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fentiment, ce que dit Herodote (1), qu'Io fut enlevée par des (1) Liv. tà Marchands Pheniciens, à Argos ville floriffante; car outre que cette ville ne prit ce nom que d'Argus fon quatriéme Roi, pouvoit-elle être floriffante du temps d'Inachus fon fon

dateur?

On convient qu'il y eut dans la Grece une Princesse nommée Io, foit qu'elle fût fille d'Inachus, ou d'Iafus; qu'elle fut aimée d'un Prince qui portoit le nom de Jupiter, & que c'eft celui-là même que l'ancienne Mythologie a appellé le Jupiter d'Argos (a). On eft d'accord même avec Herodote, qui dit au commencement de fon Hiftoire, que cette Princeffe fut enlevée par des Marchands Pheniciens, en reprefailles de ce qu'on avoit autrefois enlevé Europe, fille d'Agenor Roi de Phenicie; mais elle ne paffa jamais en Egypte, & on ne peut pas la confondre avec Ifis, plus ancienne qu'elle de plufieurs fiecles, fans renverfer toutes les traditions des Egyptiens. Io fut perfecutée par Junon, qui lui fit parcourir toute la terre; Ifis qui le fut par fon beau-frere Typhon, ne fortit jamais d'Egypte. L'une après avoir été la maîtreffe d'un Roi d'Argos, fut enfuite enlevée par des Etrangers; l'autre eut pour époux fon frere Ofiris, & vêcut avec lui dans une grande union. Ifis apprit aux Egyptiens plufieurs arts utiles à la vie ; on ne raconte rien de pareil d'fo. Qu'est-ce qui peut donc avoir donné lieu aux Grecs de confondre ces deux perfonnes? Je reponds que ce fut l'introduction du culte d'Ifis dans la Grece, fur tout dans la ville d'Argos. Car, comme le remarque judicieusement Herodote, l'introduction du culte de quelque Dieu dans un pays étranger, étoit regardée comme la naiffance de ce même Dieu dans le lieu où ce culte étoit établi. Inachus apprit aux Grecs à honorer Ifis; les Grecs la regarderent comme fa fille. Cecrops dans la fuite porta dans l'Attique le culte de Minerve, honorée à Saïs fa patrie, on publia de même que cette Déeffe, que les Grecs nommoient Athené, étoit la fille de ce Prince. Dés-là on voit combien eft jufte la reflexion d'Herodote, & en même temps qu'il ne chercher d'autre origine à cette fable.

faut pas

Pour ce qui regarde les perfecutions de Junon, qu'Ovide (a) Voyez l'Hiftoire de Jupiter T. 2,

(1) Liv. 1.

d'Ifis & d'Ofi

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leur

raconte dans un fi grand détail, on peut dire avec beaucoup de vraisemblance, que ce Poëte a fait allusion à la jalousie de la femme du Roi d'Argos, qui peut-être fit fouffrir bien des maux à fa rivale; & que fi le mari portoit le nom de Jupiter la femme pouvoit fort bien fe faire appeller Junon. Mais il eft temps de rapporter la veritable Hiftoire d'Ifis & d'Ofiris. Les Egyptiens, au rapport de Diodore de Sicile (1), & de (2) Traité Plutarque (2), affûroient que cette Princeffe étoit née dans pays, qu'elle époufa Ofiris, que celui-ci vivoit avec elle dans une parfaite union, & qu'ils s'appliquoient l'un & l'autre à polir leurs Sujets, à leur enfeigner fagriculture, & plufieurs autres arts neceffaires à la vie. Diodore ajoute qu'Ofiris ayant formé le deffein d'aller jufques dans les Indes pour les conquerir, moins par la force des armes que par la douceur, il leva une armée compofée d'hommes & de femmes ; & après avoir établi Ifis Regente de fon Royaume, & laiffé près d'elle Mercure & Hercule, dont le premier étoit Chef de fon Confeil, & le fecond Intendant des Provinces, il partit pour fon expedition, où il fut fi heureux, que tous les Pays où il alla fe foumirent à fon empire. Son voyage fut un triomphe perpetuel. Le même Auteur dit qu'il parcourut d'abord l'Ethiopie, où il fit élever des digues contre les inondations du Nil; que de là il traverfa l'Arabie, les Indes, & vint enfuite en Europe, parcourut la Thrace & les Contrées voisines, laiffa partout des marques de fes bienfaits, ramena les hommes, alors entierement fauvages, aux douceurs de la focieté civile; leur apprit l'agriculture, à bâtir des villes & des bourgs; & revint comblé de gloire après avoir fait élever dans les lieux où il avoit paffé, des Colomnes & d'autres Monumens fur lefquels étoient gravés fes exploits. Voilà, pour le dire en paffant, les conquêtes, tant chantées par les Poëtes, du fameux Dionyfus ou Bacchus, comme nous le prouverons. ailleurs.

