Imágenes de páginas
PDF
EPUB

ERE D'ES-
PAGNE.

750.

appuié d'aucun Ecrivain qui ait vêcu proche de ce tems, ce
qui fait
que j'omets cette circonftance comme incertaine,
quoiqu'il en foit fait mention par l'Archevêque Don Roderic.
Je paffe auffi fous filence la Fable de la Caverne d'Her-
cule *
qui fut ouverte, à ce que
l'on dit, par Don Rodri-
gue, & ce que le Maure Kafis marque dans l'Hiftoire qu'on
Lui attribue & qui contient tant de Fables qu'il n'eft pas
poffible d'y connoître ce qu'il y a de vrai.

Taric étant resté maître du Champ de bataille par la défaite Prife de Sé& par la fuite de l'Armée des Gots, ramaffa toutes les dé- ville, de Cor

tres Places

pouilles qui furent confidérables. Informé que le bruit de doue & d'au-
fa Victoire avoit jetté partout la confternation, il prit le par les Infi-
parti en Général habile de profiter de l'abattement des déles.
Peuples pour étendre fes conquêtes. Séville fut vraisembla-
blement la premiere Place qu'il alla infulter, & qui étant
hors d'état de fe défendre, fe rendit par capitulation. Cor-
douë fubit enfuite le même fort, & toutes les autres Villes de
ces Quartiers fuivirent leur exemple, effraïées des cruau-
tés que les Infidéles exerçoient par tout où ils paffoient.
En effet ces Barbares tremperent inhumainement leurs mains
dans le fang de tout ce qui fe préfentoit à eux, fans diftin-
ction d'âge, de fexe ni de condition. Les Eccléfiastiques
& les Moines ne furent pas plus exemts que les autres de
leur fureur, de forte qu'il y a lieu de fe perfuader que plu-
fieurs d'entr'eux reçurent la Couronne du Martyre, pour
avoir été tués en haine de la Religion Chrétienne à la-
quelle ils étoient attachés.

A Ezija l'on tient par Tradition que les Religieufes du
Martyre à
Monaftére de Sainte Florentine informées de l'approche Ezija de plus
des Sarazins, & craignant qu'ils n'attentaffent à leur vir- Religieufes
ginité, fe firent des bleffures au vifage, afin de leur pa-
roître horribles dans cet état. L'on ajoûte que les Barbares
arrivés au Monastére, les égorgerent toutes fans aucune pi-
tié, leur procurant ainfi les glorieufes Couronnes de Vier-
ges & de Martyres (A).

Lorfque Taric fe vit maître d'une grande partie de l'Andaloufie, il donna avis à Muza des heureux fuccès de fes

(4) FR. RODERIC D'YEPES & le P. ROA dans l'Hift. d'Ezija.

** Les Curieux qui voudront fçavoir

quelle eft cette Fable, la trouveront
dans Mariana, qui parle de la Caverne
d'Hercule comme d'un Palais enchanté.

ANNE'E DE

J. C.

712.

'ANNE'E J. C. 712.

T

Armes. Il lui marqua en même-tems que la conjoncture étoit DE des plus favorables pour la conquête de toute l'Espagne, s'il vouloit faire paffer des nouvelles Troupes dans ce Païs, parce que celles qu'il avoit, fuffifoient à peine pour la garde des Places dont il s'étoit emparé ; que cette Région étoit riche & fertile; que le Roi Don Rodrigue étoit difparu; que fa défaite avoit tellement étourdi les Peuples qu'ils n'avoient point élû un nouveau Souverain, qui pût lever un autre Armée pour les défendre & réparer la déroute, & qu'enfin, fuppofé que quelqu'un en remît une fur pied, ce ne pourroit être que des Troupes fans expérience qu'il lui feroit aifé de vaincre & de diffiper avec les fiennes qui étoient vétéranes & aguerries (A).

Ifidore de Badajoz, Don Alfonfe le Grand, la Chronique dAlbayda, de même que le vénérable Bede & Saint Boniface Archevêque de Mayence attribuent la caufe de cette difgrace & des fuivantes jufqu'à la perte de l'Espagne aux péchés des Habitans de cette partie de l'Europe, afin que cet exemple apprenne aux Souverains que le moïen le plus sûr de conferver les Monarchies, et de ne point fouffrir que l'on offense Dieu, ni que l'on foule aux pieds la Religion & les Saints Préceptes.

