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fier feul aux montagnes & aux fleuves.

L'origine d'un Peuple de Tartares Orientaux, nommés Kao-Kiuli, de la race des Fou-Ya, reffemble affez pour les Fables dont elle eft mêlée, à nos fictions d'Occident; & l'Hiftoire Romaine, toute grave & férieufe qu'elle eft, nous présente des idées femblables à celle que je vais rapporter de ces Peuples. Le Prince des Kao-Kiuli avoit en fa puissance une fille du Dieu Hohang-Ho, qu'il tenoit renfermée dans une prifon. Un jour qu'elle fut frappée de la reverberation du Soleil, elle conçut ; & elle accoucha d'un Oeuf, qu'on rompit, & dans lequel on trouva un enfant mâle. Lorsqu'il fut grand, on lui donna le nom de Tchu-Mong, qui fignifie un bon Nocher. Le Roi du Pays, qui le prit en affection, le mena un jour à la chaffe, & ayant vû fon adreffe, il conçut de la jaloufie contre lui. Tchu-Mong s'en étant apperçu, prit la fuite, & prêt à tomber entre les mains de ceux qui le pourfuivoient, au paffage d'une Riviere il adreffa fa priere au Soleil fon pere. Alors les poiffons de la Riviere ayant paru fur la furface de l'eau, lui fournirent un pont fur lequel il la traverfa. Les Fables de la naiffance de Perfée, & de celle des enfans de Leda, font-elles moins extravagantes? (a)

Si nous connoiffons des Peuples qui facrifioient leurs enfans à leurs fauffes Divinités, & fi les Grecs immolerent Iphigenie pour obtenir un vent favorable, le Pere Du Halde ne rapporte-t-il pas qu'on lit dans les Hiftoires les plus anciennes, qu'il y a des Infulaires dans la mer Orientale, qui vont tous les ans pendant la feptiéme Lune, noyer folemnellement une jeune Vierge?

Si les Romains publierent que leur Janus avoit deux, &même quatre faces, comme on le voit fur des monumens anciens, les Indiens n'ont-ils pas leur Idole Menipe, qui a plufieurs têtes de différentes figures? Ces mêmes Indiens ne publient-ils pas qu'il y a un Pays, où les hommes ont deux vifages, qu'ils font d'ailleurs très-farouches, qu'ils n'ont aucun langage, & fe laiffent mourir de faim quand on les a pris? Ils ajoutent qu'on en avoit pris un vêtu de toile, qui fortoit

(a) Voyez le quatriéme Volume de l'Hiftoire de la Chine du Pere Du Halde, pag. 3.43.

de

de la mer: hiftoire à peu près femblable à celle d'Oannès, dont on a parlé plus haut.

Si les Egyptiens, & Pythagore après eux, ont enfeigné la Metempłycofe, cette doctrine n'eft-elle pas repandue dans toutes les Indes, & ne fait-elle pas le fond de l'idolâtrie de Foé? Ce qui eft fi vrai que le grand Lama, qui fe dit un Fo vivant, publie qu'il eft né plufieurs fois, & qu'il renaîtra encore ; enforte que quand il meurt, on cherche avec foin l'enfant fous la figure duquel il reparoît, pour le mettre à fa place: & quoiqu'on voye bien que c'est un enfant qu'il a sçu difpofer à lui fucceder, & dont les autres Lamas fes confidens fçavent le myftêre, cependant ce jeu dure depuis plufieurs fiecles, fans que le peuple ait là-deffus la moindre méfiance.

On a dit dans l'origine des fables qu'une Philofophie groffiere avoit donné lieu à en introduire un grand nombre : peutêtre n'y en eut-il jamais une auffi extraordinaire dans la Grece, que l'étoit celle des Philofophes Chinois au fujet du flux & reflux de la mer. Une Princeffe, difoient-ils, eut cent enfans; cinquante habiterent les rivages de la mer, & les cin-. quante autres les montagnes. De-là vinrent deux grands Peuples, qui ont fouvent guerre enfemble. Quand ceux qui habitent les rivages ont l'avantage fur ceux des montagnes, & les pouffent devant eux, c'eft le flux; quand ils en font repouffez & qu'ils fuyent des montagnes vers les rivages, c'eft le reflux. Cette maniere de philofopher, dit Monfieur de Fontenelle de qui j'ai emprunté ce trait, reffemble affez aux Metamorphofes d'Ovide: tant il eft vrai que la même ignorance a produit à peu près les mêmes effets chez tous les Peuples.

