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tout ce qui peut vous en rendre plus capable. Que ne doit-on point faire, quand on a à foutenir le jugement du plus grand Monarque du monde ? Au reste, MONSEIGNEUR, en vous demandant audience pour Arifte & pour Eugene, je n'ai pas deffein d'obtenir des graces de la Cour, comme la plupart des gens qui vous approchent : tout ce que je prétends eft de contribuer quelque chofe à votre divertiffement dans les heures où vous prenez un peu de relâche, & de vous marquer le profond refpect avec lequel je fuis, MONSEIGNEUR,

Votre très-humble & trèsobéiffant ferviteur B. J.

LES

ENTRETIENS

. D'ARISTE

E T

D'EUGEN E.

LA MER.

PREMIER ENTRETIEN.

Lya a quelques mois qu'Arifte & Eugene fe rencontrerent en Flandres dans une Ville maritime, durant la plus belle faifon

de l'année. Comme la Fortune les

avoit prefque toujours féparés de

A

puis qu'ils font liés d'amitié, ils furent fort aifes de se retrouver après une fi longue absence, & d'avoir occafion de jouit un peu à loisir de l'entretien l'an de l'autre. Ils réfolarent pour cela de fe voir tous les jours; &, afin de le faire avec plus de liberté, ils choisirent pour le lieu de leur entrevue un endroit commode & agréable au bord de la mer. Car outre qu'en cet endroit le fable eft ferme & uni ( ce qui rend la promenade aisée ), on voit d'un côté une citadelle fort bien bâtie, & de l'autre des dunes d'une figure fort bizarre, qui regnent le long de la côte, & qui repréfentent dans la perspective quelque chofe de femblable à de vieux Palais tombés en ruine.

C'est là qu'Arifte & Eugene eurent quelque temps de ces converfations libres & familieres qu'ont les honnêtes gens, quand ils font amis; & qui ne laiffent pas d'être quelquefois fpirituelles, & même fçavantes, quoiqu'on ne fonge pas à

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y faire paroître de l'efprit, & que L'étude n'y ait point de part.

La premiere fois qu'ils vinrent fur le rivage pour fe promener, Eugene s'attacha d'abord à confidérer la mer qui étoit alors pleine, & qui n'étoit point trop émue Puis tout d'un coup fe tournant vers fon ami, n'est-ce pas là, mon cher Arifte, lui dit-il, un admirable spectacle & n'en êtes-vous pas touché comme moi? Il faudroit être aveugle ou ftupide, répondit Arifte, pour n'en être pas charmé; & je trouve cette petite rêverie où vous vous êtes laiffé aller, la plus raifonnable du monde. Il y a longtemps que j'admire la mer, pourfuivit-il je fis dans ma jeuneffe un voyage exprès pour la voir, & je ne fus pas moins furpris en la voyant la premiere fois, que vous l'êtes. La merveille est, que je l'ai admirée toutes les fois que je l'ai vûe depuis, & que je l'admire encore aujourd'hui comme fi je ne l'avois jamais vûe.

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