Opinions

l'année de la

les

Les Historiens font partagés fur l'année de la perte de différentes fur l'Espagne : événement dans lequel on doit confidérer l'indeftruction de Vafion des Sarazins, & la fin du Roïaume des Gots. Ifidore de la Monarchie de Badajoz le plus ancien Ecrivain de l'Espagne qui parle de des Gots par la Monarchie Gotique, place toujours cette révolution en l'année 750. de l'Ere d'Espagne, 5. de l'Empire de Justinien, 93. de l'Egire des Arabes & 5. du Califat de Walid :les Annales de Compostelle en font autant. Le Roi Don Alfonfe le Grand ne marque point l'Ere. La Chronique d'Albayda, ainfi que les Annales de Complute, celles de Toléde & plufieurs autres Ouvrages la mettent fous l'Ere 752. la Chronique d'Iria fixe la mort de Don Rodrigue en l'année 748. de l'Ere. Le Moine de Silos en 717. de la même Epoque, mais il paroît qu'il y a dans celui-ci une faute de Copifte, & qu'au lieu d'un 1. on doit mettre pour fecond chiffre 4. & lire 747. & non pas 717. Les Hiftoriens Arabes, l'Anonyme

(A) ISIDORE de Badajoz, Don ALFONSE le Grand la Chron. d'ALBAYDA &c.

Andalucien

ERE D'ESPAGNE. 75%

ERE D'ES-
PAGNE.

750.

Andalucien, Novieire fixent la Conquête de l'Efpagne fous
l'Egire 93. qui répond à l'année 711. de Jesus-Christ en
partie & en partie à celle de 712. parce que l'Egire 93.
commença le 19. d'Octobre de 711. & fe termina le 7.
d'Octobre 712.

Afin de bien régler la Chronologie, on doit auffi confi-
dérer ce qui s'eft fait à cette occafion, & le tems qu'il a fal- à
lu pour le faire. Premierement il est constant
que Witiza
mourut en 710 *. qu'en cette même année il fut remplacé
par Don Rodrigue qui viola la fille ou la femme du Comte
Don Julien ; que celui-ci outré de l'infulte & réfolu de fe
venger, follicita Muza de porter la guerre en Espagne;
que Muza ne voulut point le faire fans ordre du Calife fon
Souverain, qui lui fit dire de former cette entreprise avec
beaucoup de circonfpection, d'y emploïer peu de monde,
& de conduire cette affaire de maniere que l'on pût juger
des fuites aufquelles on devoit s'attendre, ainfi que l'écri-
vent les Historiens Arabes. Or, on avoit befoin pour tout
ceci de l'année 710. d'où il fuit que l'on n'a pû commen-
cer la Conquête d'Espagne qu'en l'année 7 II. dont la meil-
leure partie s'écoula avec l'Egire 93. Én fecond lieu le
cours de la Conquête, quoique rapide, demande une autre an-
née à caufe de toutes les expéditions qui fe font faites; c'eft
pourquoi j'ai mis en celle-ci qui eft 712. de Jefus - Chrift &
750. de l'Ere d'Espagne, la ruine de la Monarchie des Gots.
Pierre de Marca, Don Jofeph Pellicer, le P. Pierre Abarca, le
Marquis de Mondejar,le Frere Jofeph Perez,Pagi & d'autres ont
écrit fur cette matiére avec beaucop d'érudition. Je ne m'in-
quiéte point des autorités de l'Anonyme Andalucien, de No-
vieire & d'autres, parce que fuivant d'Herbelot, ils vivoient
plus de 200. ans après cet événement dont les Anciens Ef-
pagnols ont bien dû conferver la mémoire par le Calcul ou
l'Epoque de l'Ere qui étoit en ufage chez eux.

* Mariana qui ne paroît pas être de cet avis, & qui semble au contraire pencher pour ceux qui la mettent en 711. met auffi deux ans plus tard que ne fait Ferreras, la Conquête d'Efpagne par les Maures; mais il n'eft pas poffible d'entrer ici dans un éclairciffement fur ce point,parce qu'une difcuffion de cette Tome II.

nature demande trop d'étendue. Peut-
être tâcherai-je de développer ailleurs
cette question fur laquelle les Sçavans
font fi peu d'accord; en attendant, je me
contente d'obferver la différence de fen-
timens entre Ferreras & Mariana, deux
Hiftoriens célébres en Espagne.

Iii

ANNE'E DI

J. C. 712.

La véritable laquelle on

doit s'en tenir

*

713. Muza, Gouverneur des

Troupes.

