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ECCLESIASTIQUE.

Pour fervir de continuation à celle de Monfieur
l'Abbé FLEURY.

TOME VINGT-UNIE'ME.

Depuis l'an 1401. jusqu'en 1431.

A PARIS,

Chez HIPPOLYTE-LOUIS GUERIN, Libraire, ruë S.
Jacques, à S.Thomas d'Aquin, vis-à-vis S. Yves.

M. D C C. X X V I.

Avec Approbation & Privilege du Roy.

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C

PREFA CE.

OM ME il n'y a perfonne qui ne convienne de l'utilité
de l'étude de l'hiftoire ecclefiaftique & des avantages
qu'on en peut tirer, je n'entreprendrai point ici d'en fai-

par

M. Fleury dif

re l'éloge; je me contenterai feulement de repeter après M. l'abbé Fleury, que rien n'eft plus propre à nous confirmer dans cours premier. la foi, que de voir la même doctrine qu'on nous enfeigne aujourd'hui, enfeignée dès le commencement par les apôtres, fcellée par le fang d'une infinité de martirs, & confirmée tant de miracles; que de trouver encore dans la conduite des faints, des exemples qui nous font connoître en quoi consiste la folide pieté & qui détruifent les faux prétextes fur lesquels nous croïons bien fondez nos relachemens, en montrant que la perfection chrétienne cft poffible, puifque Jefus-Chrift l'a enfeignée & que les faints l'ont effectivement pratiquée.

J'ajouterai que le but de l'hiftoire tend encore à former des hommes raisonnables, nez pour la focieté, en leur mettant devant les yeux les défauts de ceux dont on décrit la conduite, afin qu'ils en profitent. Ainfi lire l'hiftoire, ce n'eft pas charger fa memoire d'un grand nombre de dattes, de noms & d'évenemens; beaucoup de gens fe croient habiles en ce genre, pourvû qu'ils puiffent feulement redire ce qu'ils ont lu ou entendu dire, & penfent dès-lors qu'ils peuvent paffer pour favans. Le veritable ufage de cette étude eft plûtôt de connoître les hommes, & d'en juger fainement; d'étudier leurs motifs, leurs opinions, leurs paffions, pour en découvrir tous les refforts, les tours & les détours, les illufions qu'elles font à l'efprit, & les furprises qu'elles font au cœur ; c'eft de reflechir naturellement & fans art fur ce qu'on y trouve de plus remarquable, afin que la lecture qu'on en fait puiffe nous rendre & raifonnables & chrétiens : qualitez qui font inféparables, quand il s'agit de la vraie probité.

En effet, que fert-il de favoir en general que les hommes font & vicieux & vertueux, qu'ils font fujets à beaucoup de paffions & à de fort grands défauts, que les uns par le fecours de la grace les ont corrigez, que d'autres ont perfeveré & font morts

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dans leurs defordres ; fi cette connoiffance ne nous donne pas un moien de ne point reffembler à ceux-ci, & d'imiter ceuxlà : & ce moien ne peut être que d'étudier toutes les manieres dont on peut tomber dans ces vices, dont on y tombe ordinairement, & dont on fe releve en homme chrétien. Or, il n'y a que l'hiftoire ecclefiaftique qui puiffe nous fournir la matiere de cette étude. Ce n'eft que dans ce grand nombre d'actions dif ferentes qu'elle reprefente, & qui viennent prefque toutes, ou de ces défauts, ou de la vraie vertu, qu'on doit s'exercer à reconnoître toutes les efpeces d'actions ou louables ou blâmables, qui font à imiter ou à fuir. C'est-là qu'en confiderant la qualité, l'âge & l'interêt des perfonnes qui ont fait ces actions, ce qui les a précedé, & ce qui les a fuivi, la conjoncture du temps & du lieu ; enfin, toutes les autres circonstances, même les plus legeres, que les bons hiftoriens rapportent fi foigneufement dans les occafions fingulieres ; c'eft à la faveur de ces diverfes lumieres, qu'on peut, en reflechiffant fur toutes ces chofes avec ordre, penetrer les fecrets des cœurs, reconnoître dans quel efprit on a agi en ces rencontres, & en former un jugement clair & certain. Ce font-là les premieres idées que M. l'ab. bé Fleury a cuës en écrivant l'hiftoire des quatorze premiers fiecles de l'églife; & ce font auffi celles que je me propofe de fuivre en la continuant, quoique je ne fache que trop l'extrême difference qui fe trouvera entre ce qu'il a fait, & ce que je puis faire. Avant que de rendre compte de mon travail, je dois à la memoire de M. Fleury, rappeller aux yeux du public les principaux traits de fa vie.

