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CHAPITRE II I.

Voyages aux Ifles du Cap-Verd.

AVANT D'ENTRER dans aucun détail fur Roberts. le continent d'Afrique, nous jeterons un regard

fur les Illes du Cap-Verd que l'on rencontre entre le Tropique & la Ligne, dans la route des Indes par la grande mer. Le Capitaine Anglais Roberts fera notre guide. Nous nous arrêterons d'abord fur fes aventures, parce qu'elles peignent les mœurs de la piraterie, mœurs affez extraordinaires pour mériter d'être connues. Enfuite nous pafferons à la description de ces Isles, en fuivant toujours le récit de ce même Roberts qui, dans le fejour qu'il y fit, eut le temps de les obferver en Voyageur & en Commerçant.

Roberts partit pour la Virginie, en 1721, fur le vaiffeau du Capitaine Scot. Arrivé à la Virginie, il devait prendre le commandement d'un navire nommé le Dauphin, appartenant à des Marchands de Londres, & chargé d'une cargaison pour la côte de Guinée. On ne trouve d'abord rien de remarquable dans fon trajet que

la rencontre d'une baleine morte que dévorait un nombre prodigieux d'oiseaux, quoique la Roberts. terre la plus proche fût à plus de trois cens lieues. Scot mouilla aux Ifles du Cap-Verd qu'il parcourut l'une après l'autre, & dans lesquelles il féjourna près d'un an. Enfuite, comme il devait mettre à la voile pour la Barbarie, Roberts acheta une felouque, nommée la Marguerite, d'environ 60 tonneaux', pour commercer en fon propre nom. Il la chargea de marchandises qu'à fon retour il croyait vendre avec avantage aux Ifles du Cap-Verd. C'eft dans le voisinage de ces Ifles que l'attendait fon malheur.

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Vers le foir, il découvrit trois bâtimens ; & le premier, qu'il obferva foigneufement avec fa lunette, lui parut gros & chargé. Il ne douta point que les autres ne fuffent de même & qu'ils n'arrivaflent enfemble. Cependant comme le calme continuait, & qu'ils ne faifaient aucun figne, il paffa la nuit à l'ancre. Mais le vent s'étant levé avec le foleil ; il apperçut bientôt, fur le vaiffeau qu'il avait obfervé, un grand nombre d'hommes en chemifes, & une longue bordée de canons, qui lui rendirent cette rencontre fort fufpecte. Il était trop tard pour fe dérober par la fuite. Déjà le vaiffeau était fort proche. Cependant lorfqu'il fut à la portée du canon, ce vaiffeau arbora le pavillon d'Angle

terre, ce qui rendit l'efpérance aux Anglais, Roberts, Roberts fe hâta de faire paraître auffi le fien. Il remarqua que le vaiffeau portait environ 70 hommes & 14 pièces d'artillerie. Le Capitaine fe faisant voir fur l'avant, demanda à qui appartenait la felouque, & d'où elle venait. Roberts répondit qu'elle était de Londres & qu'elle venait de la Barbarie. Fort bien, lui dit-on, c'est ce qu'on n'ignorait pas. Là-deffus on lui ordonna brufquement d'envoyer fa chaloupe.

Roberts ne fit pas difficulté d'obéir. Le Capitaine du vaisseau était un Portugais, nommé Jean Lopez, comme on l'apprit enfuite; mais qui fachant fort bien la langue Anglaife, avait jugé à propos de fe faire paffer pour un Anglais, né vers le Nord de l'Angleterre, fous le nom de John Ruffel. Il demanda aux deux matelots que Roberts lui avoit envoyés, où était le Patron de la felouque. Ils lui montrerent Roberts, qui était à fe promener fur fon tillac. Auffi-tôt la fureur paraiffant dans fes yeux, il l'accabla d'injures. Roberts était en mules & en chemife, auffi peu capable de défenfe, par fa fituation que par la petiteffe & le mauvais état de fon bâtiment. Il comprit dans quelles mains il était tombé, & qu'en déclarant fon mépris par le filence, il s'expofait à fe faire tuer d'un coup de balle. Sa réponse fut une marque honnête d'étonnement fur la manicre dont

il fe voyait traité. On continua les outrages, & l'on y joignit les plus furieufes menaces, avec des reproches de ce qu'il n'était pas venu lui-même à bord. Il répondit que n'ayant entendu demander que la chaloupe, il n'avoit pas cru que cet ordre le regardât perfonnellement. Quoi! miférable chien, reprit Ruffel, tu feins de ne m'avoir pas entendu. Je vais te faire prendre de meilleures manieres.

Ruffel donna ordre auffi-tôt à quelques-uns de fes gens de lui amener Roberts, & chargea dix ou douze autres de ces brigands de prendre poffeffion de la felouque. A l'arrivée de Roberts qui fut amené fur-le-champ, il tira fon fabre, en répétant, avec d'affreux blafphêmes, qu'il faurait lui apprendre à vivre. Le malheureux Roberts fe crut à fa derniere heure, & continua de s'excufer fur fon ignorance. Mais l'autre tenait toujours fon fabre levé & continuait les menaces. Un de fes gens affecta de lui retenir le bras, & promit à Roberts qu'il ne lui arriverait rien de fâcheux. Alors Ruffel voulu favoir pourquoi il était fi mal vêtu. L'excufe de Roberts fut qu'il ne s'attendait pas à paraître devant un homme fi redoutable, & pour qui me prenez-vous, reprit Ruffel Ici Roberts fort embarraffé chercha long-temps la réponse. Enfin dans la crainte d'offenfer également par la vérité ou par la flatterie, je crois, répondit-il,

Roberts.

que vous êtes un homme de diftinction, qui fait Roberts, de grandes entreprifes fur mer. Tu mens, répliqua Ruffel; ou fi tu crois dire vrai, apprends que nous fommes Pirates.

Roberts lui ayant offert d'aller fe vêtir plus décemment, il lui dit, en jurant plus que jamais, qu'il était trop tard & qu'il demeurerait dans l'habillement où il s'était laiffè prendre ; mais que fon bâtiment & tout ce qu'il contenait ne lui appartenait plus. Je ne le vois que trop, répondit Roberts. Cependant lorsqu'il m'eft impoffible de l'empêcher, j'efpere de votre générofité que vous vous contenterez de ce qui peut vous être utile, & que vous me laifferez le refte. Le Pirate lui dit, avec moins de brutalité, que fes compagnons en décideraienr. Mais en même-temps il lui demanda un mémoire exact de tout ce qu'il avait à bord, fur-tout de fon argent; & s'il s'y trou vait quelque chofe de plus qu'il n'aurait accusé, il protefta qu'il le ferait brûler vif avec fa felouque.

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Tous les gens du vaiffeau, qui prêtaient l'oreille à cette conférence avec un air de compaffion affectée, lui confeillerent d'un ton d'amitié d'être fincere dans fa déclaration, fur-tout à l'égard de l'argent, des armes & des munitions, qui étaient, lui dirent-ils leur objet principal, en l'avertiffant que leur ufage était de punir fort

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