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A PRE's avoir parlé affez au long des principaux Oracles, il eft bon de dire quelque chofe de ceux qui étoient moins célebres. Apollon étoit celui des Dieux, qui en avoit le plus grand nombre. Celui de Claros, ville d'Ionie, près de Colophon, quoique moins ancien que plufieurs autres, étoit cependant très-fameux, & très fouvent confulté. On croit que la ville de Claros fut fondée par Manto, fille de Tirefias, après la feconde guerre de Thebes, quelques années avant l'époque de la prife de Troye. Cette fille, dont l'Antiquité conte plufieurs merveilles fur le don qu'elle avoit de prédire l'avenir, déplorant les malheurs de fa Patrie, fondit en larmes, & fes pleurs formerent une fontaine & un lac, dont l'eau, lorfqu'on en bûvoit, communiquoit le don de Prophetie: mais comme cette eau n'étoit pas faine, elle caufoit auffi (1) Liv. 2. des maladies & abregeoit la vie. Pline qui en parle (1) s'exprime ainfi Colophone in Apollinis Clarii fpecu lacus est, cujus potu mira redduntur oracula, bibentium breviore vitâ.

ch. 103.

Ethn. dur.

tu. p. 159.

Le même Dieu en avoit grand nombre d'autres, dont je (2)De Orac. vais, après Van-Dale (1), nommer les principaux. Il y en avoit atque interi- un, & qui fut très-célebre, dans le fauxbourg de Daphné à Antioche. Selon Lucain, un dans l'Ifle de Delos, où l'on croyoit qu'il étoit né. Selon Herodote, un à Didyme chez les Branchides. Un à Argos, comme nous l'apprend Paufanias. Dans la Troade, & dans l'Æolide, fuivant Stephanus; à Bayes en Italie, ainsi qu'on l'apprend de Capitolin; dans la Cilicie, en Egypte, dans les Alpes, dans la Thrace, à Corinthe, dans l'Arcadie, dans la Laconie; enfin, dans une infinité d'autres endroits, comme on peut le voir dans l'endroit de l'Auteur moderne que je viens de citer.

Quoique les autres Dieux fuffent moins bien partagés qu’Apollon, le Dieu de la divination, ils avoient pourtant pref que tous des Oracles. Jupiter, outre celui de Dodone, & quelques autres dont il partageoit l'honneur avec Apollon, en avoit un dans la Beotie, fous le nom de Jupiter le foudroyant,

&

& un autre dans l'Elide (1). Un à Thebes & à Meroé (2); un (1) Strabon. près d'Antioche, & plufieurs autres. Efculape étoit confulté (2) Herodote. dans la Cilicie, à Apollonie, dans l'Ifle de Cos, à Pergame, à Epidaure, à Rome, & ailleurs. Mercure à Patras, fur l'Hemon, & en d'autres endroits encore. Mars, dans la Thrace, dans l'Egypte & ailleurs. Hercule, à Gadès, à Athenes, en Egypte, à Tivoli, dans la Mefopotamie, où, fuivant Tacite, il rendoit fes Oracles par les fonges; ce qui lui avoit fait donner le nom de Somnialis, ainfi qu'on le voit dans une Infcription de Spon, & dans une autre rapportée par Reinefius. Ifis, Ofiris, & Serapis, rendoient de même leurs reponfes par les fonges, comme nous l'apprennent Paufanias, Tacite, Arrien, & plufieurs autres. Cette maniere de rendre des Oracles, pour le dire en paffant, étoit très-ordinaire: de là le fens de ces Infcriptions rapportées par Gruter, dans lesquelles on lit; Ex vifu Dea: vifu jussa posuit: vifu monitus: Jomnio monitus, &c. Celui d'Amphilocus dont parle Dion, fe rendoit auffi en fonge. Le boeuf Apis avoit aufli fon Oracle en Egypte; la maniere dont on le confultoit, étoit finguliere. S'il mangeoit ce que le confultant lui offroit, c'étoit une bonne marque ; & une mauvaise lorfqu'il le refufoit, comme il arriva à Germanicus. C'étoit à peu près ce qui fe pratiquoit à Rome pour les Augures bons ou mauvais, par rapport aux Poulets facrés; comme fi l'avenir avoit dépendu de l'appetit ou de la fatieté du bœuf Apis, & des Poulets.

