Imágenes de páginas
PDF
EPUB

DISCOURS

PRONONCÉ

DANS L'HÔTEL DE VILLE

DE

LYON,

Le 21. Décembre, Fête de S. Thomas, de l'année 1741.

Par M. MICHON, Ecuyer, fils de M. Michon, Avocat
du Roi, au Bureau des Finances de Lyon.

[ocr errors][merged small]

De l'Imprimerie d'AYME' DELAROCHE, feul Imprimeur-Libraire ordinaire
de Monseigneur le Duc de VILLEROY, de la Ville & du Gouvernement.

M. D C C. X L V.

AVEC APPROBATION ET PERMISSION.

Vet. Fr. II B.1794

AVIS DE L'IMPRIMEUR.

C

E Discours, qui fut prononcé il y a environ quatre ans,

n'avoit pas parû au jour jusqu'ici, à cause de certain égard ou de quelque confidération particulière, qui en avoit retardé, plutôt qu'empêché, l'impreffions mais comme cet obftacle ne fubfifte plus, & que d'ailleurs le Public a fouhaité que ce petit Ouvrage fut imprimé, avec les Complimens s l'Editeur a été bien aife d'avoir cette occafion de lui donner de nouvelles marques de fon empressement à le fatisfaires fur tout dans l'occurrence du tems préfent, vers lequel l'on a accoûtumé de prononcer ces pr fortes de Difcours, dans l'Hôtel de Ville de Lyon, à la cérémonie qui s'y fait à la fin de chaque année, de la Publication des nouveaux Prévôt des Marchands & Echevins de cette Ville.

a

MUTION

2 OCT 1997

3

DISCOURS

PRONONCÉ

A L'HÔTEL DE VILLE DE LYON,

Le 21. Décembre 1741.

QU'IL EST PLUS DIFFICILE DE CONSERVER, que d'acquérir.

Nullum generofo Viro laborum finem ftatuo;

Et ftrenue parta, funt operofiùs retinenda. Arrian. lib. V.

REX CHRISTIANISSIME.

REGINA CHRISTIANISSIMA.
SERENISSIME DELPHINE.

ARCHIPRASUL EMINENTISSIME.
EXCELLENTISSIME PROVINCIA GUBERNATOR.
DIGNISSIME PROREX.

AMPLISSIME DICÆ ARCHA.

NOBILISSIMI LUGDUNI COMITES.

PRESES ET SENATORES INTEGERRIM I.
PRÆSES ET REGII QUESTORES ORNATISSIMI.
SAPIENTISSIMI TRIBUTORUM DESCRIPTORES.
CLARISSIME MERCATORUM PRÆPOSITE,
NECNON URBIS PRÆFECTE.

MERITI.

LECTISSIMI AC PROVIDENTISSIMI CONSULES.
VIRI DE PATRĻA QUAM OPTIME
CONCIVES CHARISSIMI, CÆTERIQUE ALIORUM
ORDINUM AUDITORES COMMENDATISSIM I.

'HOMME foible de fa nature, & dénué de tout en naiffant, ne peut durant le cours de fa vie, acquérir fans peines & fans foins, des Vertus, des Talens ou des biens de la fortune; & quand une fois il les a acquis, il ne fçauroit trop veiller à leur confervation: il n'est donc pas moins difficile de conserver, que

d'acquérir; mais pour donner plus d'étendue à cette maxime, ne pourrois-je pas ajoûter, MESSIEURS, qu'il est même plus difficile de conferver que d'acquérir? L'un dépend le plus fouvent du hazard, tandis que l'autre eft prefque toujours l'effet de notre industrie. Les réflexions que je me propose de faire fur ce fujet, établiront, je crois, la vérité que j'avance; & il ne nous fera pas difficile d'en conclure de quelle importance elle eft dans la pratique, pour donner une vraie & parfaite folidité aux différens avantages & aux biens déja acquis, dont nous pretendons nous conferver la joüiffance: tels que font, non feulement les richeffes, fur lefquelles je paroîs plus particulièrement infister; mais encore les honneurs, les emplois, l'autorité, le crédit, la réputation, & les autres fruits de nos talens & de nos travaux.

