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DISSERTATION

CRITIQUE

SUR L'ILIADE
46665

D'HOMERE,

Où à l'occafion de ce Poëme on
cherche les regles d'une Poëti-
que fondée fur la raison, & fur
les exemples des Anciens &
des Modernes.

Par Monfieur l'Abbé TERRASSON,
de l'Academie Royale des
Sciences

TOME I.

A PARIS,

ruë

Chez FRANÇOIS FOURNIER, rue S. Jacques,

Et ANTOINE-URBA IN COUSTELIER, Quay
des Auguftins.

M. D CCX V.

Avec Approbation & Privilege du Roy.

48109 732

SARA

SARA

The most Noble

John Duke of Bedford

17/36

銀絲

PREFACE.

VANT que d'expofer au Lecteur la Critique de l'Iliade, je crois qu'il eft à propos de bien marquer ici quel eft le but de mon entreprife. Ma vûë principale eft de faire paffer jufqu'aux belles lettres cet efprit de Philofophie, qui depuis un fiécle a fait faire tant de progrés aux Sciences naturelles. J'entens par Philofophie une fuperiorité de raifon qui nous fait rapporter chaque chofe à fes principes propres & naturels, indépendamment de l'opinion qu'en ont eu les autres hommes. En ce fens la Philofophie n'indique plus certaines fciences particulieres, comme la Morale, la Phyfique, ou la Métaphyfique, qui font affez indiquées par leurs noms mêmes; elle auroit un peu plus de rapport avec la Logique; cependant elle luy eft encore fupérieure, en ce que la Logique në confifte proprement qu'à bien tirer les

confequences d'un principe quel qu'il foit, au lieu que la Philofophie écarte tous les préjugez pour aller jufqu'au vrai principe de la queftion. Mr Defpreaux, par exemple, en fes réfléxions fur Longina, dit: l'antique & conftante admiration qu'on a eûë pour un Ouvrage de belles lettres, est une preuve fure & infaıllıbie, qu'on doit l'admirer; on a anciennement & conftamment admiré les Poëmes d'Homére; on doit donc les admirer encore aujourd'hui: voilà de la Logique: Mais,le principe propre & naturel par lequel on doit juger d'un Ouvrage de belles lettres n'eft pas l'antique & conftante admiration qu'on a eûë pour cet Ouvrage, c'eft la conformité réelle qu'il doit avoir avec la droite raifon & la belle nature: Voilà de la Philofophie.

Je borne, autant qu'il eft neceffaire & qu'on le jugera à propos, mon principe de Philofophie aux connoiffances' humaines. Cependant, oferai-je le dire, s'il eft bien pris & bien entendu, il s'étend jufqu'à laReligion.Le principe propre de la faine croyance font les décifons de l'Eglife. Les articles de la Foy font au-deffus de l'examen de ma raifon,& l'autorité qui me les fait croire eft. a Ref. 7.

que

d'une évidence qui la met au-deffus de tous mes doutes. Ma Philofophie me foumet donc à ma religion, & mon obéiffance eft raisonnable a. C'eft ainsi cette lumiére, cette fupériorité d'efprit qui dans ces derniers temps à détruit les fyftêmes anciens, & qui jette fur les nouveaux même un doute éclairé, fert à confirmer cette vérité ancienne & nouvelle, que tout annonce & que tout dé

montre,

Le Philofophe ne confond donc point une science avec une autre : il laiffe chaque chofe dans fon efpece, & il ne prend que dans cette efpece les regles particulieres fur lesquelles il veut juger de chaque chofe. Il fe pourroit faire qu'un Phyficien de profeffion, accoûtumé à la recherche de la vérité pure, & à l'exactitude de fes expériences, méprisât les fictions & les graces de la Poëfie, ou du moins voulut y introduire un ordre & une précifion qui la deffécheroit fans doute: mais le Philophe, fçachant que la Poëfie doit plaire à l'imagination, admet en ce genre d'Ouvrage des fictions, des profopopées, & d'autres ornements qu'il excluëroit d'un a Rationabile obfequium veftrum. ad Rom.

12. L

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