REMARQUES SUR LA LANGUE FRANÇOISE CLXXX. Devers. Ette prépofition a toûjours été en ufage dans les bons Auteurs; par exemple, il fe tourna devers lui, cette ville eft tournée devers l'Orient, devers le Midi, & ainfi des autres. Mais depuis quelque temps ce mot a vieilli, & nosmodernes Ecrivains ne s'en fervent plus dans le beau langage. Ils difent toûjours vers, comme fe tournant vers lui, vers l'Orient, vers le Midi. no. Tome II. A On ne dit plus du tout aujourd'hui de◄ vers, il faut dire fimplement vers. Ous avons de bons Auteurs, Nqui difent l'un & l'autre. M. Coëf feteau y met ordinairement l'article de. M. de Malherbe la plufpart du temps ne l'y met pas, comme quand il dit, il y en eut trois condamnez; il n'y avoit pieu fi ferme, qu'avec peu de peine ils n'arrachaffent, & depuis qu'il y en avoit un arraché. Néanmoins en un autre lieu, il dit, il y en avoit déja trente d'achevez, parlant de vaiffeaux. Aujourd'hui le fentiment le plus commun de nos Ecrivains, eft qu'il faut toûjours mettre le des car en parlant, jamais on ne l'omet, & par conféquent c'est l'Ufage, qu'on eft obligé de suivre auffi bien en écrivant, qu'en parlant, fans s'amufer à éplucher pourquoi cet article eft devant le participe paffif, & après le nombre. C'est la beauté des Langues, que ces façons de parler, qui femblent être fans raison, pourvû que l'Ufage les autorife. La bizarrerie n'eft bonne nulle-part que là. NOTE. M. Chapelain dit que le de fuperflu eft une élégance de l'ufage; je croi que quand le fubftantif eft devant le participe, ce n'eft point une faute que de fupprimer de: Il y eut cent hommes tuez, il y eut vingt fol dats bleffez en cette rencontre; mais qu'il eft mieux de le mettre quand la particule relative en se rencontre dans la phrafe, il y en eut cent de tuez, vingt de bleffez, il y avoit trente vaisseaux achevez il y en avoit trente d'achevez. CLXXXII. Que c'eft. ON ne dit, plus gueres mainte nant que c'eft, comme l'on difoit autrefois. On dit,ce que c'eft. Par exemple, M. de Malherbe dit, Il n'y a point, de loi qui nous apprenne que c'est que Pingratitude. Aujourd'hui l'on dit, qui nous apprenne ce que c'est que, &c. NOTE. M. Chapelain condamne l'exemple de Malherbe Que c'est pour ce que c'est, comme une façon de parler très - vicieuse, quoiqu'elle ait été encore employée depuis trente ans par de bons Auteurs. CLXXXIII. Du depuis. E connois un homme fort âgé, & fort fçavant en notre Langue, qui dit que lorsqu'il vint à la Cour jeune garçon, il y avoit beaucoup de gens qui difoient & écrivoient du depuis, & que déjà dès ce temps- là ceux qui entendoient la pureté du langage, condamnoient cette façon de parler, comme vicieuse & barbare, ne permettant pas feulement aux Poëtes d'en ufer comme d'une licence poëtique, pour s'accommoder d'une fyllabe, dont ils ont fouvent befoin; mais que nonobftant cela on n'a pas |