Ce Prince étant de retour en Egypte, trouva que fon frere Typhon avoit fait des brigues contre le Gouvernement, & (3) De error. s'étoit rendu redoutable: Julius Firmicus (3) ajoute même qu'il prof. Relig. avoit fuborné fa belle-four Ifis. Ofiris qui étoit un Prince pacifique, entreprit de calmer cet efprit ambitieux; mais Typhon,

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bien-loin de fe foumettre à fon frere, ne fongea qu'à le perfecuter & à lui dreffer des embûches. Plutarque (1) nous ap- (1) De If.& prend de quelle maniere enfin il lui fit perdre la vie. Typhon, of dit-il, l'ayant invité à un fuperbe feftin, propofa après le repas aux Conviés, de fe mefurer dans un coffre d'un travail exquis, promettant de le donner à celui qui feroit de même grandeur. Ofiris s'y étant mis à fon tour, les Conjurés fe leverent de table, fermerent le coffre & le jetterent dans la Nil.

Ifis informée de la fin tragique de fon époux, fe mit en devoir de chercher fon corps; & ayant appris qu'il étoit dans la Phenicie, caché fous un tamarin où les flots l'avoient jetté, elle alla à la Cour de Byblos, où elle fe mit au fervice d'Aftarté, pour avoir plus de commodité de le découvrir. Enfin après des peines infinies elle le trouva, & fit de fi grandes lamentations, que , que le fils du Roi de Byblos en mourut de regret; ce qui toucha fi fort le Roi fon pere, qu'il permit à Ifis d'enlever ce corps, & de fe retirer en Egypte. Typhon informé du deüil de fa belle-four, ouvrit le coffre, mit en pieces le corps d'Oliris, & en fit porter les membres en differens endroits de l'Egypte. Ifis ramaffa avec foin fes membres épars, les enferma dans des cercueils, & confacra les reprefentations des parties qu'elle n'avoit pu trouver: de- là l'ufage du Phallus devenu fi celebre dans toutes les ceremonies religieufes des Egyptiens. Enfin après avoir repandu bien des larmes, elle le fit enterrer à Abyde, ville fituée à l'occident du Nil. Que fi les Anciens placent le tombeau d'Ofiris en d'autres endroits, c'eft qu'Ifis en fit élever un pour chaque partie du corps de fon mari, dans le lieu même où elle l'avoit

trouvée.

Cependant Typhon fongeoit à affermir fon nouvel Empire; mais Ifis ayant donné quelque relâche à son affliction, fit promptement affembler fes Troupes, & les ayant mises fous la conduite d'Orus fon fils, ce jeune Prince poursuivit le Ty ran, & le vainquit dans deux batailles rangées.

ARTICLE I I.

Hifloire de Typhon.

