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charmes pour lui, que la divifion qui régnoit dans ce Païs, ANNE'E DE femblât lui en promettre un fuccès affûré, & que les folli

J. C.

711.

Entrée des

Infidéles en Espagne, & prife de Calpé

citations du Comte Don Julien & des fils de Witiza fuffent
encore de puiffants aiguillons pour le déterminer à l'en-
treprendre, il n'ofa rien faire fans en donner avis à Walid
fon Souverain & fans avoir reçû fes Ordres à ce sujet ; c'est
pourquoi, il lui fit fçavoir par un Exprès tout ce qui fe
paffoit. Walid naturellement ambitieux & curieux d'étendre
fa Domination, apprit avec plaifir les deffeins de Muza;
mais prévenu que la Mer qui fépare l'Afrique de l'Espagne,
étoit vafte & dangereufe, il ne voulut point permettre que
l'on embarquât toute l'Armée, de crainte que s'il arrivoit
quelque naufrage, l'Afrique dégarnie de Troupes, ne fût
expofée à quelque révolution. Sur fa réponse, Muza lui fit
fçavoir qu'il n'y avoit entre l'Afrique & l'Espagne qu'un
court trajet de Mer, dont la navigation n'étoit point à
craindre, & que l'on devoit attendre de grands avantages
de la conquête qu'il lui propofoit. Le Calife fur ces repré-
fentations, lui permit de tenter fortune avec un nombre de
Troupes fuffifant pour faire juger, quelles pouvoient être
les fuites de cette entreprife. Muza ne fçut pas plûtôt les
dernieres réfolutions de fon Souverain, qu'il forma dans la
même Mauritanie qu'il gouvernoit, un Corps de sept mille
Hommes, dont il donna le Commandement en Chef à Ta-
rif-Abdalahi, Arabe ou Sarazin, qui avoit déja fait con-
noître en diverses occafions fa prudence & fa valeur,
nommant pour principaux Officiers & Lieutenants Géné-
raux Abuzara, Munuza Alchaman & d'autres. Après
leur avoir donné toutes les provisions nécessaires, il les fit
tous embarquer, & avec eux le Comte Julien, qui étoit le
plus cruel Ennemi du Roi Don Rodrigue, à caufe de l'in-
fulte qu'il avoit reçue de ce Prince.

Tarif, après avoir paffé le Détroit, débarqua au pied du Mont Calpe, & s'empara bien-tôt de la Ville de ce nom, où il fe fortifia. L'on croit que les fils de Witiza, qui avoient préfentement appellé les Sarazins, contribuerent beaucoup à lui faciliter Algézire. la prife de cette Place, d'où il commença à faire des courfes fur les Territoires voifins. Quoiqu'il en foit, dès que Tarif s'en fût rendu maître, il en changea le nom, & il l'appella Geicira-Haladra, qui fignifie en langue Arabe Isle verte, parce qu'à une certaine distance, elle paroît de cette

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couleur à ceux qui navigent. Depuis ce tems, les Espagnols
ont tranformé ce nom par corruption en celui d'Algezira.
L'on ne peut douter que la nouvelle de l'entrée des Sara-
zins en Espagne, & de la prife de Calpé aujourd'hui Al-
gézira ou Algézire, ne caufaffent quelques mouvemens dans
Le Païs, & que le Roi Don Rodrigue n'affemblât promp-
le
tement des Troupes pour s'opposer aux Ennemis, ou mê-
me pour
les chaffer de fes Etats. C'est auffi ce qui paroît
par le Géographe de Nubie, où il eft marqué que ceux qui
étoient à Calpé, folliciterent Tarif de les remener en Afri,
que, & que celui-ci, pour leur faire perdre cette envie par
l'impoffibilité de la fatisfaire, fit brûler les Vaiffeaux fur
lefquels ils avoient été transportés : car pourquoi auroient,
ils voulu renoncer fi promptement à une conquête qui de-
voit tant les flatter, si la résistance des Gots ne leur eût fait
défefpérer de la réuffite? Il y a donc lieu de croire que les
fils de Witiza avoient fait affûrer Muza, qu'ils tiendroient
un bon nombre de Troupes toutes prêtes, afin qu'en les
réuniffant à celles qu'il enverroit, ils puffent exécuter de
concert ce dont ils étoient convenus; mais que Tarif aïant
débarqué & pris la Ville de Calpé, fans trouver les Trou-
pes que les fils de Witiza avoient promis de fournir, ceux
qui étoient paffés en Espagne fous fes ordres, demande-
rent leur retour en Afrique, & que le Généraliffime, bien
loin d'y confentir, fe fortifia dans la Place dont il étoit
maître, efpérant pouvoir par la fuite faire des conquêtes
dans le Païs * avec quelques renforts que Muza lui enverroit