Monfieur l'abbé Fleury étoit Parifien, fils d'un avocat originaire de Rouen, & vint au monde le fix Decembre 1640. Il fuc dabord destiné au barreau, qu'il fréquenta pendant neuf ans, donnant toute fon application à l'étude de la jurifprudence & des belles lettres : mais une inclination naturelle pour un genre de vie plus tranquille, lui fit quitter cette profeffion pour paffer à celle de l'état ecclefiaftique, dans lequel il reçûr l'ordre de prêtrife. Dès-lors, fon devoir lui fit tourner fes principales études du côté de la theologie, de l'écriture fainte, de l'histoire ecclefiaftique, du droit canonique, & des faints peres. Il fe renferma dans ces feules fciences, perfuadé qu'une érudition: plus partagée, en donnant plus d'étendue à l'efprit, le rend auffi moins profond. En 1672. il fut choisi pour être précepteur des princes de Conti, que le roi faifoit élever auprès de monfei

gneur le dauphin fon fils. La fidelité avec laquelle il remplit fes devoirs, lui procura un autre éleve. En 1680. on lui confia la conduite du prince de Vermandois Amiral de France, après la mort duquel le roi le nomma en 1684. à l'abbaïe de Loc-Dieu ordre de Cîteaux diocefe de Rhodez; & cinq ans après, c'està-dire en 1689. Louis XIV. jetta les yeux fur lui pour le faire fous-précepteur des ducs de Bourgogne, d'Anjou, aujourd'hui roi d'Espagne, & de Berry fes petit-fils. Enfin, l'academie Françoife le choifit auffi en 1696. pour être un de fes membres. Un choix fi jufte étoit dû au merite de M. l'abbé Fleury, & faifoit honneur à l'academie.

fee

Les études des trois princes étant finies l'an 1706. le roi lui donna le prieuré d'Argenteuil ordre de faint Benoît diocese de Paris. M. Fleury exact obfervateur des canons, dont il avoit fait une étude particuliere, donna alors un rare exemple de defintereffement, en remettant à sa majefté l'abbaie de Loc-Dieu. Dès-lors délivré des embarras de la cour, où il n'avoit pas laiffé de vivre comme dans une parfaite folitude, ne fe mêlant que des devoirs de fon emploi, & donnant tout le refte de fon temps au travail, il ne penfa plus qu'à emploier fes talens & fon repos au fervice de l'églife. Dès l'année 1674. il avoit fait imprimer fans y mettre fon nom, une Hiftoire du Droit François, qu'on a depuis mife à la tête de l'Inftitution au Droit François, compopar feu M. Argoud avocat en parlement. L'an 1681. il compofa le traité des Mœurs des Ifraëlites, qui eft comme une introduction à la lecture de l'Ancien Teftament; & il fit fuivre de près celui des Maurs des Chrétiens, qui donne une grande idée de la vie fainte des premiers disciples de Jefus-Chrift, & de ceux qui ont vêcu après eux dans les premiers fiecles. Son Catechifme Hiftorique avoit déja paru en 1679. pour donner une idée de l'hiftoire de la Religion depuis la création jufqu'à Jesus-Christ & depuis Jefus-Chrift jufqu'à nous. Cet ouvrage fut depuis traduit en plufieurs langues. La vie de la Mere d'Arbouze, Réformatrice du Val-de-Grace, parut en 1684. & en 1686. le Traité du Choix & de la Methode des Etudes, que M. Dupin regarde comme la clef de tous les ouvrages de M. Fleury. Après y avoir fait l'hiftoire des études de toutes les fciences, depuis le commencement de l'églife jufqu'à prefent, il y donne des confeils fur la methode d'étudier par rapport aux differentes perfonnes. L'année fuivante il publia l'Inftitution an Droit Ecclefiaftique, qui est un abregé de la pratique du Droit Canonique, & de la

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