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ECCLÉSIASTIQUE,

Pour fervir de continuation à celle de Monfieur l'Abbé
FLEUR Y.

TOME TRENTE-TROISIEME.

DEPUIS L'AN 1562. JUSQU'A L'AN 1563.

Caron

A PARIS,

DESAINT & SAILLANT, rue S. Jean de Beauvais.
Chez JEAN-TH. HERISSANT, rue S. Jacques, à S. Paul & à S. Hilaire.
(DURAND, rue du Foin attenant la rue S. Jacques, au Griffon.

D C C. L V I.

Avec Approbation & Privilege du Roi.

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LG

DISCOURS

SUR LE RENOUVELLEMENT des Etudes, & principalement des Etudes : Ecclefiaftiques, depuis le XIV. Siecle.

L

I.

ES héréfies qui attaquerent l'églife dans le XVI. fie- Renouvelle cle, ne furent pas les feuls maux qui affligerent les ment du XIX. peres affemblés à Trente pour la tenue du dernier cauon du concile concile général, ni les feuls aufquels ils tâcherent de de Latran;qui or remédier. L'ignorance caufée par la négligence des donne que dans ciercs, & par les mauvaises études que la plupart fai- un fonds pour en les eglifes il y ait foient, ne leur parut pas un mal moins dangereux & tretenir un maîmoins funefte, & ils crurent avec raifon qu'un de leurs devoirs prin- tre habile. cipaux étoit de la bannir du clergé, autant qu'il feroit en eux. Le concile de Cologne tenu en 1536. avoit déja eu les mêmes vûes, & fon zele l'avoit porté à renouveller le XIX. canon de celui de Latran, tenu fous

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le Pape Innocent III. qui ordonne que dans les églifes cathédrales, & dans

qu'à l'églife,

les collégiales même, il y ait un fonds pour entretenir un maître ha- Conc. Labb.1.14. bile, qui enfeigne aux clercs les fciences convenables à leur état. Il avoit p. 557. hift. eccl. eu foin de faire remarquer que l'obfervation de ce canon étoit d'autant . 157. plus néceffaire, qu'elle n'eft pas moins avantageufe à l'état & que l'ignorance entraîne toujours avec elle des maux d'autant plus confidérables, qu'ils durent long-tems, & qu'il eft très-difficile de les guérir. Les peres affemblés à Trente n'ignoroient pas ces canons, & ils Je firent gloire d'imiter la fageffe des conciles où ils avoient été faits. Ce fut dans cet efprit & pour marcher fur ces traces, dont on ne s'étoit jamais écarté fans s'expofer à de fâcheufes fuites, qu'ils renouvellerent folemnellement le canon du concile de Latran dont on vient de parler, &qu'ils en ordonnerent l'exécution.

Conc. Trid. feff.

23. 6. 28.

On a vu en effet dans les volumes précédens de cette hiftoire, combien l'on avoit été de tems à revenir des maux que la barbarie des IX. X. & XI. fiecles avoit introduits dans l'églife, & qui avoient néceffairement rejailli fur l'Etat. L'établiffement des univerfités qui ne prirent ce nom qu'au commencement du XIII. fiecle, quoique quelques-unes fuffent déja prefque formées fous le nom d'écoles, commencerent à chaffer cette barbarie, & renouvellerent les études. Mais ces écoles avoient cu le malheur de ne commencer elles-mêmes à s'établir que dans un fiecle où le goût des bonnes études étoit perdu, & la maniere dont on étudioit étoit peu propre à le faire renaître, comme on peut le voir dans le Cinquieme dif- cinquieme difcour de M. l'abbé Fleury, prefque tout employé à fairesours fur l'hiftoi- connoître les études que les eccléfiaftiques faifoient alors, & la voiere eccléf qu'ils prenoient pour y réuffir. Ce n'eft pas le moyen d'arriver que de choifir malda route, & un ancien poëte a eu raifon de le dire, l'ouvrage eft à moitié fait quand on a bien commencé. C'eft cette route fi frayée dans l'antiquité, & que l'on a dans la fuite perdu fi long-tems de vue qu'un petit nombre d'heureux génies a enfin comme rétabli dans le XIV. fiecle. Ils y font entrés, leur exemple & leurs préceptes y ont introduit beaucoup d'autres; l'églife & la république y ont trouvé leur. gloire & leur avantage. Mais comment y font-ils parvenus? En étudiant les langues fçavantes, & en perfectionnant les langues vulgaires en lifant les anciens dans leurs fources, en s'appliquant à l'histoire la critique, à rechercher les livres originaux, à l'étude des anciens monumens. C'eft la remarque judicieufe que M. l'abbé Fleury fait dans le difcours dont nous venons de parler, & dont celui-ci ne fera proprement qu'une fuite.

Ovid.

Cinquieme dif•cours, dla fin.

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Etude deslan

gues.

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Latine.