Muza Gouverneur de la Mauritanie pour le Calife, n'eut pas plûtôt reçu les nouvelles que Taric lui donnoit, qu'il forma le deffein de faire en perfonne la Conquête de l'Efpagne. Outre la gloire qu'il comptoit retirer de cette exconquêtes des pédition qui flattoit fon amour propre, les grandes richesArabes en A- fes qu'on lui annonçoit, lui paroiffoient capables d'affoufrique, paffe vir fa cupidité. Excité par de fi puiffans motifs, il leva des en Espagne avec des Troupes pour paffer en Efpagne. Afin d'en affembler plus promptement, il fit valoir à tout le monde les richeffes confidérables qu'amafferoient tous ceux qui ferviroient fous fes Enfeignes, & les grands avantages qu'ils devoient trouver dans une Province fi fortunée & fi abondante. Ses difcours eurent tant d'effet, qu'en peu de tems il fe vit à la tête d'une Armée nombreuse, avec laquelle il s'embarqua, & fe rendit en Espagne par le Détroit de Gibraltar. Taric & les autres Officiers. Généraux & Subalternes le reçurent comme leur Supérieur. Le premier foin de Muza fut de conférer avec eux comme avec des perfonnes qui étoient plus au fait que lui des affaires d'Efpagne, fur la maniére de conquérir cette Péninfule. Il fut réfolu dans le Confeil, que puifque les Gots n'avoient aucune Armée pour arrêter les progrès, il falloit diviser toutes les Troupes en trois Corps, afin de pénétrer dans le Païs par trois côtés différens. Muza retint pour lui le principal Corps de l'Armée, Taric lui fervant de Lieutenant Général; il donna le Commandement du fecond à Abdalaziz son fils, & celui du troifiéme à un des principaux Officiers. Abdalaziz fut chargé de faire la Conquête des Côtes de la Méditerranée, l'autre Général celle de toutes les Côtes de l'Océan, & Muza garda pour lui celle de l'intérieur & du principal de l'Espagne.

Défolation

L'Armée étant ainfi divifée, chaque Général commença affreufe dans à s'avancer avec fes Troupes vers les Quartiers qui leur toute l'Espa- étoient défignés, portant par tout le fer & le feu, afin de

gae.

ANNE'E

J. C.

DE

* L'Abbé de Vayrac donne à Taric de même que Mariana toutes les expéditions faites cette année, fuivant Ferreras, par Muza, fous prétexte que celui-ci n'étoit point encore en Espagne, lorf qu'on les fit. Or, comme il paroît conyenir par l'ordre qu'il obferve dans fa narration, que Muza paffa en Espagne

au commencement de l'année 713. il suit
qu'il renverfe la Chronologie de ces
événemens. A l'égard du P. d'Orléans,
il fuffit de dire, que pour cette fameufe
révolution, il fe conforme en tout à
Mariana & principalement dans la
Chronologie.

ERE D'ES

PAGNE.

751.

jetter la terreur & de faire perdre aux Peuples l'envie de ERE D'ES réfifter. Arrivés devant les grandes Places, ils offroient ANNE'E DE

PAGNE.

J. C.

751.

713.

aux Habitans de leur laiffer le libre exercice de la Religion
Chrétienne, de conferver leurs Loix & leurs Ufages, de
permettre que la justice fût rendue par les Comtes ou les
Juges qu'ils nommeroient eux-mêmes, & de n'exiger d'eux
que les mêmes Tributs qu'ils avoient coûtume de païer aux
Rois Gots. Plufieurs Villes fe rendirent à ces conditions,
que les Mahométans obfervoient, fuivant qu'ils jugeoient à
propos, & celles qui oferent fe défendre, éprouverent les
plus grandes cruautés que l'on puiffe imaginer, & enfin
leur destruction. Un de ces Généraux alla de Cordoue avec
fes Troupes paffer la Sierra-Morena, & entra dans le Païs,
que l'on nomme aujourd'hui la Manche. Il fe préfenta devant
Öret, qui n'aïant pas voulu fe foumettre, fut emportée de
force, & enfuite baignée du fang de fes Citoïens & démolie.
A la vûe de tant de Barbarie, les Espagnols infortunés fe
retiroient dans le centre du Païs avec tout ce qu'ils pou-
voient emporter; de forte que les Maures entroient par-
tout où ils vouloient, fans la moindre résistance. Cepen-
dant les Infidéles violoient impunément toutes les condi-
tions des Traités qu'ils faifoient avec ceux qui fe rendoient
par compofition ; ils outrageoient les Images, ils profa-
noient les Vases Sacrés, & tout ce qui fervoit au Culte de
Dieu; & des Eglifes, ils en faifoient des Temples de leur
Secte superstitieufe & maudite. Les Chrétiens qui ne pou-
voient voir ces impiétés qu'avec la plus vive douleur, tâ-
choient de cacher les Images, les Vafes Sacrés & tous les
Ornemens des Eglifes, ou de les emporter avec eux, afin
de les mettre à couvert des mépris facriléges de ces furieux.
C'est ce qui a fait, au jugement des perfonnes les plus fen-
fées, qu'avec le tems, on a trouvé depuis en Efpagne, un fi
grand nombre d'Images de Jefus - Christ & de la Sainte
Vierge.

Muza s'étant mis en Campagne avec fes Troupes, affié-
gea Mérida, qui fut contrainte de fe rendre au commence-
ment du mois de Juin, après avoir tenu quelque tems. Il
s'avança enfuite vers Toléde, dans le deffein de s'en empa
rer. Sur la nouvelle de fa marche, les pieux Chrétiens s'en- Tranfport de
fuirent dans le Païs qu'on appelle aujourd'hui le Roïaume plufieurs Re-
de Léon & dans la Vieille-Caftille, jufqu'aux Montagnes

« AnteriorContinuar »