiècles qui n'avoient pas un auffi grand nombre de Prêtres & de Directeurs qu'on en a aujourd'hui, ne laiffoient pas de fe fanctifier. Les Martyrs dans les prifons, qui étoient fans confolation, fans livres, fans Prêtres, fans Viatique, ne laiffoient pas d'aller au Ciel quand ils mouroient. Il arrive même quelquefois qu'on en iroit mieux fans un fi“ fréquent ufage des fecours extérieurs. Tel qui fe fait une habitude de la Confeffion, feroit peut-être plus vigilant & plus appliqué à fe réformer, s'il alloit moinsfouvent à confeffe.

Un autre qui feuilleteroit moins de livres & entendroit moins de fermons, profiteroit mieux du peu qu'il liroit & qu'il entendroit. A toutes ces réflexions, j'en ajoute une également vraie : fçavoir que la difette de ces chofes extérieures peut donner lieu à pratiquer certaines vertus qu'on n'a pas occafion de pratiquer quand on eft dans l'abondance; la vertu, par exemple, du détachement des confolations fenfibles, la patience & la réfignation dans les privations, une piété plus pure & plus défintéreffée, qui ne cherche uniquement qu'à plaire à Dieu.

, pour

de

Enfin, on doit être 30. dans la difpofition de fe paffer des moyens, lorfqu'ils nuiroient à la fin, & qu'on ne pourroit en faire ufage qu'en offenfant Dieu. Ainfi, du temps Jefus-Chrift, il eût été très-mal de fe déclarer contre lui se conferver le droit d'entrer dans les Synagogues. Les Juifs, du temps de Jérémie, qui leur ordonnoit de la part de Dieu de se transporter à Babylone, avoient tort de s'attacher au féjour de Jérufalem en défobéissant à Dieu. Dans des cas femblables les moyens ceffent d'être moyens, puifqu'au lieu de conduire à la fin, qui eft d'obéir à Dieu, ils y font contraires. Tout ce qu'il n'eft pas poffible à un jufte de faire fans péché, eft pour lui l'équivalant de l'impoffible: quod juftè non poteft, non poteft juftus, dit Saint Auguftin.

III.

Les Sacremens.

Ce que nous venons de dire en général

Matth. 28.

fur les moyens extérieurs de falut, étoit néceffaire pour former nos idées fur les Sacremens en particulier : nous allons développer & étendre un peu davantage ces principes fur cette matiere particuliere. Elle le mérite tant par fa dignité que par fon importance dans la pratique.

[ocr errors]
[ocr errors]

La dignité des Sacremens fe prend de celle de leur Inftituteur. A en juger par le dehors ce qui les conftitue n'a rien de Trad. 8o. in grand. » Qu'est-ce que de l'eau, dit Saint Evang. Joan." Auguftin, fi ce n'eft de l'eau ? Si la parole » fe joint à l'élément, cela fait le Sacre»ment, c'est le Baptême, parce que JefusChrift a donné à l'eau jointe à la parole une vertu fanctifiante, lorfqu'il dit à fes Apôtres » allez dans tout le monde, prêchez >> aux nations & baptifez-les au nom du Pere » & du Fils & du Saint-Efprit. » C'est donc Jefus-Chrift qui a élevé ces élémens vils & ⚫ communs par eux-mêmes au-deffus de ce qu'ils font, pour en faire des canaux facrés par où il fait couler fa grace dans les ames. Celui qui fait de rien toutes chofes, peur bien, de chofes de néant, en faire les inftrumens des merveilles les plus fublimes. C'est par la vertu & l'application actuelle de fon fang, qu'il fait produire à de chétifs inftrumens ces prodiges; enforte que s'il eft l'inftituteur des Sacremens, fon fang en eft le confecrateur. Ce n'eft pas tout. Il est préfent par fa vertu dans la perfonne de ses Miniftres, par les mains defquels les Sacremens font adminiftrés. » Quand Pierre bap» tife, dit faint Auguftin, quand Jean bap» tife, quand Judas baptife, c'eft Jesus-Chrift

Tract. 6. in Evang. Jo.

qui baptife. «Et ce faint Docteur ne le dit

qu'après l'Evangile : Hic eft qui baptizat. C'est donc encore Jefus-Chrift qui dans la vérité eft l'adminiftrateur perpétuel des Sacremens. Que ces vûes font nobles & confolantes! Car ce ne font pas ici de belles idées qui n'auroient d'existence que dans une imagination vive & échauffée.

Les raifons qu'a eues Jefus-Chrift d'inftituer les Sacremens, ces fignes fenfibles de la grace qu'il verse en nous, font de nouveaux titres qui nous les rendent encore fingulierement refpectables. Nous en avons rapporté trois, en parlant en général des moyens extérieurs de falut dont Dieu a voulu nous faire dépendre. Ce font les mêmes pour les Sacremens. Dieu a voulu cacher son opération fous le voile des caufes fecondes, pour exercer notre foi. Il a voulu nous humilier en nous affujettiffant pour notre falut à des créatures inanimées, à de foibles élémens à des actions paffageres, à quelques courtes paroles. Enfin il a voulu nous donner une · marque de fa bonté, en nous rendant senfible en quelque forte cette grace invisible par fa nature, & dont les Sacremens font le fymbole & le gage. Comme nous fommes prefqu'en toutes chofes dépendans des fens, Jesus-Christ a eu égard à notre foibleffe & à notre état d'infirmité: il a daigné mettre quelque chofe fous nos yeux, pour aider notre foi fur les dons fpirituels qu'il vouloit nous communiquer. Aufli dans le ciel où cette fervitude des fens ne fubfifte plus, & où nos corps feront en quelque forte fpiritualifés, il n'y a point de Sacremens: Dieu fera immédiatement dans fes élus, verfant en eux fans ceffe les richeffes

Joan,

« AnteriorContinuar »