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L'étude des langues eft en foi un exercice ennuyeux & difficile; l'homme eft naturellement pareffeux & ennemi de l'application. Ces deux: raifons ont fait que l'on a affez long-tems négligé l'étude des langues fçavantes, depuis même que les écoles eurent commencé à jouir du repos que les innondations des barbares leur avoient fi long-tems enlevé.

On le contentoit alors de la langue Latine, & il n'y avoit prefque De la langue même que les eccléfiaftiques qui la fçuffent. Nous comprenons les moines & les religieux fous ce nombre. La connoiffance de cette langue a toujours été néceffaire au clergé féculier & régulier. On ne pouvoit entendre fans elle l'écriture-fainte, les livres de théologie & de droit canon, les offices qui font en ufage dans l'églife. Mais dans les fiecles dont nous urlons, cette langue étoit tellement dégénérée de la noblef fe, de élegance & de la pureté de celle que l'on parloit dans le fiecle d'Augufte, & dont on retrouve encore de beaux veftiges dans les peres des premiers fiecles de l'églife Latine, qu'elle en étoit méconnoiffable. C'étoit proprement une autre langue qu'il faut étudier aujourd'hui férieufement fi on veut l'entendre; comme l'éprouvent ceux, qui par nécef fité ou par goût s'appliquent à la lecture des actes, des décrets, des ordonnances, des chartres & des autres monumens de ces fiecles d'ignorance & de barbarie.

L'étude que quelques génies plus heureux & plus pénétrans firent

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enfin de bons auteurs, qui ont fait autrefois tant d'honneur à l'Italie & dont la réputation depuis long-tems reffufcitée, ne mourra fans doute jamais, réveilla le goût & porta les premiers coups à la barbarie, dont on avoit reçu la domination fans s'en plaindre. On eut honte de ce Latin groffier qu'il fuffifoit prefqu'alors de parler & d'écrire pour s'acquérir la réputation d'homme fçavant. Les meilleures fources une fois connues, on y puifa. Cicéron, Salufte, Tite-Live, Virgile, Horace, & tant d'autres fi long-tems oubliés ou extrêmement négligés, furent recherchés avec empreffement: On les lut, & on les goûta. L'étude qu'on en.fit devenant commune, changea infenfiblement la face des univerfités, le ftyle devint plus poli & plus élegant, & par-là, il fut plus net. & plus facile à entendre. On renonça à ces figures outrées, à ces enflures ridicules dont on chargeoit auparavant fon ftyle; on commença à aimer le naturel, à fe rapprocher d'une fimplicité élegante, qui dénotoit la renaiffance du bon goût; & en peu d'années l'on ne tarda pas à ètre en état de diftinguer les bons auteurs des auteurs médiocres. Lau- Walch.b.ft.crit. rent Valle qui avoit été prefque le premier qui eût fait remarquer la lativ.ling.p.103.. barbarie des fiecles précedens, fut auffi l'un des premiers qui apprit à l'éviter. C'est un des auteurs de fon tems qui a le plus contribué à rétablir Péloquence Latine: il la poffédoit dans un dégré qu'un meilleur fiecle: eût envié. Chryfoloras, quoique Grec d'origine, rendit le même fervice à la langue Latine. Maître excellent, il eut des difciples qui l'égalerent, & qui le furpafferent même. On vit fortir de fon école Leonard Aretin, François Barbaro, Guarini, & Pogge, & plufieurs autres. dont la Latinité eft de beaucoup fupérieure au plus grand nombre des auteurs du moyen âge, qui avoient écrit avant eux en cette langue. Erafme l'écrivoit & la parloit avec beaucoup d'élégance. Hermolao Barbaro, le Mantouan, Pic de la Mirande, Ange Politien, le cardinal Bembo les Manuces, Sadolet, Muret, & beaucoup d'autres, ont montré un génie fupérieur & une élégance de style qui avoit difparue pendant bien. des fiecles, & que l'on a encore perfectionnée depuis.. L'Italie, la France & l'Espagne même virent alors des fçavans que l'ancienne Rome n'auroit pas défavoués. Louis Vivés, Efpagnol, a rendu de grands fervices aux lettres par fes ouvrages, & en particulier par celui où it traite au long de la corruption des arts. On ne peut encore trop lire aujourd'hui cet écrit, quoique depuis long-tems on ait évité la plus grande partie des défauts qui y font repris fi juftement, & avec une fi.grande pénétration d'efprit. Le pape Nicolas V. prêta la main à ces fçavans, & de peur que l'indigence ne retardât les biens qu'il efpéroit de leurs veilles & de leurs travaux, il les combla de bienfaits; il fitchercher à fes dépens, même dans les pays, étrangers, les manufcrits qu'il put recou

il mit par-là ces fçavans en état de les étudier, de conformer leur ftyle à ceux des anciens,. & de profiter de leur érudition. Paul V. en 1610. après avoir confirmé la bulle de Clément V. fi favorable aux étu des, ajouta qu'il vouloit que ceux qui auroient fait plus de progrès dans les langues, fuflent préférés aux autres pour le doctorat, & que fi c'étoient des religieux, on les choisit préférablement pour remplir les

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