* Quoiqu'il paroiffe par le récit de Jean de Ferreras & par l'autorité dont il s'appuie que les Sarazins, après la prife de Calpé, ne penferent à rien moins qu'à faire des courfes confidérables; l'Abbé de Vayrac avance, fans marquer fur quel fondement, que le Comte Don Julien alla avec eux prendre & piller Cadiz, dont la meilleure partie des Habitans fut paffée au fil de l'épée, & le refte mis à la chaîne. Il ajoûte que les Ennemis coururent enfuite toutes les Côtes de l'Andaloufie, & pénétrerent dans la Lufitanie, pillant, brûlant, faccageant tout ce qui fe trouva fur leur paffage. Mais, quand Jean de Ferreras, & le Géographe de Nubie ne lui feroient pas contraires, il fuffit d'obferver qu'il mar

que, que Tarif-Abdalahi, qui prit Cal-
pé, n'avoit amené avec lui que cinq à
fix cens Hommes. Or, comment avoir
pû avec fi peu de monde s'emparer de
Cadiz & commettre tant d'hoftilités ?
Envain voudroit-on justifier cet Ecrivain
fous prétexte que les parens & amis du
Comte fe joignirent aux Sarazins, il
faudroit commencer par prouver & par
perfuader avec de bonnes autorités qu'ils
étoient en affez. grand nombre pour met-
tre Tarif en état de garder, même pen-
dant qu'il feroit éloigné, Calpé, dont
la poffeffion écoit de grande importance
pour les Sarazins, ou que Cadiz & tout
le Pais qu'ils défolerent étoient entiére-
ment dégarnis de Troupes; ce qui ne
tombe pas fous les fons.

ANNE'E DE

J, C. 711.

ANNE'E
J. C.

711.

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DE

Progrès de

(A). Ebnalgocia, l'Anonyme Andalucien, & Novieire difent
que les Mahométans fatisfaits du buttin, s'en retournerent,
laiffant à Algézire le Comte Don Julien.

Muza aïant appris que Tarif avoit le pied en Espagne &
leurs Armes qu'il fe tenoit retranché à Calpé, travailla à lever un gros
fecours pour
le lui envoïer, afin de le mettre à portée de
faire par lui-même la guerre aux Gots. Aïant raffemblé
douze mille hommes dans les Mauritanies, il les fit mettre
fur des Vaiffeaux & à la voile pour l'Espagne, fous la
conduite de Taric-Abincier, à qui il donna le Commande-
ment général de toutes les Troupes. Comme la meilleure
partie de l'Armée que commandoit Taric, étoit composée
d'Hommes nés dans les Mauritanies, l'on attribue aux Mau-
res la conquête de l'Espagne. Taric aïant pris terre, & fe
voïant en état avec le renfort qu'il avoit amené, de for-
mer quelque entreprise, il fe mit en Campagne, & il com-
mença par faire beaucoup de dégat dans les environs. Il
alla enfuite affiéger Cartheya, & après l'avoir emportée de
force, malgré la vigoureuse réfiftance de la Garnifon & des
Habitans, il faccagea les Côtes de l'Andaloufie & de l'Al-
garve. Il y a apparence qu'à la vûe de ces hoftilités, les Gots
renforcerent aufli leur Armée, & marcherent à l'Ennemi,
fans lui donner le tems de pourfuivre fes expéditions, par
ce que la Bataille dans laquelle périt tout le pouvoir des
Gots, fe donna prefque à la mi-Novembre, comme je le
dirai, proche de Xerés de la Frontera. Or, il est naturel de
croire que la Saifon étant fi fort avancée, Taric étoit forti
en Campagne bien du tems auparavant, & avoit eu avec
le Gots quelques rencontres, dans lefquelles il fut favorisé
de la Fortune, quoiqu'il ne pût pas faire autant de progrès
qu'il le fouhaitoit.

Don Rodri

à les chaffer.

Le Roi Don Rodrigue voïant que fon Armée n'avoit pû gue le difpofe battre & détruire celle des Sarazins, tâcha d'engager les fils de Witiza à fe réconcilier avec lui, afin de réunir toutes les forces contre l'Ennemi commun. Ceux-ci y confentirent en apparence, gardant dans le fond du cœur la réfolution de fe venger, dès que l'occafion s'en préfenteroit. Don Rodrigue qui étoit dans la bonne foi, s'applaudit d'avoir ainfi raffemblé toutes les forces des Gots, & se mit à leur tête, afin de les animer par fon exemple à contraindre (4, ISIDORE de Badajoz, la Chronique d'ALBAYDA & d'autres.

