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CHEZ LEDENTU, LIBRAIRE-ÉDITEUR,

QUAI DES AUGUSTINS, No 31.

M DCCC XXXVI.

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OEUVRES

DE

J.-F. REGNARD.

NOTICE SUR REGNARD.

Jean-François Regnard, le meilleur de nos poètes comiques après Molière, naquit à Paris l'an 1656. Fils unique, et héritier d'un bien considérable, il reçut une éducation proportionnée à sa fortune. Il étoit grand, bien fait, et de fort bonne mine. Son père étant mort comme il finissoit ses exercices à l'Académie, il se trouva en jouissance d'un revenu qui le mit en état de figurer dans le grand monde : cependant le goût de voyager l'emporta sur les plaisirs que son opulence pouvoit lui procurer dans sa patrie.

sous le nom d'Elvire, et le mari de cette dame que sous celui de de Prade. Quoi qu'il en soit, après diverses aventures, cette dame lui proposa de revenir en France; et Regnard, trop épris des charmes de sa maîtresse pour lui refuser sa demande, saisit la première occasion qui se présenta, et s'embarqua avec la dame provençale et son mari à Civita-Vecchia, sur une frégate angloise qui faisoit route pour Toulon. Après quelques jours de navigation, cette frégate fut attaquée par deux vaisseaux algériens; et après un combat de trois heures, dans lequel le capitaine anglois perdit la vie, le reste de l'équipage fut obligé de se rendre au pouvoir des corsaires, qui conduisirent leur prise à Alger. Ce malheur arriva le 4 octobre 1678.

De tous les pays qui excitoient la curiosité de Regnard, l'Italie lui parut mériter la pré- Regnard, à peine arrivé à Alger, y fut férence. Ce voyage fut des plus heureux; car vendu quinze cents livres, et la belle Pros'étant trouvé dans le cas de jouer, et de vençale mille livres. Comme il avoit toujours jouer très-gros jeu, la fortune lui fut si favo- aimé la bonne chère, et qu'il étoit grand fairable, qu'il rapporta à Paris, tous les frais de seur de ragoûts, son habileté en ce genre lui son voyage compris, plus de dix mille écus. procura l'emploi de cuisinier chez son maître Cette somme, jointe à la succession de son Achmet-Talem; et bientôt ses manières prépère, qui montoit à quarante mille écus, au- venantes, son enjouement et sa boune mine, roit dû fixer Regnard à Paris; mais le sou-le firent aimer des femmes de cet Algérien. venir flatteur des plaisirs qu'il avoit goûtés | Mais Achmet-Talem, homme cruel et jaloux, en Italie l'y appela une seconde fois.

Etant à Bologne, il devint amoureux d'une dame provençale, qu'il n'a fait connoître que

ayant découvert ses intrigues, le livra à la justice pour être puni selon la rigueur des lois, qui ordonnent qu'un chrétien, trouvé en fla

grant délit avec une Mahométane, expie son | moire de cette disgrâce. Mais il ne fut pas crime par le feu, ou se fasse mahométan. guéri pour cela de sa passion pour les Le consul de la nation françoise, qui avoit voyages. reçu depuis peu de jours une somme considérable pour racheter Regnard, ayant appris le malheur qui lui étoit arrivé, interposa son autorité, et alla trouver Achmet-Talem, qui d'abord ne voulut rien écouter. Mais le consul, ne se rebutant pas, lui représenta que rien n'étoit plus trompeur que les apparences; que, quand même la chose seroit vraie, il y auroit peu de gloire à lui de faire périr son esclave; que d'ailleurs, en le perdant, il perdoit une somme considérable qu'il avoit à lui donner pour sa rançon. Cette dernière raison fut plus forte que les autres: AchmetTalem se laissa gagner. Il retira Regnard des mains du divan, en avouant qu'il l'avoit accusé sur un simple soupçon, et que son crime n'étoit confirmé par aucune preuve; et il le remit en liberté, après avoir reçu le prix dont il étoit convenu avec le consul'.

Voilà comment Regnard raconte ses aventures d'Alger dans son petit roman intitulé la Provençale, où il ne fait aucune mention de son voyage de Constantinople. On ignore les raisons qui ont pu l'obliger à garder le silence sur son séjour en cette ville mais voici la vérité du fait. Au bout de quelque temps de séjour à Alger, son maître AchmetTalem, ayant affaire pour son commerce avec les ministres de la Porte-Ottomane, l'emmena avec sa Provençale à Constantinople, où ils essuyèrent, pendant plus de deux ans, une captivité très-rigoureuse. Enfin Regnard ayant trouvé le moyen de faire savoir sa triste situation à sa famille, on lui envoya douze mille livres, qui servirent à payer sa rançon, celle de sa Provençale, et celle de son valet-dechambre; et ils repassèrent tous les trois en France, sur un vaisseau françois qui les mena heureusement à Marseille. Regnard, ayant ainsi recouvré sa liberté, revint aussitôt à Paris, portant avec lui la chaîne dont il avoit été chargé pendant son esclavage, et qu'il a toujours conservée avec soin dans son cabinet, pour se rappeler incessamment la mé

Voyez la Provençale.

En recouvrant sa liberté et celle de sa belle maîtresse, Regnard reçut la nouvelle de la mort de de Prade, qui étoit resté à Alger; de sorte que rien ne s'opposoit plus à son bonheur que les scrupules d'Elvire, qui, par bienséance, demanda quelque temps pour marquer le deuil de son époux. Tout amoureux qu'étoit Regnard, il ne put s'opposer à ce que souhaitoit la belle Provençale; et pour mettre ordre à ses affaires, il revint à Paris avec Elvire, pour attendre cet heureux moment où il devoit être récompensé de toutes les disgrâces qu'il avoit éprouvées pour cette belle personne. Mais le sort en décida autrement: ce mari, qui depuis huit mois étoit au rang des morts, reparut tout-à-coup, accompagné de deux religieux Mathurins qui l'avoient racheté à Alger, et qui le présentèrent à son épouse. Le retour de de Prade fut célébré par une nouvelle noce. Regnard, pénétré, comme on peut le penser, de cet événement, ne voulut point être présent à cette cruelle cérémonie : il quitta Paris pour la troisième fois, dans le dessein de n'y revenir que lorsqu'il seroit guéri de son amour.

Il partit de nouveau de Paris le 26 avril 1681, et s'en alla en Flandre et en Hollande, puis en Danemarck et en Suède. Étant à la cour de Suède, le roi l'engagea à voir la Laponie, et lui offrit toutes les commodités nécessaires pour y aller. Regnard, à la sollicitation de ce prince, entreprit ce voyage, et partit pour cette grande entreprise. Il s'embarqua à Stockholm, pour passer à Torno, le mercredi 23 juillet de la même année, avec deux gentilshommes françois, les sieurs de Fercourt et de Corberon. Il parcourut toute la Laponie. Il arriva à Torno, qui est la dernière ville du monde du côté du nord, située à l'extrémité du golfe de Bothnie. Il remonta le fleuve qui porte le même nom que cette ville, et dont la source n'est pas éloignée du cap Nord. Il pénétra jusqu'à la mer Glaciale, et l'on peut dire qu'il ne s'arrêta qu'où la terre lui manqua. Enfin, il arriva le 22 août suivant à la montagne de Metavara, où il fut obligé de termi

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