Telles font les Cofmogonies & les Theogonies des Peuples les plus anciens. Les autres dont la Religion & les fables entreront dans la fuite de cet ouvrage, quoique livrés aux tenebres de l'Idolâtrie la plus groffiere, n'avoient pas l'efprit affez Philofophique pour rien imaginer fur la formation du monde, ou fur l'origine des Dieux, qu'ils fe contentoient d'honorer fuivant la tradition de leur pays.

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De la Theologie Payenne, & en particulier de celle des Poëtes.

A

PRES avoir expofé les differentes Theogonies des Anciens, c'est-à-dire, les Theologies particulieres à chaque nation, il ne fera pas inutile de faire connoître plus en particulier la Theologie generale du Paganisme, fur-tout celle des Grecs & de leurs Poëtes. Mon deffein n'eft pas d'en developper toutes les horreurs, la chofe feroit aujour d'hui inutile. Les premiers Peres de l'Eglife, & les Apologiftes de la Religion Chrétienne, qui s'y trouvoient obligés puifqu'il étoit neceffaire de fapper les fondemens du Paganifine, qui étoit la Religion dominante de leur temps, ont dû le faire, & ils s'en acquitterent avec tant d'érudition & tant de force, qu'ils obligerent enfin les Philofophes les plus éclairés, à expliquer par des allegories, fouvent ingenieuses, un systême dont l'expofition feule faifoit horreur. Ce fut là où les reduifirent Saint Juftin, Arnobe, Athenagore, Lactance, Clement d'Alexandrie, Minucius Felix; mais fur-tout Tertullien par fon Apologetique, l'une des plus excellentes pieces que l'antiquité nous ait confervée, & S. Auguftin, dans fa Cité de Dieu; ouvrage qu'on peut regarder indépendament des autres vûës de fon Auteur, comme un tréfor de Litterature profane.

A parler exactement, les Philofophes n'attendirent pas le temps des grands hommes que je viens de nommer, pour appercevoir le ridicule de leur Theologie. L'allegorie avoit commencé à venir au fecours des fables monftrueuses, mêlées avec la Religion, plus de 400. ans avant l'Ere chrétienne. Platon l'avoit mife en ufage, & fes Difciples la firent valoir. Pythagore même, long-temps avant Platon, avoit expofé la Religion dominante de fon temps, d'une maniere qui en faifoit difparoître une partie des abfurdités; mais ce que j'ai voulu dire, c'eft que cette même allegorie, ne fut

jamais plus en vogue, que du temps de Jamblique & de Porphyre, qui vivoient l'un & l'autre dans les premiers fiecles du Chriftianifme. J'examinerai, dans les reflexions que je ferai fur l'Idolâtrie, le peu de fuccès qu'eut la maniere allegorique d'expliquer les fables & les myfteres de la Religion; & je ferai voir que malgré les fubtilités des Philofophes qui l'employoient, cette même Religion & les fables, fur lefquelles elle étoit fondée, fubfifterent toujours, jusqu'à la deftruction entiere du Paganisme. Entrons maintenant en

matiere.

Varron diftinguoit trois fortes de Theologies, la Fabuleuse,, la Physique qui, & la Politique, oxitxý, ce que S. Auguftin traduit par ces mots, fabularis, naturalis vel philofophica, civilis. La premiere étoit la Theologie des Poëtes; la feconde, celle des Philofophes; & la troifiéme, celle des Miniftres de la Religion. Varron a tâché de faire valoir cette diftinction, dont on croit auteur Quintus Scevola, fouverain Pontife, celui-là-même qui fut tué ces meurtriers qu'employoit Marius.

par un de

Dei.