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les Infidéles de retourner en Afrique. Sur cette nouvelle,
Taric jugeant qu'il avoit trop peu de monde pour se main- ANNE'E DE
tenir, fit demander du renfort à Muza qui lui envoïa cinq
mille Hommes. Il ne les eut pas plûtôt incorporés dans
fon Armée, dont il avoit éprouvé la valeur & l'intrépi-
dité dans les rencontres précédentes, & qui lui avoit fait
juger que les vices & le peu d'union rendoient les Gots
efféminés & peu redoutables, il prit le parti d'en venir à
une Bataille décifive, réfolu de tout perdre ou de tout ga-
gner dans une fois, fçachant que les Troupes qu'il voïoit,
étoient toute la puiffance & toute la défense de la Monar-
chie Gotique.

tiérement dé

Les deux Armées, qui fentoient une égale ardeur pour le Seg Trou combat, s'étant approchées, dans la réfolution de fe heurter, pes font enchacun des Généraux exhorta fes Soldats à fe comporter faites proche avec bravoure, leur représentant que de cette action dépen- de Xerés. doit la Monarchie d'Efpagne. Cette fameufe Bataille fe livra fur le bord de la Riviére de Xeres de la Frontera, le onziéme de Novembre Fête de S. Martin Evêque de Tours, jour que Dieu avoit marqué pour le châtiment des péchés, dont l'Efpagne étoit inondée. Quoique les Troupes de Taric fuffent inférieures en nombre à celles du Roi, leur valeur & leur intrépidité qui y fuppléerent, firent bientôt déclarer la Victoire en leur faveur. Les Gots furent taillés en piéces, & mis en fuite, laifant le Champ de bataille couvert de leurs Corps morts. Du nombre de ceux qui fe fauverent de cette déroute, furent quelques Grands, & le Roi qui s'enfuit, fans que l'on fçut où il s'étoit réfugié.

Don Manuel Britto, Frere Bernard Britto, Don Thomas Tamayus dans les Notes fur Paul Diacre de Mérida & après eux Don Jofeph Pellicer dans le Liv. I. des Annales d'Espagne, affûrent qu'après la perte de la bataille, Don Rodrigue alla fe cacher proche de Mérida dans le Monaftére de Caulinien où il ne demeura que quelques jours, & qu'y aïant reçu le Sacrement de Pénitence & pleuré amérement fes péchés, il paffa accompagné d'un Moine nommé Roman, dans le Païs que l'on appelle aujourd'hui le Portugal, pour éviter d'être pris par les Sarazins.. Il emporta avec lui une Image de Notre-Dame qu'un certain Moine Grec appellé Cyriaque avoit apportée de Jérufalem à ce Monaftére. Aïant trouvé une Grotte dans une

Sentimens de quelques Auteurs fur

fon fujet.

ANNE'E

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Découverte de fon Tombeau &

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Montagne efcarpée & affreufe, qui s'éleve fur le bord de l'Océan, près de Pederneyra, il y dépofa l'Image qu'il ap- ERF E portoit, & il y vêcut inconnu des Hommes pendant l'efpace d'une année avec le Moine Roman. Dela, il fe retira proche de Visée dans l'Hermitage de Saint Michel où il finit fes jours, & où il reçut la fépulture, Roman restant toute fa vie poffeffeur de la précieufe Image de la Sainte Vierge. Ces Hiftoriens se fondent fur le témoignage de Don Fuas Roupigne, qui dans une Donation qu'il fit en 1182. à de fon Epita- l'Eglife de Notre-Dame de Nazareth, dont il a été le Fondateur, marque toutes ces circonftances, déclarant qu'il les a apprifes par un écrit qui étoit dans un Coffre d'ivoire que les Maçons découvrirent en démoliffant un vieux Autel qu'il y avoit dans cette Grotte, où il trouva la Sainte Image que l'infortuné Monarque y avoit portée. Le Roi Don Alfonfe le Grand dit que dans le tems qu'il faifoit ravager les environs de Vifée, on trouva dans une Eglife une Tombe fur laquelle on lifoit; Cigit Rodrigue dernier Koi des Gots. Comme il n'eft pas poffible de révoquer ce fait en doute, après une autorité fi refpectable, & qu'un des principaux Chefs des Sarazins conquit l'année fuivante tout ce qui compofe le Portugal & la Galice ; j'ai peine à comprendre que Don Rodrigue s'étant retiré fur une Montagne efcarpée de la Côte de l'Océan, pour conferver fa vie, foit forti & ait été fur le Territoire de Vifée fe mettre entre les mains des ennemis. Je fuis donc plus porté à croire que ce malheureux Prince, après avoir perdu la bataille de Xeres, s'enfuit couvert de bleffures avec quelques Gots du côté de Vifée, & qu'étant mort, on l'enterra dans l'Eglise où le Roi Don Alfonfe dit que fe trouva fon Epitaphe (A).

L'on raconte auffi dans les Hiftoires d'Efpagne que les fils de Witiza, & le Comte Don Julien contribuerent beaucoup à la déroute des Gots dans la fatale Journée de Xeres, parce que dans le fort de l'action, ou ils pafferent avec leurs Troupes à l'Armée des Sarazins ou ils tournerent leurs Armes contre leurs Compatriotes *. Mais ceci n'est (4) Don RODERIC & beaucoup d'au

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n'ofe rien décidér à ce fujet, fe conten-
tant d'expofer feulement les deux opi-
nions, que l'Abbé de Vayrac plus hardi
a cru pouvoir concilier, en marquant
que les fils de Witiza regagnerent les
Maures,& emmenerent avec eux Oppas
& leurs Partisans.

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