EN effet, MESSIEURS, qu'un homme foit parvenu aux honneurs & aux grands emplois, pour y arriver, il a fallu qu'il fe pliât de bonne heure aux fonctions pénibles qu'exige une Charge; il a compris que cette Place, qui l'élève audeffus des autres, lui donnoit droit à l'eftime générale, par une capacité reconnue, ou le livroit au mépris public par le défaut d'un mérite proportionné à fes devoirs. Que d'efforts pour acquérir la réputation qui lui a fait percer la foule, & qui l'a fait juger digne de fon rang? Mais cette réputation foutiendra-t-elle le rigide Examen qu'on fait aujourd'hui de toutes les démarches ? & fi elle le foutient, n'eft-ce pas parce qu'il fe condamne à une contrainte plus grande que jamais ? parce qu'il fe livre à un travail forcé, beaucoup au-deffus des fatigues qui l'ont précédé? Sans cette application redoublée, n'auroit-il pas été contraint de fuccomber fous ces titres d'honneur, & de paroître aux yeux de la multitude dans un jour plus nuifible à fa gloire, que l'obscurité même? La crainte de ce qu'il en coûte pour fe conferver au faîte des Grandeurs, en fit volontairement defcendre la fierté de Silla; & la conftance d'Augufte en fut ébranlée.

LA réputation d'un homme de Lettres fur quoi porte-t-elle d'abord? Quelquefois fur un Ouvrage échappé au hazard

qu'un

qu'un premier effort de génie a enfanté affez heureusement; qui, bien loin de lui avoir coûté beaucoup, eft le fruit d'un travail prefque involontaire : quelque apparence de neuf, femble annoncer aux connoiffeurs de nouvelles richeffes littéraires; l'avide curiofité du Public en marque l'Auteur au coin du vrai mérite ; & le voilà dès-lors engagé, prefque fans deffein, dans la carrière du bel Efprit. Flaté par ces avantcoureurs d'une réputation facile, il ne fonge qu'à l'accroître ou l'entretenir. Que de veilles affiduës? que de méditations férieufes que d'ennuyeux momens ne fe prépare-t-il pas ? Combien trouvera-t-il péfant le fardeau de fa Renommée ? Il ne fe contentera pas d'attendre que le génie l'avertiffe de fe mettre au travail; il faudra l'appeller, lui commander, effuyer fes caprices, & l'éprouver fouvent indocile, l'échauffer malgré lui, pour ne pas devenir la fable de ce même Public, dont il avoit fait l'admiration par fes premiers effais. De nouveaux fuccès exigent un furcroît de travail, toujours plus pénible par l'incertitude de l'accueil qu'on prépare aux productions nouvelles c'est ce que les plus grands Maîtres ont éprouvé. Cinna, Pompée, & Rodogune, ces Chefs-d'œuvre du Théâtre, demandèrent plus d'efforts à l'Illuftre Corneille, que le Cid ne lui en avoit coûté; l'habitude même de compofer & d'écrire ne put fuppléer dans la fuite à un travail qui devint au-deffus de fes forces: aux représentations d'Agefilas & d'Attila, il courut rifque de voir fubftituer un rire mocqueur aux larmes données à Chimène ; du moins lui fut-il aifé de reconnoître alors, qu'il ne pouvoit plus que perdre, en voulant ajoûter à fa réputation. Combien d'autres ont fenti pår leurs propres dégoûts, & fait fentir à leurs admirateurs par un fâcheux ennui, qu'il eft moins difficile d'acquérir un noin parmi les Sçavans que le porter longtems avec dignité ?

:

C

LA vertu même fe contente des foins ordinaires de l'honnête homme pour fe laiffer atteindre; mais ce n'est que dans le cœur des Héros, capables des plus grandes Victoires, qu'elle n'est point exposée à fe voir démentie; & les déplorables chûtes de tant de grands Hommes, prouvent encore qu'elle n'eft pas

B

« AnteriorContinuar »