La Theologie des Poëtes étoit rejettée par ·les fages du Paganisme. Varron, ainfi que le rapporte S. Auguftin (1), (1) De civ. avouoit qu'elle mettoit fur le compte des Dieux, des actions qu'on auroit honte d'attribuer au dernier des hommes. Denique, in hac omnia Diis attribuuntur, quæ non modo in hominem, fed etiam in contemptiffimum hominem cadere non poffunt. Varron ne defaprouvoit pas la feconde efpece de Theologie, qui étoit celle des Philofophes; mais il croyoit qu'elle devoit être renfermée dans l'Ecole, parce qu'elle difcouroit librement de la nature des Dieux, ce qui, felon lui, étoit dangereux.

La troifiéme efpece de Theologie formoit le fyftême de la Religion, & étoit le fondement du culte qu'on rendoit aux Dieux ; & fi elle n'étoit pas la plus eftimée par les habiles gens, elle étoit du moins la plus refpectée, & la feule qui füt fuivie dans la pratique. La Theologie Poëtique, étoit donc profcrite, comme on vient de le voir; cependant elle a trouvé des partifans dans ces derniers temps. Plusieurs Auteurs modernes charmés des beaux traits qu'on trouve de temps en temps dans les ouvrages des Poëtes, touchant les

(1) Lect. des Poetes.

verités les plus fublimes, en ont parlé avec tant d'éloges; qu'il femble qu'on doive les regarder comme d'excellens: Theologiens. Le Pere Thomaffin, Prêtre de l'Oratoire, a recueilli avec un grand foin (1) tout ce qu'ils ont dit sur la Divinité & fur la morale, & il a crû y appercevoir plufieurs traits conformes à l'Ecriture fainte & à la lumiere naturelle. L'Auteur du Livre intitulé Homere Hebraizant, ne s'eft pas contenté de regarder les Poëtes comme de grands Theologiens, il a entrepris de prouver qu'Homere, dans fes deux Poëmes, avoit copié en plufieurs endroits, Moyfe & lesSy intell. Prophetes. Un celebre Anglois (2), après avoir fait l'éloge de la Theologie des Poëtes, fur-tout de celle d'Or-phée, rapporte ce qu'ils ont dit de plus beau fur la Divinité. Enfin un Auteur moderne, à qui fes ouvrages ont attiré plus d'une difgrace, eft allé encore plus loin que ceux que je viens de nommer, puifque dans fes remarques fur Virgile, il ne fait point difficulté de préférer ce Poëte à la plûpart de nos Theologiens: prétendant qu'il a eu fur la Divinité & fur la Providence, les idées les plus ortodoxes. It a eu même la temerité de comparer la conduite de Jupiter à l'égard d'Enée, à celle de Dieu fur David..

(2) Cudwort.

A entendre ces Auteurs, prefque toutes les verités les plus effentielles fe trouvent dans les ouvrages des Poëtes. La pieté, & le culte du vrai Dieu y font enfeignés d'une maniere fublime, quoiqu'enveloppés d'images fenfibles. Telles font parmi ces verités, l'unité d'un Dieu, fa toute-puiffance, fa bonté infinie, fon immensité, fon éternité. Le Confeil des Dieux, dont parle Homere, & où Jupiter préfide toûjours, eft selon eux, une imitation de ces confeils myfterieux que Dieu tient, dans le Livre de Job, avec les Anges. Lorfqu'ils ont dit que tous les biens & tous les maux partoient de la main de Dieu, par le miniftere des Dieux fubalternes, c'est une copie de ce que l'Ecriture dit des Anges, qui font fes> miniftres. Quand ils donnent à Jupiter une prééminence fi marquée, il est évident, que fous ce nom ils ont entendu le vrai Dieu, & non Jupiter fils de Saturne, & Roi de Crete. Enfin, lorsqu'Aratus dir que tout eft plein de Dieu, la terre, la mer, les campagnes, l'homme même, ou comme:

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