fe, & le veritable remede. Si le Monde, dit fort bien Montagne à cette occafion, fe plaint dequoy je parle trop de moy, je me plains dequoy il ne pense pas feulement à foy. Qu'on effaie d'imiter la liberté qu'il a prife de fe peindre fans déguisement; & l'on verra bientôt que l'entreprise n'eft pas tant blâmable que difficile à executer. La plupart des hommes font fi aveuglez par une fauffe complaifance pour eux-mêmes, & par une mauvaise honte, que, bien loin de pouvoir fe dévoiler au Public avec cette aimable fincerité qui paroît dans Montagne, ils n'ont pas même le courage de fouiller dans les replis de leurs Cœurs pour fe découvrir fecretement à eux-mêmes leurs foibleffes, leurs legeretez, & les veritables motifs de leurs actions. C'eft là fans doute la raifon pourquoi de tant d'Ecrivains qui ont paru depuis Montagne, & dont la plûpart n'ont été que de fades imitateurs, (car c'eft l'engeance qui a toûjours abondé le plus dans la Republique des Lettres) il ne s'en eft trouvé aucun qui ait entrepris de marcher fur fes traces. 2 2 TOM. III. Liv, III, Ch. II.'p. 404 La I fa & La chofe eft fi remarquable, que le feu DUC DE BUCKINGHAM, meux par un difcernement exquis un jugement qu'on n'a jamais foupçonné d'avoir été offufqué par une vaine complaifance pour des préjugez mal fondez, en a pris occafion de faire l'éloge de Montagne. Après avoir parlé de CICERON & du Chancelier BACON, comme de deux excellens genies, dont la conduite n'eut guere de rapport avec la fageffe qui brille dans leurs Ecrits, il dit que ces deux célèbres Ecrivains auroient rendu beaucoup plus de fervice au Public s'ils euffent voulu lui expofer naïvement & en détail les veritables caufes de cette contrarieté. Mais, 4 ajoûte-t-il, nous ne devons point attendre ce dégré de fincerité de la part d'aucun Ecrivain excepté l'incomparable Montagne, qui apparemment fera toûjours le feul de fon efpece. Je fai bien, continue le Duc de Buckingham, qu'on accufe Montagne de vanité mais fans raison, à mon Et s'il eft vrai qu'il n'en aît avis. 3 Marquis de Normanby, &c. pas 4 But we must never expect fo much fincerity in any Writer, except the incomparable Montagn, who pas été tout-à-fait exempt, jamais perfonne n'a fi bien fu le déguifer: car toute fa Vanité s'étant bornée à lui faire publier auffi librement fes foibleffes & fes défauts, que fes bonnes qualitez, c'est une vanité d'un genre tout particulier, & qui peut-être meriteroit un autre nom. Montagne ne parle pas avec moins de candeur de fon Livre que de luimême. Outre les citations dont il l'a enrichi, il confeffe naïvement, qu'il y a inferé bien des raifons & des comparaifons tirées d'Auteurs célèbres dont il a caché les Noms à deffein, pour tenir en refpect ces Cenfeurs temeraires qui n'ont pas plûtôt jetté les yeux fur un Livre nouveau qu'ils fongent à en faire la critique: fi éloigné d'ailleurs de vouloir s'approprier les penfées d'autrui qu'il aimeroit quelqu'un, dit-il sɔ qui le fruft déplumer, par clairté de jugement. Sans m'être beaucoup attaché à chercher ces pensées étrangeres dont il a embelli fon Ouvrage, j'en ai decou 59. vert is like to ftand alone to all Pofterity. Effay on Authors: p. 266. Vol. II. of THE WORKS of Jous SHEFFIELD, Duke of Buckingham, STOм, II, Liv, II. ch. 1o.p. 152. vert un affez bon nombre, mais plû- Il nous dit avec la même franchi- fe, 7 qu'il entreprend à tous coups, de s'efgaler à fes larrecins, d'aller pair à pair quant & eux. Mais c'eft autant, ajoûte-t-il, par le benefice de mon appli- cation, que par le benefice de mon inven- tion. En effet fon Livre eft rempli de Paffages tirez des meilleurs Autheurs, qu'il s'eft rendu propres en leur don- nant des fens tout nouveaux & fou- vent plus délicats & plus relevez que ceux qu'ils ont dans l'Original. Je fe rois un Livre au lieu d'une Préface, fi j'allois vous détailler ici toutes ces ap- plications ingenieufes. Un feul exem- ple, tiré du Chapitre XXIme du Pré- mier Livre, fuffira pour exciter la cu- riofité des Lecteurs qui ont du goût 6 Voyez To M. I. L. I. Ch. 17. pag. 90. Not. 2. Ch. 19. Pag. 132. Not. 32. Pag. 136. & 137. Not. 34. 35. 36. 37. Pag. 160. & 161. Ch. 21. Not. I 2. Pag. 226. font prifes, mot pour mot, de SENEQUE: & par l'application qu'en fait Montagne, il fe trouve que de fimples obfervations de l'ufage ordinaire de la vie, intereffent enfin toute la Na ture. " " Mais de ces mêmes citations dont Montagne a trouvé moyen d'enrichir fon Livre, on a pris occafion de décrier fa fincerité, dont on ne peut le depouiller fans défigurer entierement fon caractere. Si Montagne, dit-on, a fû remplir fon Livre d'un fi grand nombre de citations, d'où vient qu'il fe plaint fi fouvent & fi vivement de la foibleffe de fa memoire? D'où a-t-il donc tiré tant de traits d'Hif"toire, & tous ces beaux Paffages dont il fait des applications fi fingulieres? ,, N'eft-ce pas fa Memoire qui lui a fourni les Noms de tant de Philofo"phes, leurs propos fententieux qu'il nous cite à tout moment » longues énumerations qu'il fait de leurs Sentimens fur les Queftions les " رو & ces " plus 37. & 38. Not. 10. 11. 12. 13. Pag. 68. Ch. 5. Not. 3. Pag. 227. Ch. 12. Not. 17. Pag. 350. Not. 148. Pag. 564. Not. 421. TOM. II. L. III. ch. 2. Pag. 496. 7. TOM. I. L 1. ch. 25. P. 246, Not 6. To M. IV. Ch, S. Pag. 4. Not. 2. |