LA fable de Typhon eft un des myfteres des plus obfcurs de la Mythologie. Les Grecs & les Latins qui n'en fçavoient pas l'origine, n'ont fait que l'obfcurcir encore davantage, en voulant la transporter felon leur coutume, dans leur Hiftoire. Fondés fur les traditions, qu'ils avoient apprifes par leur commerce avec les Egyptiens, ils firent de Typhon un monftre également horrible & bizarre, que la jaloufe Junon avoit, difoient-ils, fait fortir de terre, pour fe venger de Latone fa rivale. Cette Déeffe, au rapport de l'Auteur d'un Hymne qu'on attribue ordinairement à Homere, piquée de ce que Jupiter étoit devenu pere de Minerve fans fa participation, voulut de fon côté être mere fans fon mari. Pour y réuffir, elle alla à l'affemblée des Dieux, & s'y plaignit de ce qu'ayant feule été jugée digne de partager le lit de Jupiter, ce Dieu avoit pour elle tant de mépris, qu'il avoit. mis au monde fans fon fecours, la plus belle & la plus fage Déeffe de l'Olympe, pendant qu'ils n'avoient eu de leur union qu'un Dieu fi difforme, qu'on fut obligé de le chaffer du ciel. Après ce difcours elle defcendit fur la terre, d'où elle fit fortir des vapeurs qui formerent le redoutable Typhon. Hefiode, fans avoir (1). Theog. recours au reffentiment de Junon, dit (1) feulement que ce Géant étoit fils du Tartare & de la Terre. La plupart des Poëtes Latins, ont copié les Grecs. Manilius s'exprime, ainsi :

(2) Liv. 2.

• merito Typhonis habentur

Horrenda fedes, quem Tellus fæva profudit

Cùm bellum cœlo peperit (2)..

Ovide ne s'éloigne gueres de cette opinion, lorsqu'il fait fortir
le Serpent Python, qui eft le même que Typhon, comme
nous le
prouverons dans la fuite, des exhalaifons de la boue
que le Déluge avoit laiffée sur la terre..» La boue que le Dé-
luge laiffa fur la terre, échauffée par l'ardeur du Soleil, for-
→ ma non-feulement des animaux qu'on connoiffoit avant,

D

mais encore des monftres qui jufques-là avoient été inconnus. Elle forma contre fon gré le monftrueux Python, ferpent d'une efpece nouvelle, qui devint par la maffe énorme de » fon corps, la terreur des hommes »

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Ergo ubi Diluvio tellus lutulenta recenti
Solibus æthereis, altoque recanduit aftu,
Edidit innumeras fpecies, partimque figuras
Rettulit antiquas, partim nova monftra creavit ;
Illa quidem nollet, fed te quoque, maxime Python;
Tum genuit (1).

(1) Met. L. 1.

Apollodore fait de Typhon le monftre le plus horrible (2). (2) Liv. 1. Il avoit, dit-il, cent têtes, & de fes cent bouches fortoient des flames devorantes, & des hurlemens fi horribles, qu'il effrayoit également les hommes & les Dieux. Son corps, dont la partie fuperieure étoit couverte de plumes, & l'extrêmité entortillée de ferpens, étoit fi grand qu'il touchoit le ciel de fa tête. Il eut, ajoute cet Auteur, pour femme Echidne, & pour enfans, la Gorgone, Geryon, le Cerbere, l'Hydre de Lerne, le Sphinx, & l'Aigle qui devoroit le malheureux Promethée; en un mot, tout ce qu'il y avoit de plus monftrueux dans le pays des Fables (a). Typhon, ajoute Hygin (3), ne (3) Fab. 152. fut pas plutôt forti de terre, qu'il refolut de declarer la guerre aux Dieux, & de venger les Géants terraffés: car il faut bien diftinguer la guerre des Géants, de celle de Typhon, que quelques Auteurs confondent, contre l'opinion d'Apollodore, qui ne fait naître Typhon qu'après leur defaite (4). Pour cela (4) Apollod. il s'avança contre le ciel, & épouvanta fi fort les Dieux par Heide, fon horrible figure, qu'ils prirent tous la fuite. L'Egypte leur parut propre pour se derober aux pourfuites de ce redoutable ennemi; mais comme il ne leur donnoit aucun relâche, ils furent obligés de prendre la figure de differens animaux. Jupiter fe changea en belier, Apollon en corbeau, Bacchus en

(a) Hefiode, qui dans fa Theogonie diftingue Typhoé d'avec Typhon, fait dur premier à peu près le même portrait, & dit que de lui fortirent les Orages. Puis parlant de Typhon, il dit qu'il fut marié avec Echidne, dans les antres de la Syrie, & qu'il en eut les enfans que je viens de nommer.

Hefiode, Ovi

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