Les Dieux Cabires fi nous nous en rapportons à S. Athanafe, avoient leur Oracle dans la Béotie. Diane, fœur d'Apollon, n'en manquoit pas : elle en avoit un en Egypte (3), dans (3) Herodote, la Cilicie, à Ephefe, fans parler de plufieurs autres. Virgile fait mention de celui de Faunus en Italie. Ceux de la Fortune à Preneste, & des Sorts à Antium, font trop connus, pour qu'il foit neceffaire de s'étendre fur ce fujet. Les Fontaines, qui avoient, comme on fçait, chacune leur Divinité, rendoient auffi des Oracles: telles étoient en particulier, la Fontaine de Caftalie à Delphes, une autre de même nom dans le faubourg d'Antioche, & la Fontaine veridique, près du Temple de Cerès dans l'Achaïe. Ce que dit Pline de celle de Limyre, eft fort fingulier : elle rendoit fes Oracles par le moyen

des poiffons. Les confultans leur prefentoient à manger: fi les poiffons fe jettoient deffus, c'étoit un augure favorable pour l'évenement fur lequel on venoit les interroger; s'ils le refufoient, en le rejettant avec leur queue, c'étoit la marque d'un mauvais fuccès (a).

Junon avoit plufieurs Oracles: un près de Corinthe, à Nyfa, & en d'autres endroits. Latone, felon Herodote, en avoit un à Butès en Egypte. Leucothoé avoit le fien dans la Colchide, fuivant Strabon. Memnon, dans l'Egypte, comme Tacite & Lucien nous l'apprennent. Machaon, à Gerania dans la Laconie, fuivant Paufanias. Minerve, qui portoit le nom de Fatidica, ne manquoit pas par confequent d'Oracles: elle en (1) Herodote. avoit un en Egypte (1), dans l'Efpagne, fur le mont Ethna, à Mycenes, dans la Colchide, & encore ailleurs. Ceux de Neptune étoient à Delphes & à Calaurée, près de Neocefa(2) Paufanias. rée, & ailleurs (2). Les Nymphes avoient le leur dans l'Antre de Corycie. Pan en avoit plufieurs, dont le plus celebre étoit celui d'Arcadie. Celui des Palices, felon Macrobe, Virgile,

(3) Voyez & Stephanus, étoit dans la Sicile (3).

leur hiftoire.

Pluton en avoit un à Nyfa, comme on l'apprend de Strabon. Saturne en avoit en plufieurs endroits, mais les plus celebres étoient celui de Cumes en Italie, & celui d'Alexandrie en Egypte. Lucien parle de celui de la Déeffe de Syrie ; Gruter, de celui de Sylvain. Ceux de Venus étoient repandus en plufieurs endroits, à Gaze, fur le mont Liban, à Paphos, dans l'Ifle de Cypre, &c. Serapis en avoit un à Alexandrie, que Vefpafien alla confulter; le Prêtre qui le deffervoit, ne voulut lui reveler qu'en fecret les chofes qu'il avoit à lui dire, fur les grands deffeins qu'il meditoit : furquoi je remarquerai en paffant, qu'il étoit très-rare que ceux qui venoient confulter les Oracles, euffent la permiffion d'entrer dans le Sanctuaire ; & Van-Dale qui a épuifé la matiere, n'en connoît que deux exemples, celui d'Alexandre, qui au rapport de Plutarque après Callifthene, entra feul dans le Sanctuaire d'Ammon; & celui de Vefpafien, lequel fuivant Tacite, fut introduit dans celui de Serapis.

(a) Fons Limyra tranfire folet in loca vicina, portendens aliquid: nimirum qued curm

Je ne fçaurois paffer fous filence celui de Venus Aphacite, dont parle Zozime, & qui fut confulté par les Palmyreniens, revoltés fous l'Empire d'Aurelien, vers l'an de Jefus-Chrift 272. Aphaca étoit un lieu entre Heliopolis & Byblos, où Venus avoit un Temple, près duquel étoit un lac femblable à une citerne. Ceux qui venoient confulter l'Oracle de cette Déeffe, jettoient dans le lac des prefens, & il n'importoit de quelle efpece ils fuffent. S'ils étoient agréables à Venus, ils alloient au fond; fi elle les rejettoit, ils furnageoient, fuft-ce de l'or ou de l'argent. L'Hiftorien que je viens de nommer ajoute, que l'année qui preceda la ruine des Palmyreniens, leurs prefens allerent à fond, mais que l'année fuivante tout furnagea.

Un Dieu, fort peu connu des Mythologues, nommé Befa, avoit fuivant Ammian Marcellin, à Abyde dans l'extrêmité de la Thebaïde, un Oracle, qui fe rendoit par des billets cachetés. Zozime raconte que l'on envoya à Conftantius, de ces billets qui avoient été laiffés dans le Temple de ce Dieu. L'Empereur fit faire des informations très-rigoureuses, & jetta en prison, ou envoya en exil un affez grand nombre de perfonnes: apparemment qu'on avoit confulté cet Oracle fur la deftinée de l'Empire, ou fur le fuccès de quelque deffein que l'on avoit formé contre l'Empereur.

On ne croiroit pas que Geryon, ce monftre à trois têtes qui fut tué par Hercule, eût du avoir un Oracle : il en avoit un cependant, auffi bien que fon vainqueur. Cet Oracle étoit en Italie, près de Padoue, & Tibere même alla le confulter, au rapport de Suetone (1). Là étoit la fontaine d'Apon, la- (1) in Tiber. quelle, fi on en veut croire Claudien, rendoit la parole aux muets, & guériffoit toutes fortes de maladies. Celui d'Hercule étoit à Tibur, & fe rendoit par les Sorts; comme le dit Stace, à peu près comme ceux de la Fortune à Preneste & à Antium, ainfi que je l'expliquerai dans la fuite.

J'ai parlé des Fontaines dont l'eau avoit le don de prédire l'avenir. Les Fleuves ne jouiffoient pas de la même prérogative: on en trouve cependant un qui étoit privilegié, & qui, pifcibus tranfit. Refponfa ab his petunt incolæ cibo, quem rapiunt annuentes: Si verò eventum negent, caudis abigunt. Plin. Liv. 31. C. 2.

(1) Sur levers de la Thebaid. (2) Sur le mê

413.du Liv. 7.

me Auteur. Liv. 9. v.658.

Naziance.

felon Pline le jeune, avoit un Oracle. C'étoit Clitumne, fleuve d'Ombrie. Le Temple de ce Dieu, dit cet Auteur, eft ancien & fort refpecté: Clitumne eft là habillé à la Romaine. Les Sorts marquent la prefence & le pouvoir de la Divinité. Il y a auffi dans le même lieu plufieurs Chapelles dont quelques unes ont des fontaines & des fources; car Clitumne eft comme le pere de plufieurs autres petits fleuves, qui viennent fe joindre à lui.

Ce n'étoient pas feulement les Dieux, qui avoient des Oracles: les Demi-Dieux & les Heros en avoient auffi. Lutatius (1) parle de celui de Caftor & Pollux, qui étoit à Lacedemone. Barthius (2) fait mention de celui d'Amphiaraüs à Orope dans la Macedoine ; & Mopfus en avoit auffi un dans la Cilicie, comme les Anciens nous l'apprennent. La tête d'Orphée, felon Ovide, en rendoit à Lefbos; Amphiloque, à Malles, Sarpedon, dans la Troade, Hermione, dans la Macedoine, Pafiphaé, dans la Laconie, ainfi que nous l'apprenons de Tertullien, qui cite dans fon Livre de l'Ame, l'Ouvrage d'Her(3) Strabon. mippus : Calchas, dans l'Italie (3); Ariftée, dans la Béotie (4) ; (4) Greg. de Autolycus, à Sinope (5); Phryxus, chez les Colques : celui de (5) Strabon. Rhefus étoit à Pangée: Ulyffe, fi nous en croyons l'ancien Commentateur de Lycophron, avoit auffi un Oracle; ainfi que Zamolxis parmi les Gétes, fi nous nous en rapportons à Strabon, fans parler d'un grand nombre d'autres. Il n'y eut pas jufqu'à Epheftion favori d'Alexandre, & Antinoüs, qui n'euffent des Oracles. Après la mort du premier, Alexandre voulut abfolument, pour fe confoler, qu'Epheftion fût Dieu, & tous les Courtifans de ce Prince y confentirent fans peine. Auffi-tôt voila des Temples que l'on bâtit en plufieurs villes ; des Fêtes qu'on inftitue en fon honneur, des Sacrifices qu'on lui fait; des guerifons qu'on lui attribue : & afin qu'il n'y manquât rien, des Oracles qu'on lui fait rendre.

Hadrien fit les mêmes folies pour Antinoüs: il fit bâtir en memoire de lui la ville d'Antinopolis, lui donna des Temples & des Prophetes, dit S. Jerôme; or il n'y avoit des Prophetes que dans les Temples à Oracles. Nous avons encore une Infcription grecque qui porte,

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